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La polémique autour du hijab de running de Decathlon en sept actes

Critiqué, Decathlon a annoncé renoncer "à l'heure qu'il est" à la commercialisation de son hijab de running en France. 

Article rédigé par franceinfo
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Publié Mis à jour
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Decathlon a fait face à une polémique sur la commercialisation d'un hijab de sport, le 26 février 2019. (CHRISTOPHE LEHENAFF / AFP)

Le groupe français Decathlon a affirmé, mardi 26 février, "assumer complètement"  la commercialisation prochaine d'un hijab destiné aux coureuses, puis, quelques heures plus tard, a renoncé à le vendre en France. Entre les hésitations de l'entreprise et l'embrasement de la sphère politique, franceinfo revient en sept actes sur la polémique autour de la vente de ce hijab de running. 

1Le blog Al-Kanz repère la vente du hijab sur le site de Decathlon France 

Le 21 février, le blogueur Al-Kanz, qui traite principalement l'économie du marché des consommateurs musulmans en France et dans le monde, repère sur le site de Decathlon France l'article "hijab running" de la marque propre de Decathlon, Kalenji. Un produit "respirant" et "conçu pour la coureuse qui souhaite se couvrir la tête et le cou pendant la course", indique le site internet. Contactée par Al-Kanz, l’enseigne fait savoir que le hijab running Kalenji, déjà commercialisé au Maroc, n’est disponible dans aucune des centrales d’achat du groupe en France, même s'il figure sur le site officiel.

2Une polémique naît sur les réseaux sociaux

Quelques jours plus tard, des personnalités politiques s'émeuvent de la commercialisation de ce voile pour sportives, certaines appelant même à un boycott de la marque. Dans un tweet posté dimanche 24 février, Lydia Guirous, porte-parole des Républicains, estime que Decathlon "renie les valeurs de notre civilisation sur l'autel du marché et du marketing communautaire".

"La publicité est affligeante", jugent de leur côté la Ligue du droit international des femmes et le Comité laïcité république, dans un communiqué publié sur Twitter. "Oubliée la mission éducatrice et émancipatrice du sport. (...) Le monde du sport veut-il vraiment être le fossoyeur des libertés des femmes ?"

Valérie Boyer, députée LR des Bouches-du-Rhône, se dit "écœurée" et "révoltée de voir que cette entreprise française fait le choix de 'prolonger l'apartheid sexuel imposé aux femmes dans l'espace public'". Députée du Tarn, Valérie Rabault (PS) suggère même de boycotter l'équipementier sportif.

3Decathlon affirme que le hijab ne devrait pas être proposé à la vente en France 

Contacté le 25 février par Le Figaro, le responsable de la communication externe de Decathlon United, Xavier Rivoire, indique que le hijab de Kalenji ne devrait pas être proposé à la vente en France pour le moment, et que sa mise en ligne sur le site français serait une erreur. D'ailleurs, le produit n'est plus accessible via la page d'accueil du site Decathlon, notent les journalistes du Figaro, même si l'URL est encore active.

Le responsable de la communication de Decathlon United explique que ce produit a été créé en réponse aux besoins des coureuses marocaines. "A chaque fois que nous serons sollicités par des sportifs locaux, à Jakarta, à Montréal ou à Tunis, nous aurons la même réponse, en proposant une offre internationale et des produits locaux complémentaires" adaptés aux réalités locales, fait-il valoir.

Sur Twitter, la marque répond à Lydia Guirous en expliquant la nécessité de l'article par le souhait de "rendre la pratique du sport plus accessible, partout dans le monde. Ce hijab était un besoin de certaines pratiquantes de course à pied, et nous répondons donc à ce besoin sportif."

4La polémique enfle dans la sphère politique 

Invité sur France 2 mardi 26 février, Nicolas Dupont-Aignan, président de Debout la France, trace un parallèle avec la situation des femmes en Arabie saoudite. 

"Le sport émancipe, écrit de son côté Aurore Bergé, porte-parole de La République en marche, sur Twitter. Il ne soumet pas. Mon choix de femme et de citoyenne sera de ne plus faire confiance à une marque qui rompt avec nos valeurs."  

Interrogée mardi sur RTL, la ministre de la Santé, Agnès Buzyn, souligne qu'un tel produit n'est "pas interdit par la loi". Mais "c'est une vision de la femme que je ne partage pas. En tant que femme, c'est comme ça que je le vis. Tout ce qui peut amener à une différenciation me gêne. J'aurais préféré qu'une marque française ne promeuve pas le voile, ajoute-t-elle. Personnellement, je n'ai pas envie qu'on favorise la différenciation entre les femmes et les hommes."

5Decathlon assume la commercialisation en France 

Dans l'après-midi du 26 février, l'enseigne change d'avis. Dans les prochaines semaines, cet "accessoire initialement développé et commercialisé au Maroc, à la demande de pratiquantes locales de course à pied", sera "rendu disponible en France et partout dans le monde dans les magasins" Decathlon qui en feront la demande, indique Xavier Rivoire.

"Nous assumons complètement le choix de rendre le sport accessible pour toutes les femmes dans le monde. C'est presque un engagement sociétal, si cela permet à des coureuses de pratiquer la course à pied, nous l'assumons avec sérénité", poursuit-il. Responsable du jogging chez Kalenji, Angélique Thibault, qui a conçu le produit, se dit "mue par la volonté que chaque femme puisse courir dans chaque quartier, dans chaque ville, dans chaque pays, indépendamment de son niveau sportif, de son état de forme, de sa morphologie, de son budget. Et indépendamment de sa culture."

6Des menaces sont adressées à Decathlon

Mardi après-midi, Decathlon rapporte que ses équipes font face à "une vague d'insultes et de menaces sans précédent"

"Bande d'islamistes", "honte à vous", "est-ce que vous vendez des ceintures explosives ?" font partie des messages reçus par Decathlon. L'enseigne, qui encourage les internautes à "conserver une forme respecteuse" dans les échanges avec ses équipes, appelle "au calme et à la mesure"

7Decathlon renonce à la vente du hijab en France

Mardi soir, Decathlon fait marche arrière. "Nous prenons effectivement décision en toute responsabilité, en ce mardi soir, de ne pas commercialiser à l'heure qu'il est ce produit en France", déclare Xavier Rivoire, directeur de la communication de Decathlon, sur RTL.

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