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Projet de loi contre la discrimination fondée sur l'accent : "Je crois qu'en légiférant, on va sensibiliser et essayer de faire évoluer les mentalités", affirme Christophe Euzet

Selon le député Agir ensemble, 16% des Français ont été discriminés par rapport à leur accent. 

Article rédigé par franceinfo
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Christophe Euzet à l'Assemblée nationale en octobre 2019.  (THOMAS PADILLA / MAXPPP)

"Je crois qu'en légiférant, en montrant que ces discriminations blessent les gens, on va sensibiliser à une cause et essayer de faire évoluer les mentalités", a déclaré mercredi 18 novembre sur franceinfo Christophe Euzet, député Agir ensemble de l’Hérault. Il est l'auteur d’une proposition de loi examinée ce matin à l'Assemblée visant à promouvoir la France des accents et lutter contre la glottophobie, c'est-à-dire toute forme de discrimination fondée sur la langue ou l'accent. Le texte demande donc à ce que la notion d'accent entre dans la loi et s'ajoute à la liste des critères de discrimination déjà existants. A ce jour, le code pénal et le code du travail jugent illégale la discrimination en raison de la couleur de peau, du genre, de l'orientation sexuelle, de la religion ou en raison d'un handicap.

franceinfo : Pourquoi faut-il légiférer sur la glottophobie ?

Christophe Euzet : On est face à une problématique qui est assez importante en réalité, avec un phénomène d'envergure. Je crois donc qu'en légiférant, en mettant un petit feu rouge, en montrant que ces discriminations blessent les gens et qu'elles posent d'ailleurs problème au contrat social en général, on va sensibiliser à une cause et essayer de faire évoluer les mentalités. C'est mon but. Le but n'est pas de faire du répressif comme pour les autres discriminations pour lesquelles les peines vont jusqu'à 45 000 euros d'amende et trois ans de prison, ce n'est pas du tout l'objet. On l'a aligné sur le droit commun des discriminations mais il s'agit d'enclencher un changement d'état d'esprit. On voit bien, malheureusement, dans notre système social que si l'interdit ne passe pas par un feu rouge, les gens ont le sentiment qu'ils peuvent discriminer impunément. A partir du moment où le feu rouge sera posé, avec cette perspective éventuelle de la sanction, on aura une évolution probable des comportements. En tout cas, les gens ne pourront plus discriminer en ayant le sentiment de faire quelque chose qui n'est pas répréhensible.

Comment peut-on prouver la glottophobie ?

C'est très difficile de prouver les discriminations en général. D'ailleurs, c'est la raison pour laquelle en principe on la pose dans le code pénal et éventuellement dans le code du travail. On l'a fait pour les femmes, pour les homosexuels, pour les gens de couleur, pour les handicapés, pour toutes les minorités dont on dit qu'elles sont des minorités visibles, moi je le fais cette fois pour une minorité audible. En mettant une disposition dans le droit pénal ou dans le code du travail, le but est de faire changer l'état d'esprit. Quand on pose un feu rouge dans une rue, on n'est pas certain que les gens vont le respecter à 4h du matin mais quand on fait des statistiques sur la question, on se rend compte qu'à terme, ils finissent pas s'y arrêter quand bien même il n'y aurait pas de gendarmes au coin de la rue. Par ailleurs, on aura la possibilité de faire du 'testing', c'est-à-dire du suivi statistique qui permettra de voir si ces discriminations évoluent.

Est-ce qu'on peut comparer, selon vous, la discrimination par l'accent et la discrimination pour l'orientation sexuelle ou la couleur de peau ?

Tout est relatif. Il faut savoir raison garder sur ce genre de problème. Cela étant, il existe des discriminations massives : 16% des Français ont été discriminés de façon assez violente, parfois jusqu'à l'embauche, ce n'est pas rien. Ce taux atteint 36% chez les cadres pour les discriminations par l'accent [...] Il y a une centralisation très forte de la prononciation du français. Il y a également des préjugés. Par exemple, l'accent du sud n'est pas assimilé à la compétence ou au sérieux et on est parfois un peu condamnés à la double peine : celle d'être compétent et celle d'avoir l'obligation de faire la preuve de sa compétence parce qu'on porte un accent dissonant. On se moque aussi des accents de ceux qui parlent français à l'étranger : il y a 230 millions de personnes dans le monde qui parlent français, on devrait s'en réjouir au lieu de le railler. C'est un sujet de société et il convient de le prendre à bras le corps. Ce que je fais avec cette proposition de loi.

Est-ce que l'accent est vu comme une déconnexion des Français et des élites ?

A partir du moment où des parties du territoire, des 'terroirs' ne s'identifient plus dans la prise de parole publique (acteur, politique, animateurs télé, avocats, intellectuels...) Si les territoires ne se reconnaissent plus, ça peut provoquer une cassure. Moi j'ai le sentiment que l'acuité de la crise des "gilets jaunes" qui a eu lieu dans le nord et dans le sud du pays témoigne de cet état de fait : il y a une difficulté d'identification à la parole publique qui peut se traduire parfois par un rejet, ce qui est domageable pour notre pays dans sa cohésion.

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