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Mariage des homos : la "liberté de conscience", oui... mais comment ?

Interrogé par francetv info, le spécialiste de la Constitution Bertrand Mathieu détaille les conditions dans lesquelles les maires pourraient refuser de marier des personnes du même sexe si la loi est adoptée.

Article rédigé par Violaine Jaussent - Propos recueillis par
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 3min
La maire de Villejuif (Val-de-Marne) célèbre symboliquement le mariage d'un couple homosexuel, le 11 février 2012. (PIERRE VERDY / AFP)

MARIAGE ET HOMOPARENTALITE - "La liberté de conscience" : en utilisant cette expression, dans son allocution lors du congrès des maires mardi 20 novembre, François Hollande a relancé la polémique sur le projet de loi ouvrant le mariage aux personnes de même sexe. "Sur le mariage pour tous (…), les maires sont des représentants de l'Etat. Ils auront, si la loi est votée, à la faire appliquer. Des possibilités de délégation existent, elles peuvent être élargies et il y a toujours la liberté de conscience", a déclaré le président. En réponse, l'Inter-LGBT (lesbienne, gay, bi et trans), "scandalisée" par ces déclarations, a annoncé mercredi qu'elle suspendait "toutes ses relations" avec le gouvernement.

Juridiquement, comment les maires peuvent-ils faire appel à leur liberté de conscience ? Interrogé par francetv info, le constitutionnaliste Bertrand Mathieu, agrégé de droit public et professeur à l'université Panthéon-Sorbonne Paris I, explique à quelles conditions ils pourront refuser de marier des personnes du même sexe quand la loi sera promulguée.

Francetv info : Comment définissez-vous le concept de liberté de conscience ?

Bertrand Mathieu : La "liberté de conscience" relève de la liberté personnelle. Il s'agit de la liberté de pensée et de la faculté que chacun possède de refuser des doctrines religieuses ou philosophiques qu'il ne supporte pas. Depuis 1789, le principe du droit à la liberté de conscience a été repris dans les constitutions successives en France.

La clause de conscience découle de ce concept. C'est la disposition légale permettant de rompre un contrat ou de refuser d'accomplir certains actes dans l'exercice de sa profession, en invoquant des motifs d'ordre moral. Pour que les maires fassent valoir une clause de conscience, il faudra donc qu'elle soit inscrite dans la loi [ce qui n'est pas le cas dans la version qui va être présentée à l'Assemblée nationale, selon son président, Claude Bartolone]Mais dans ce cas, elle pourra être frappée d'inconstitutionnalité.

Dans quels cas les maires pourront-ils faire appel à leur liberté de conscience ?

Actuellement, le maire peut déléguer par arrêté une partie de ses fonctions à un ou plusieurs de ses adjoints et, en l'absence ou en cas d'empêchement des adjoints, à des membres du conseil municipal, selon le Code général des collectivités territoriales. Comme l'a dit François Hollande, l'une des solutions pour que les adjoints et les conseillers municipaux puissent célébrer les mariages homosexuels en bonne et due forme serait de systématiser les possibilités de délégation des maires. Sinon, il faut inscrire dans la loi sur le "mariage pour tous" la possibilité pour les couples de se marier dans n'importe quelle commune française, et non dans leur seule commune de résidence.

Que se passera-t-il si tous les adjoints au maire et les conseillers municipaux d'une ville refusent de marier un couple homosexuel ?

Quand la loi sera promulguée, si aucun d'entre eux ne peut ou ne veut marier un couple homosexuel, le préfet pourra requérir le maire, qui devra alors procéder obligatoirement au mariage. Car à partir du moment où le mariage des personnes du même sexe est inscrit dans la loi française, un couple doit avoir la possibilité de se marier. Ceux qui refuseront cette possibilité seront hors-la-loi, et dans ce cas les couples homos pourront invoquer, non pas la discrimination, mais le non-respect de l'égalité devant la loi. 

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