Pauvreté : les acteurs de la solidarité demandent à Gabriel Attal une "clarification" sur la "détermination du gouvernement"

"On ne peut pas faire comme si de rien n'était et aller dans des cérémonies de vœux comme si on n'avait pas pris des décisions qui sont des décisions de désordre", lance Pascal Brice, le président de la FAS.
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Pascal Brice invité du 8h30 franceinfo du mardi 2 janvier 2024 (FRANCEINFO / RADIOFRANCE)

Pascal Brice, président de la Fédération des acteurs de la solidarité (FAS) a demandé jeudi 11 janvier sur franceinfo une "clarification" du nouveau Premier ministre, Gabriel Attal, "sur la détermination du gouvernement à se donner les moyens dans la durée de lutter contre une pauvreté qui augmente dans le pays". L'épisode de froid survenu sur une partie du territoire il y a quelques jours a montré les limites des autorités pour mettre à l'abri les personnes les plus vulnérables. "Les associations sont à bout parce qu'on est dans un système qui est malade", a alerté Pascal Brice, dénonçant également une "ambiance délétère pour la société" depuis l'adoption de la loi immigration. Il a prévenu Gabriel Attal qu'il ne participerait plus aux réunions de travail ou aux cérémonies de vœux en attendant la décision du Conseil constitutionnel sur la loi immigration. "On ne peut pas faire comme si rien ne s'était passé", a-t-il affirmé.

franceinfo : Certaines personnes sont sans solution. Par manque d'argent, de volonté politique ?

Pascal Brice : Les associations sont à bout parce qu'on est dans un système qui est malade. C'est un terrible et insupportable rappel que ces morts de froid dans la rue en France aujourd'hui. Vous avez des places d'hébergement qui s'ouvrent, mais elles sont en nombre insuffisant. Elles ouvrent, elles ferment. Il faudrait pouvoir s'attaquer aux raisons pour lesquelles il y a des gens à la rue. On sait très bien qui est dans la rue en France aujourd'hui. Ce sont des jeunes qui sortent de l'aide sociale à l'enfance. Ce sont des hommes et des femmes qui ont des problèmes psychologiques lourds et qui ne sont pas pris en charge là où ils devraient l'être. Ce sont des étrangers qui arrivent dans notre pays et qui sont sans solution. Il faut apporter des réponses dans l'urgence, et durables.

Patrice Vergriete, ministre du Logement, a annoncé 120 millions d'euros d'aides supplémentaires pour ouvrir 10 000 places d'accueil pour des femmes et des enfants. Est-ce qu'on en voit aujourd'hui les résultats concrets ?  

Je me réjouis de cette décision du ministre du Logement parce qu'il y a encore des gens à la rue. Il faut effectivement ouvrir des places. Mais on ne s'en sortira pas avec cette politique en fonction du thermomètre. Ce n'est pas comme ça qu'on va régler la question dans le pays. Ce qui inquiète les associations, c'est qu'avec la hausse des prix, de plus en plus de personnes sont dans les distributions alimentaires, ce sont les budgets qui baissent avec l'inflation, c'est la loi immigration qui vient imposer que les gens auront plus de mal à accéder au logement et à un travail. Ils vont se retrouver encore plus à la rue.

"Les déclarations d'un Premier ministre qui vous dit, comme un ministre des Finances : 'Dans ce pays, le vrai scandale, c'est qu'il y a des gens qui travaillent pour des gens qui ne travaillent pas', cette ambiance-là est délétère pour la société."

Pascal Brice, président de la Fédération des acteurs de la solidarité

à franceinfo

J'ai demandé au Premier ministre une clarification. Nous avons besoin de réponses claires sur la détermination du gouvernement à se donner les moyens dans la durée de lutter contre une pauvreté qui augmente dans le pays.

Quelles mesures concrètes attendez-vous de la part du nouveau Premier ministre ?

D'abord, une clarification. Est-ce qu'on est bien d'accord pour dire que dans ce pays, il y a des hommes et des femmes qui doivent être accompagnées vers le travail, c'est ce que font nos associations, mais il y en a d'autres pour lesquelles ça va être compliqué. On ne peut pas leur mettre une pression en essayant de faire croire que ce sont des profiteurs. Deuxièmement, qu'on se donne effectivement pour l'hébergement, les moyens d'avoir les places qu'il faut dans la durée avec de l'accompagnement social. Ce n'est pas : "Je prends des gens trois jours dans un gymnase et je les remets à la rue". On demande des mesures pour sortir de la panne énorme du logement social dans ce pays qui fait qu'il n'y a pas de perspectives. On demande des perspectives pour le travail pour les personnes étrangères qui doivent être régularisées rapidement. Un état d'esprit qui n'est pas  : "On va cogner sur les plus fragiles parce que la force d'un pays, ce serait ça". Non !

"Un pays est fort quand le travail est rémunéré et qu'on prend soin de celles et ceux qui ont des fragilités."

Pascal Brice

à franceinfo

Dans une lettre adressée à Gabriel Attal, vous l'informez que vous vous mettez en retrait de toute réunion de travail ou de cérémonie de vœux en attendant la décision du Conseil constitutionnel sur la loi immigration. Pourquoi ?

On ne peut pas faire comme si rien ne s'était passé. On ne peut pas faire comme si une loi n'avait pas été votée dans les conditions où elle a été votée qui décrète que l'intégration des étrangers en France est finie et qui installe des obstacles à l’accès au travail, à l'accès au logement et qui n'apporte aucun des éléments nécessaires de maîtrise de l'immigration dans le pays. Nous attendons des réponses. Les associations sont au travail avec les partenaires de l'État. Il faut que l'État nous dise très clairement que cette bascule vers la stigmatisation des plus fragiles s'arrête. Qu'on arrête de dénoncer les plus fragiles et qu'on se donne les moyens de rémunérer le travail pour les classes moyennes et classes populaires qui travaillent et la solidarité vers l'emploi et l'accompagnement social. Dès que le Conseil constitutionnel aura pris ses décisions et que le gouvernement aura apporté ses clarifications, nous serons évidemment là. Mais on ne peut pas faire comme si de rien n'était et aller dans des cérémonies de vœux comme si on n'avait pas pris des décisions qui sont des décisions de désordre.

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