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Plan d'action de la justice : "Il faut se mettre dans la tête que les prisonniers vont sortir", rappelle la contrôleuse des lieux de privation de liberté

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Article rédigé par franceinfo
Radio France

Selon Dominique Simonnot, la contrôleuse générale des lieux de privation de liberté, le gouvernement "devrait inscrire dans la loi quelque chose qui réduise de façon contraignante la population carcérale, comme l'ont fait les autres pays d'Europe qui y parviennent."

"Il faut se mettre dans la tête que les prisonniers vont sortir, et qu'ils vont sortir vite", rappelle Dominique Simonnot, la contrôleuse générale des lieux de privation de liberté jeudi 5 janvier sur franceinfo. "Il faut qu'ils sortent meilleurs qu'ils ne sont rentrés", insiste-t-elle, alors que le ministre de la Justice, Eric Dupond-Moretti, présente ce jeudi son plan d'action pour la justice. Il doit notamment s’exprimer sur la surpopulation carcérale, alors que la France compte 73 000 détenus pour 60 000 places dans les prisons.

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franceinfo : Vous avez récemment comparé les prisonniers à des poulets élevés en batterie, on en est là ?

Dominique Simonnot : Exactement. Moi, c'est l'image qui m'a frappée. C'était la première fois que je rentrais dans des cellules où je voyais trois ou quatre grands gaillards entassés avec moins d'un mètre carré d'espace vital par personne, dans un endroit où ils restent enfermés 21 heures sur 24.

"Des gens vont me dire c'est très bien, ‘ils payent’, ‘ils l'ont bien mérité’, mais, il faut se mettre dans la tête qu'ils vont sortir et qu'ils vont sortir très vite et qu'il faut qu'ils sortent meilleurs qu'ils ne sont rentrés."

Dominique Simonnot, contrôleuse générale des lieux de privation de liberté

à franceinfo

Beaucoup de détenus nous disent qu'ils profitent de la promenade, pardon du mot, pour aller ‘chier’ parce qu'autrement, ils n'y arrivent pas. Il y en a qui me disent : ‘moi, je mange de moins en moins pour évacuer de moins en moins’. Je pense que ça parle à tout le monde. Sans compter les cafards qui cavalent dans les cellules et les punaises de lit qui leur bouffent la peau.

Est-ce que cette situation fabrique de la récidive ?

Oui, imaginez-vous enfermés 21 heures sur 24 dans une cellule à trois ou quatre, avec très peu d'espace pour se mouvoir et pas d'Internet, c'est interdit. Comment faites-vous vos démarches pour trouver du travail ? Et après vous êtes relâchés six mois plus tard. Il y a tant de monde qu'il n'y a pas d'accès au travail, il y a peu d'accès à la culture, il y a peu d'accès aux soins parce que le personnel des prisons est dimensionné par rapport au nombre de places théoriques et non par rapport au nombre d'habitants.

Le gouvernement a prévu de construire 15 000 places avant la fin du quinquennat, c'est la solution ?

Je dirais plutôt c'est un jeu de bonneteau, parce qu'en 2017, Emmanuel Macron avait promis 15 000 places de prison. Il en a été livré jusqu'à maintenant un peu plus de 2 000 qui sont déjà pleines à 200 %. Et puis, c'était une promesse de tous les présidents antérieurs à Emmanuel Macron. Il y a des pays européens comme l'Espagne, comme l'Allemagne, comme la Hollande, qui ont réussi à faire énormément baisser leur population carcérale. Ils misent tout sur la peine hors les murs. En France, on dirait que la seule peine qui vaille, c'est la prison.

Alors pourquoi ne le fait-on pas en France ?

On ne le fait pas aujourd'hui parce qu'on est un pays qui se prétend audacieux et qui, en vérité est très trouillard. Les juges ont peur d'un dérapage, parce que les juges sont soumis à l'opinion publique. C'est un peu regrettable parce qu'ils sont normalement indépendants. Mais le gouvernement, surtout, ne prend pas ses responsabilités et devrait inscrire dans la loi quelque chose qui réduise de façon contraignante la population carcérale, comme l'ont fait les autres pays d'Europe qui y parviennent.

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