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Nucléaire : confrontée à des problèmes de corrosion dans les centrales, EDF réduit encore ses ambitions

Près de la moitié des réacteurs du parc français sont à l'arrêt dont 12 pour des risques ou cas avérés de fissures sur des tuyauteries. EDF va donc produire encore moins d'électricité que prévu cette année.

Article rédigé par Grégoire Lecalot
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
La centrale nucléaire de Civaux, près de Poitiers (Vienne), en avril 2016. (GUILLAUME SOUVANT / AFP)

La production d'électricité des centrales nucléaires françaises est à nouveau revue à la baisse. EDF a annoncé, dans la nuit du 18 au 19 mai, qu'elle l'évaluait à 280 à 300 térawatt/heure en 2022, ce qui représente environ un tiers de moins qu'en 2019. C'est historiquement bas. Il faut dire qu'environ la moitié (28 sur 56) des réacteurs français du parc national sont à l'arrêt. Là aussi, c'est un record. Douze d'entre eux le sont à cause d'un problème technique sur la tuyauterie découvert en fin d'année dernière. 

Observer la tuyauterie sans la "découper"

L'électricien public assure toutefois qu'il sort de la phase critique et qu'il n'y aura plus d'arrêt non prévu cette année. Les contrôles se poursuivent. Selon EDF, les enquêtes techniques menées depuis la découverte du premier problème de corrosion sous contrainte à la centrale de Civaux, près de Poitiers, en décembre dernier, permettent de garantir qu'il n'y a pas de danger pour le fonctionnement des réacteurs. "De toute façon, si ça n’avait pas été le cas dans nos logiques on arrête les réacteurs. On a déjà eu à le faire dans le passé sur d’autres situations, explique Régis Clément, le directeur adjoint du parc nucléaire. Notre stratégie très clairement est de sortir de cette phase que je vais qualifier un peu de crise. On n’en est pas tout à fait sorti puisqu’on a encore des étapes à franchir. Mais on rentre dans une phase où l’on programme industriellement ces contrôles et où on utilise aussi des moyens complémentaires qui permettent de mieux comprendre, de mieux voir ce qui se passe dans les tuyauteries sans avoir à découper ces tuyauteries pour aller constater ce qu’il y a à l’intérieur."

Plusieurs années de réparations

Ces problèmes de corrosion sont en réalité des fissures qui apparaissent sur des tuyauteries connectées au circuit primaire des centrales concernées. C'est le circuit le plus sensible, celui du cœur du réacteur. Les études réalisées en laboratoire sur des portions de tuyauteries découpées conduisent l'électricien à conclure que les fissures ne sont pas trop profondes et qu'elles progressent suffisement lentement pour que la sûreté des réacteurs soit assurée. D'où la décision de ne plus procéder à des arrêts supplémentaires spécifiquement pour cette cause.

Les nouvelles expertises seront désormais effectuées pendant les arrêts de maintenance déjà planifiés. À quatre exceptions près : les réacteurs de Paluel et Penly en Normandie, Cattenom en Moselle et Saint Alban dans l'Isère seront stoppés en 2023 pour des contrôles. Notamment car leurs arrêts planifiés étaient trop lointains. La durée des arrêts est évaluée entre cinq et dix semaines. Ce qui risque de peser à nouveau sur les prévisions de production électrique. Car les réacteurs déjà touchés ne seront pas forcément revenus en ligne. L'autorité de sûreté nucléaire estime que les réparations prendraient plusieurs années.

Des arrêts en contradiction avec les ambitions présidentielles

En l'état actuel, 12 réacteurs sur 56 sont à l'arrêt à cause de ces problèmes de corrosion. Mais sur ces douze, seuls quatre sont effectivement touchés, les autres sont fortement suspectés. EDF est cependant confronté à d'autres problèmes. L'électricien court toujours derrière les retards de travaux de maintenance provoqués par la crise du Covid-19, entre les mesures de sécurité qui ont réduit le nombre d'intervenants dans les centrales et les malades dans les équipes.

Par ailleurs, de nombreuses centrales françaises ayant été mises en service sur une courte période, moins de 20 ans, leurs arrêts pour des visites décennales sont aussi concentrés. Or ils sont indispensables pour autoriser chaque centrale à fonctionner dix ans de plus. Selon le président de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN), la poursuite de certains réacteurs au delà de 50 ans n'est pas acquise au vu de l'état du parc. Un constat qui vient contredire les ambitions du président de la République. Emmanuel Macron compte en effet maintenir en fonctionnement un maximum de centrales du parc actuel le plus longtemps possible pour assurer les besoins de plus en plus grands en électricité.

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