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Migrants : les riverains de la "jungle" de Calais traumatisés

Après plusieurs nuits d'affrontements entre force de l'ordre et migrants dans la "jungle" de Calais, les riverains sont traumatisés. Ils décrivent un quotidien devenu invivable.
Article rédigé par Sébastien Baer
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
  (Face à la jungle, riverain et migrants ©Radio France/Eric Damaggio)

Route de Gravelines à Calais, les dix maisons sont en première ligne, prises en tenaille entre le bidonville et la rocade où passent les camions en direction de l’Angleterre. C’est sur cet axe que les affrontements ont eu lieu. Depuis dimanche, les riverains n’ont quasiment pas dormi. Cherchant des projectiles et de quoi bloquer les camions sur la route, les migrants sont entrés dans les jardins pour prendre les palissades, les poubelles.

Migrants : les riverains de la "jungle" de Calais traumatisés - reportage Sébastien Baer

"Ca fait 48h que mon gamin répète la même question : Maman, est-ce que les migrants vont revenir taper dans la porte ?"

Sandy, 35 ans, a emménagé dans le quartier le mois dernier. Epuisée, elle a fui son domicile la nuit dernière, avec ses trois enfants de 2 à 11 ans. Elle a trouvé refuge chez une amie. "Je n’ai pas voulu rester à la maison hier soir, explique-t-elle. J’ai eu peur, j’ai eu un choc. Aujourd’hui j’ai une belle petite maison, je croyais offrir une belle vie à mes enfants mais je vais devoir tout quitter. Ca fait 48h que mon gamin répète la même question : Maman, est-ce que les migrants vont revenir taper dans la porte, est-ce qu’ils vont encore nous regarder ? "

  (Face à la jungle, les riverains menacent ©Radio France/Eric Damaggio)

Aujourd’hui, Sandy explique qu’elle va déménager, un mois après son arrivée dans la maison. Le son de cloche est le même chez les voisins d’en face qui ont conservé des douilles de grenades lacrymogènes. Un peu plus loin, devant la dernière maison avant la rocade, la palissade en bois a disparu, démontée par les migrants. Le couple de personnes âgées qui vit là ne sort plus. Nicolas, leur voisin, éducateur sportif de 26 ans, ne comprend pas comment la situation a pu dégénérer à ce point.

"Certains pensent à vendre mais qui va acheter une maison ici, dans un tel climat ?"

"Au début il n’y avait pas tout ça. Depuis quelques semaines maintenant, ça commence vraiment à être violent, raconte-t-il. Certains pensent à vendre mais qui va acheter une maison ici, dans un tel climat ? On passe pour les méchants mais il faut vraiment être ici pour comprendre ce que l’on vit. J’ai peur que ça finisse très mal.  "

Une dernière nuit "plus calme" selon le ministère de l’Intérieur

Mercredi matin, le porte-parole du ministère de l’intérieur a affirmé que la nuit de mardi à mercredi avait été plus calme que les précédentes, un constat partagé sur le terrain. Le dispositif des forces de l’ordre a été plus important et plus visible : 250 policiers et CRS déployés devant les maisons. Cette présence policière soulage les habitants du quartier comme Marine : "ça nous a rassuré cette nuit, car la nuit précédente, les forces de l’ordre ne pouvaient même pas accéder jusqu’à chez nous. Il y avait une centaine de migrants dans l’allée, se souvient-elle. On ne pouvait pas venir nous secourir, on se sentait coincés chez nous. Voir un peu plus de force de l’ordre nous a rassurés ".

  (Des migrants, en groupe, se rendent à Calais ©Radio France/Eric Damaggio)

Marine regrette de devoir se calfeutrer chez elle : "j’ai bloqué l’entrée de la maison avec la voiture pour qu’ils ne rentrent pas. On se demande même si on ne va pas mettre du barbelé, c’est fou ! On a peur chez nous !" . La jeune femme lance un appel : "Il faut qu’on nous entende, il faut qu’on nous aide ! " Mercredi matin, le porte-parole du ministère de l’intérieur a promis de maintenir le dispositif policier tant que le calme ne sera pas complètement revenu aux abords du bidonville.

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