Colère des policiers : l'un des leaders de la contestation n'est plus dans la police depuis quatre ans
Se disant opposé aux syndicats et aux partis, Rodolphe Schwartz doit être reçu à Beauvau avec une délégation. Depuis 2012, il travaille dans le privé.
"On ne veut plus des syndicats, on ne veut plus des politiques. Maintenant, ils vont la fermer et ils vont nous écouter !" A deux pas de l'Elysée, jeudi 20 octobre, Rodolphe Schwartz harangue la foule et apostrophe la presse. Contrairement à la plupart des policiers en colère qui ont décidé de descendre dans la rue, le jeune homme a choisi de défiler à visage découvert pour relayer, devant les caméras, le mal-être que ses collègues souhaitent exprimer. C'est lui, par exemple, qui prend la parole dans cette vidéo de franceinfo, tournée pendant la manifestation.
Il est minuit passé lorsque le cortège d'environ 500 personnes, parti du Trocadéro, descend les Champs-Elysées et approche de l'Elysée et du ministère de l'Intérieur. En première ligne, Rodolphe Schwartz se présente à un commissaire pour réclamer la réception d'une délégation au ministère de l'Intérieur. Il transmet son nom et ses coordonnées, et martèle que le mouvement est "apolitique et asyndical".
Il a quitté la police en 2012
En coulisses, les syndicats, justement, sont quelque peu agacés. Car il y a un hic : selon nos informations, Rodolphe Schwartz ne travaille plus dans la police depuis 2012, après avoir été adjoint à la sécurité pendant six ans, dans les 15e et 19e arrondissements de Paris. Un statut qui n'octroie pas le titre de policier. Il indique toutefois avoir déposé un dossier pour devenir réserviste.
"Je ne suis pas à l'origine de ce mouvement et je ne suis pas porte-parole", relativise Rodolphe Schwartz, contacté vendredi par franceinfo.
J'ai davantage de liberté pour prendre la parole, car je ne suis plus dans l'administration, mais tout le monde est leader.
Le jeune homme n'est pas gardien de la paix mais devait tout de même être reçu vendredi à Beauvau, en compagnie d'une dizaine d'agents issus des départements de la petite couronne. "C'est moi qui ai eu l'idée de la délégation. Nous sommes dans une attitude positive. Mais zéro syndicat, zéro politique."
"Apolitique", vraiment ?
"Zéro politique" ? En 2014, le nom de Rodolphe Schwartz figure noir sur blanc sur la liste municipale du candidat FN Wallerand de Saint-Just à Paris, dans le 18e arrondissement. Une information qu'il nie aujourd'hui. "C'est une erreur, ce n'est pas possible. Je vais regarder...", explique-t-il à franceinfo. Sollicités, Wallerand de Saint-Just, qui menait la bataille à Paris, et Philippe Martel, qui menait la liste dans le 18e arrondissement, n'ont conservé aucun souvenir du jeune homme. Lequel, interrogé par franceinfo, laisse entendre qu'il aurait "pu être inscrit sur les listes à son insu", alors qu'il n'aurait "jamais envoyé de papier d'identité" au parti.
Sur une page Facebook à son nom, où franceinfo a pu consulter plusieurs posts publics, Rodolphe Schwartz écrit, pas plus tard que le 18 octobre : "Il faut que Marine Le Pen se rende immédiatement sur place à Évry (...) parce que ya le directeur de la police sur place." Une publication visible par tous vendredi matin (capture d'écran ci-dessous), mais inaccessible depuis.
Interrogé par franceinfo sur ses éventuels liens avec le FN, Rodolphe Schwartz botte en touche. "J'ai filé un coup de main à l'UDI William Delannoy", lors des élections à Saint-Ouen, avance le jeune homme. "C'est moi qui lui ai soufflé l'idée d'un couvre-feu pour les mineurs. Et lors d'une manifestation, il y a quelques années, j'avais viré Marion Maréchal-Le Pen, Gilbert Collard et Nicolas Dupont-Aignan", se défend-il. A la municipale de 2014, "j'ai voté Valérie Pécresse", indique-t-il encore au site Taranis News.
Plusieurs manifs non autorisées à son actif
Par le passé, Rodolphe Schwartz s'est déjà illustré lors de rassemblements de policiers non-autorisés. En février 2013, notamment, c'est lui qui participe à la tenue d'une manifestation porte Maillot, à Paris, après la mort de deux policiers sur le périphérique. Comme le révèle alors Marianne, Rodolphe Schwartz avait déjà pris part à un rassemblement au même endroit, entre les deux tours de l'élection présidentielle de 2012, après la mise en examen d'un policier de Noisy-le-Sec (Seine-Saint-Denis), suspecté d'avoir tiré sur un homme en fuite.
Rodolphe Schwartz a aussi créé, en mai 2013, une "Association de défense des forces de l'ordre", afin d'offrir "une aide juridique et psychologique aux policiers". "Mais aujourd'hui, je n'ai plus le temps de m'en occuper", précise l'ancien adjoint de sécurité à franceinfo. Selon la déclaration consultable au Journal officiel, le siège social se situe dans le 18e arrondissement.
De nombreux textos et discussions WhatsApp structurent les rassemblements policiers, mais là encore, Rodolphe Schwartz se défend d'en être à l'origine. "Je n'avais même pas téléchargé l'application sur mon téléphone. Des collègues du 91 ont créé le groupe et je me suis greffé dessus après." L'ancien adjoint de sécurité indique qu'il compte porter plainte pour diffamation, après la parution d'un article chez nos confrères du Point qui faisait état de ses relations supposées avec le Front national. "Je ne vais plus manifester, pour ne pas faire de l'ombre au mouvement", ajoute-t-il encore.
Il est peut-être déjà trop tard. Un manifestant de jeudi soir a appelé franceinfo pour faire part de sa colère. "C'est un usurpateur, je vais me retirer du mouvement", confie cet agent de la police aux frontières, un peu dépité par le profil de ce "type à l'aise, qui osait prendre la parole". "Arno" regrette que quelques figures en tête de cortège ternissent l'image de la manifestation : "il y avait des gens de bonne volonté dans ce mouvement".
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