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EDF sous-estime dangereusement le coût du démantèlement des centrales nucléaires françaises

Le coût de déconstruction des centrales nucléaires est largement sous-estimé par EDF, qui est à nouveau pointé du doigt par un rapport parlementaire publié mercredi. Franceinfo vous révèle les conclusions de ce rapport.

Article rédigé par Anne-Laure Barral, franceinfo
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Le troisième réacteur nucléaire de Flamanville, dans la Manche, en novembre 2016. (CHARLY TRIBALLEAU / AFP)

Difficile de savoir combien va coûter à EDF les actuels et futurs démantèlements des centrales nucléaires françaises. En effet, l'électricien sous-estime dangereusement le montant ces déconstructions et accuse même de graves retards techniques, selon un rapport parlementaire publié mercredi 1er février.

Franceinfo a pu se procurer ce rapport. Celui-ci montre qu'EDF est bien loin de la réalité et ne répond toujours pas à certaines questions des parlementaires. Les parlementaires qui pointent la "nécessité de rediscuter sérieusement la stratégie globale de démantèlement, tant sur le plan technique que financier." Ce n'est d'ailleurs pas le premier rapport qui pointe les manquements de la société française.

Trois fois moins cher que les opérateurs étrangers

En effet, EDF sous-estime très largement le montant de la déconstruction d'un réacteur nucléaire. Si, en moyenne, cela tourne autour d'un milliard d'euros, selon les estimations d'autres opérateurs à l'étranger, EDF le voit trois fois moins cher. "Les exploitants européens provisionnent généralement entre 900 millions et 1,3 milliard d'euros par réacteurs à démanteler", précise le rapport, "quand EDF ne provisionne que 350 millions environ par tranche." 

Il apparaît que la filière nucléaire française n'avait pas anticipé le démantèlement du premier parc et qu'implicitement elle s'appuie sur des hypothèses qui lui sont favorables comme la poursuite d'un programme nucléaire.

Extrait du rapport parlementaire

Cela s'explique par le fait que, contrairement aux opérateurs au Royaume-Uni, en Finlande ou en Suisse, l'électricien français ne prend pas en compte toutes les opérations qui découlent d'un démantèlement, comme le transport des déchets. Cette manière d'estimer les coûts est d'autant plus inquiétante que, "en cas de défaut de [la part d'EDF], il est probable que la charge financière du démantèlement reviendrait de fait à l'État, autrement dit aux contribuables".

En revanche, le rapport salue les actifs financiers d'EDF dédiés au démantèlement nucléaire. Dans un communiqué publié mercredi, l'entreprise précise même que les montants provisionnés "s’élèvent à 22,2 milliards d’euros", ajoutant que ces montants "ont fait l’objet d’un audit commandité par le ministère de l’Environnement, de l’Energie et de la Mer. Le ministère a conclu que l’audit, rendu public le 15 janvier 2016, conforte globalement l’estimation faite par EDF du coût de démantèlement de son parc nucléaire." 

Conclusions que ne rejoint cependant pas le rapport des parlementaires. Selon celui-ci, l'électricien français n'a visiblement pas assez d'argent de côté pour faire face à la dépense à venir. Cela explique d'ailleurs pourquoi EDF veut prolonger la durée de vie de ces centrales de 50 à 60 ans, décision qui n'est pas cohérente avec la loi de transition énergétique.

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Confronté à des dépenses non provisionnées et à une vraisemblable sous-évaluation des charges de démantèlement, l'électricien parie clairement sur un allongement de la durée d'exploitation de son parc de réacteurs nucléaires pour retarder l'échéance du démantèlement et permettre à ses provisions d'atteindre le niveau requis.

Extrait du rapport parlementaire

EDF connaît par ailleurs des difficultés techniques. L'entreprise a donc décidé de reporter à 2100 le démantelement des réacteurs de première génération, alors que la loi indique bien qu'il faut le faire le plus vite possible. Aux États-Unis, certains de ces réacteurs ont même déjà pu être déconstruits.

Dans un communiqué, publié à la suite du rapport, EDF a confirmé malgré tout que "son objectif de démanteler ses installations nucléaires dans des délais aussi courts que possible." Ainsi, l'entreprise précise qu'elle "s’appuie sur des compétences spécifiques qu’[elle] s’attache à développer dans la durée, chez [elle]-même comme chez ses principaux partenaires prestataires."

Des questions sans réponse

Ces questions sont, quoi qu'il en soit, une priorité qui dépasse les clivages politiques, puisque le rapport précise que, "que les majorités à venir décident ou non de poursuivre le développement d'une filière nucléaire en France, l'obligation de démanteler les installations existantes s'impose à tous". 

Encore une fois ce rapport parlementaire montre aussi à quel point il est difficile d'avoir des réponses de la part de l'électricien lorsqu'on lui demande de donner la facture du démantelement des centrales. Plusieurs rapports précédents avaient déjà posé la question des coûts de ces déconstructions par EDF. L'électricien français avait réalisé des études, mais ne le a pas transmises aux différentes missions d'information. EDF compte donner ces informations à l’occasion de la publication de ses résultats le 14 février.

Rapport parlementaire sur le démantèlement des installations nucléaires de base by Franceinfo on Scribd

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