Marche des fiertés : la participation d'un cortège En marche ! divise les militants
Le comité LGBT-En marche ! sera présent à la marche des fiertés à Paris samedi. Une décision qui fait grincer des dents dans les rangs LGBTQI où certains dénoncent les déclarations de plusieurs élus du mouvement fondé par Emmanuel Macron.
"Je ne marcherai pas aux côtés d'un parti qui soutient des homophobes" : ancien d'Act-Up et militant LGBT, Jérôme Martin regrette la présence du parti d'Emmanuel Macron, En marche !, à la 40e marche des fiertés. Gays, bis, trans intersexes ou encore queer défilent, samedi 24 juin à Paris, pour lutter contre les discriminations qu'ils subissent et prôner l'égalité des droits.
Mais cette année, la participation du comité LGBT-En marche !, affilié au parti majoritaire de l'Assemblée nationale, à cette marche festive soulève l'ire de certains militants. Pour cause, des élus ont été épinglés pour leurs déclarations controversées sur l'homosexualité.
Commencez par virer les homophobes de votre parti.
— Bi de l'Extrême (@MsTellington) 18 juin 2017
Vous venez avec le mec qui considère l’homosexualité comme une abomination et les ministres contre le mariage pour tous?
— Remy Poire (@numerobis21) 19 juin 2017
Des élus et des ministres controversés
Pour Jérôme Martin, la participation d'En marche ! à cette manifestation est incompréhensible : "Emmanuel Macron a nommé des homophobes au gouvernement, c'est scandaleux de récompenser l'homophobie." L'allusion concerne Gérald Darmanin, nouveau ministre de l'Action et des Comptes publics, membre du parti Les Républicains et fervent opposant du mariage il y a quatre ans.
Si je suis Maire de #Tourcoing, je ne célébrerai pas personnellement de mariages entre 2 hommes et 2 femmes
— Gérald DARMANIN (@GDarmanin) 2 juin 2013
Nuit de séance #directAN pour s'opposer au mariage et adoption par les couples homosexuels
— Gérald DARMANIN (@GDarmanin) 17 avril 2013
Le comité LGBT-En marche !, qui participe à la manifestation, reconnaît que des propos problématiques ont pu être tenus : "Dans notre parti, on a le droit à l'erreur et cela rentre là-dedans." L'un des membres du collectif rappelle qu'à titre personnel, il ne soutient pas certains membres du gouvernement. "Cependant, ils ont clarifié leur point de vue et se sont excusés dans la presse." Gérald Darmanin est revenu sur ses positions dans La Voix du Nord et sur le site du Point, expliquant que "ce tweet était malvenu", qu'il avait "évolué sur le sujet" et qu'il n'hésiterait pas désormais à célébrer des mariages homosexuels (plusieurs mariages entre personnes de même sexe ont d'ailleurs bien été célébrés à Tourcoing depuis la promulgation de la loi).
Deux autres membres entrés au gouvernement mercredi se sont prononcés contre le mariage pour tous. Jacqueline Gourault, nommée ministre auprès du ministre de l’Intérieur, et Jean-Baptiste Lemoyne, nommé secrétaire d'Etat auprès du ministre de l'Europe, ont voté contre cette loi, rappellent Les Inrocks.
Chez En marche !, "on assume complètement"
Autre exemple cité par les militants LGBT, celui du député La République en marche élu dans la première circonscription de Guadeloupe. Olivier Serva avait qualifié l'homosexualité "d'abomination" et jugé le mariage pour tous "intolérable" sur Guadeloupe 1ère en 2012. Lorsque ses propos ont refait surface pendant la campagne, il a présenté ses excuses sur franceinfo et argué qu'il n'était "pas homophobe" auprès de l'AFP. "On assume complètement, assure le comité LGBT-En marche !, le mouvement avait très peu de temps pour traiter 16 000 candidatures aux legislatives, le taux 'd'erreur de casting' est très bas."
En plus d'élus controversés, Jérôme Martin a du mal à comprendre la position du président lui-même. "Pendant sa campagne électorale, Emmanuel Macron a multiplié les discours contradictoires et a dit qu'il regrettait que l'on n'ait pas discuté avec les membres de la Manif pour tous", se rappelle-t-il. Dans un entretien accordé à L'Obs en février 2016, celui qui était encore candidat à la présidentielle estimait : "On a humilié cette France-là", en parlant des manifestants qui s'opposaient au mariage entre personnes de même sexe.
Des militants dénoncent une "récupération politique"
"De toute façon, la présence de partis politiques dans ces manifestations, c'est une instrumentalisation totale de notre lutte, soupire Jérôme Martin. Ils se disent LGBT friendly, mais dans les faits..." Pour lui, la participation d'En marche ! à cette action est un moyen de "laver" sa réputation sans pour autant s'engager en faveur des LGBT.
Une position que partage Elisa, une militante qui se rendra à la marche. "Que des personnes LGBTQI membres d'En marche ! viennent de façon individuelle ne me pose aucun problème. Mais pour moi, ils viennent en se revendiquant du parti, ce qui s'apparente à de la récupération pure et simple." Le comité En marche !, qui défilera en cortège debout, s'en défend : "Plusieurs personnes ont une longue vie de militant au sein d'En marche ! et ont envie de le combiner avec leur engagement politique."
Du côté de l'Inter-LGBT, qui organise la marche, on temporise : "Ce ne sont pas les partis qui vont défiler, mais les commissions LGBT issues de ces partis, explique Clémence Zamora Cruz, la porte-parole du mouvement. On imagine qu'il n'y aura pas les élus homophobes En marche ! mais ceux qui soutiennent les droits des minorités et qui militent au sein du parti pour faire évoluer nos droits." Tous les ans, certains partis défilent sur des chars ou en cortège, comme les socialistes LGBT. "Nous sommes ouverts à tout le monde, sauf à l'extrême droite car eux sont contre les droits humains."
Une décision saluée par l'association SOS homophobie : "On accueille toutes les initiatives des partis politiques en faveur des LGBT." Pour Joël Deumier, le président, il n'y a aucun problème à voir les élus participer à ce genre de marches.
Une deuxième marche, sans partis
Pourtant, tous les militants ne partagent pas cet avis. Une deuxième marche, de nuit, a lieu depuis trois ans, la veille du rassemblement. Cette "Pride de nuit" refuse tous les partis politiques. "Nous n'acceptons aucun soutien car on considère que nos luttes doivent rester autonomes", explique Gwen Fauchois, la porte-parole.
Pour elle, la marche officielle, festive et rassembleuse, perd son sens politique. "Les organisateurs sont responsables de qui ils invitent, à partir du moment où ils estiment représenter tous les LGBT, ils se coincent eux-mêmes." Cette "seconde" marche "n'a pas la prétention" de représenter toute une communauté. Selon l'organisatrice, chacun est différent : "Et nous refusons la récupération symbolique par des organisations, qui de toute façon ampute nos droits."
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