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Manque de personnels dans les Ehpad : Pascal Champvert dénonce un "manque de respect pour les professionnels" et demande "des mesures d'urgence"

"L'État est responsable et je pense que l'État s'expose à des recours en justice et à des condamnations", déclare sur franceinfo le président de l’Association des directeurs au service des personnes âgées (AD-PA).

Article rédigé par franceinfo
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Un membre du personnel médical apporte de l'eau aux résidents du Ehpad de Bordeaux (Gironde), le 16 juin 2022, pendant une vague de chaleur en France. (THIBAUD MORITZ / AFP)

"Nous sommes dans une situation scandaleuse", a affirmé vendredi 1er juillet sur franceinfo Pascal Champvert, président de l’Association des directeurs au service des personnes âgées (AD-PA), alors que les Ehpad sont confrontés à un manque de personnels pour cet été. Il dénonce un "manque de respect pour les professionnels" de tous les établissements qui conduit à "une maltraitance de nos aînés". Pascal Champvert demande "des mesures d'urgence", et estime que l'Etat "s'expose à des recours en justice et à des condamnations" s'il ne fait rien.

franceinfo : Est-ce que vous êtes inquiet pour cet été dans les Ehpad ?

Pascal Champvert : Cet été est synonyme d'extrême inquiétude. Nous sommes dans une situation scandaleuse : manque de respect pour les professionnels des hôpitaux, des cliniques, manque de respect pour les professionnels des établissements et aussi des services à domicile. Cela fait des années que nous tirons la sonnette d'alarme. L'État commence à se rendre compte que la situation est dramatique parce que les professionnels partent et que de nouveaux professionnels ne veulent pas venir travailler dans les professions de la santé et de l'aide aux personnes âgées. Il faut que l'État réagisse extrêmement vite. Il faut des mesures d'urgence, maintenant, tout de suite, et pas de nouveaux rapports pour gagner du temps.

Le manque de personnels et les conditions de travail qui se détériorent, est-ce que cela se traduit par un manque d'attractivité ?

C'est tout à fait la situation dans le secteur de l'aide aux personnes âgées, à domicile comme en établissement. Les professionnels partent, de nouveaux professionnels ne veulent pas venir. Pourtant, il y a des professions dans lesquelles on pourrait recruter. Donc il faut, en urgence, créer dès maintenant deux postes supplémentaires dans tous les établissements et tous les services à domicile, parce qu'il y a des professionnels qui peuvent venir. Bien entendu, pas des infirmières et des aides-soignants ou des médecins que l'État n'a pas formés depuis toutes ces années. Et il faut que l'État arrête de continuer cette politique de diminution des moyens. Est-ce que vous imaginez qu'aujourd'hui, l'État envisage une réforme de certains services à domicile dans lesquels on nous dit tous que l'on va diminuer des moyens dans certains services à domicile ? Est-ce que vous vous rendez compte que l'Etat, qui ne finance pas les augmentations de salaire, notamment liées au Ségur ou d'autres augmentations de salaire dans le secteur de l'aide à domicile, refuse de financer intégralement ces augmentations ? Pour un directeur, s'il ne veut pas que la structure soit en déficit, cela conduit à diminuer le nombre de professionnels, donc à encore dégrader les conditions de travail.

"Il faut que l'État agisse. Et il faut surtout que l'Etat rompe avec cette logique qui dure depuis 10, 20, 30 ans, de toujours faire des économies sur le dos de l'aide aux personnes âgées, ce qui conduit à une maltraitance des salariés et donc à une maltraitance de nos aînés dans notre pays."

Pascal Champvert, président de l’Association des directeurs au service des personnes âgées (AD-PA)

à franceinfo

Que faut-il faire pour cet été, puisqu'il y a urgence ?

Déjà, recruter deux professionnels supplémentaires immédiatement dans tous les établissements et services à domicile. Malheureusement, cela ne pourra pas être des aides-soignants ou des infirmiers, mais des psychologues, des aides à domicile, des animatrices. C'est possible d'en recruter. Il faut donner les moyens pour le faire. Bien entendu, cela ne règle pas tous les problèmes, mais cela règle déjà une partie des problèmes. Et puis, il faut mettre fin à toute politique de suppression d'emplois dans les établissements ou les services à domicile.

Et s'il n'y a pas de mesures d'urgence cet été ?

Cela veut dire qu'il va se passer de plus en plus le cas qui m'a été remonté cette semaine. Ce sont des médecins urgentistes qui refusent d'admettre une personne âgée à l'hôpital parce qu'ils considèrent qu'elle n'est pas en urgence vitale, et la vieille dame meure le lendemain. Ce sont des services à domicile qui ne vont plus chez les personnes âgées parce qu'ils n'ont pas suffisamment de professionnels pour les accompagner. Ce sont des établissements pour personnes âgées qui laissent des places vacantes et qui donc refusent l'entrée à certaines personnes âgées parce qu'ils n'ont pas le personnel. Cela veut dire une dégradation considérable de l'état de santé des personnes âgées. Cela se traduira par des décès. L'État est responsable et je pense que l'État s'expose à des recours en justice et à des condamnations.

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