Un témoin-clé dans l'affaire Karachi : "Mon mari allait chercher en Suisse l'argent de Balladur"
C'est la première fois qu'un témoin dans
l'affaire de Karachi affirme que la campagne
présidentielle d'Edouard Balladur
en 1995 a été financée avec de l'argent sale. Ce témoin est la princesse Hélène
de Yougoslavie. Son ex-mari, Thierry Gaubert (ancien collaborateur
de Nicolas
Sarkozy) est mis en examen dans le volet financier de l'affaire Karachi
pour
complicité d'abus de biens sociaux. Réentendue à sa demande par les
enquêteurs
à la fin du mois de juillet, Hélène de Yougoslavie a affirmé que son ex
époux
avait joué un rôle dans la campagne présidentielle d'Edouard Balladur :
celui
de porteur de valises.
Objectif : "récupérer l'argent
de Bazire et Balladur"
Selon nos informations, la princesse raconte
aux policiers que Thierry Gaubert et l'homme
d'affaires franco-libanais Ziad
Takieddine (lui aussi mis en examen dans ce dossier) se
connaissaient bien avant
qu'ils le prétendent. Ils auraient commencé à se fréquenter à la fin de
l'année
- "Thierry m'a dit qu'il avait des affaires à faire avec Ziad
Takieddine, il devait lui faire rencontrer des gens du milieu politique ".
L'homme d'affaires franco-libanais aurait alors chargé son nouvel
ami Thierry
Gaubert d'ouvrir un compte bancaire et un coffre-fort en Suisse.
Objectif : y
récupérer de l'argent liquide, "l'argent de Bazire et de Balladur ",
lâche
Hélène de Yougoslavie devant les enquêteurs. En 94-95, Nicolas
Bazire
était le directeur de la campagne présidentielle du premier ministre
Balladur. Il a lui
aussi a été mis en examen dans le volet financier de l'affaire Karachi.
"Balladur voulait simplement
récupérer l'argent"
Hélène de Yougoslavie accable son ex-mari
qui, selon elle, gardait une partie de l'argent qu'il retirait en Suisse
pour
Edouard Balladur, "c'était une sorte de commission ". Le témoin
précise que Nicolas Bazire et Edouard Balladur ne souhaitaient pas
connaître
les modalités pratiques de ces retraits d'argent sale, ils voulaient "simplement
récupérer
l'argent ".
Takieddine donnait le tempo
Les enquêteurs de la Division nationale des
investigations financières (DNIF) auraient alors cherché à savoir
auprès de la
princesse dans quelles circonstances Nicolas Bazire et Edouard Balladur
avaient
demandé à Thierry Gaubert "de servir de porteur de valises pour eux ".
Hélène
de Yougoslavie ne semble pas avoir la réponse, mais elle affirme qu'à
chaque fois le scénario était le même : Gaubert et Takieddine se
rendaient
ensemble à Genève ou se retrouvaient sur place. Ziad Takieddine retirait
l'argent liquide puis le confiait à Thierry Gaubert.
Le
conseiller de Nicolas
Sarkozy, toujours selon le témoin, rentrait souvent en train à Paris
avec les
valises bourrées de billets, afin d'éviter les contrôles douaniers.
Hélène de
Yougoslavie prétend que Takieddine donnait le tempo : "c'est lui qui
décidait quand il fallait aller à Genève pour récupérer l'argent ".
Selon les policiers, Thierry Gaubert
a menti
Entendu le 16 décembre 2011, Thierry Gaubert
avait affirmé aux enquêteurs qu'il n'avait participé ni de près ni de
loin à la
campagne électorale d'Edouard Balladur. Selon nos informations, les
enquêteurs
ont la preuve que ce n'est pas vrai. La police a mis la main sur
l'annuaire des
personnes qui travaillaient au QG de campagne du candidat, et sur cet
annuaire
apparaît un certain "T. GAUBERT" comme faisant partie de la "cellule
déplacement " dirigée par Brice Hortefeux.
"Mon mari avait son propre badge
pour entrer au QG de campagne d'Edouard Balladur"
Interrogée sur ce point, Hélène de Yougoslavie
a confirmé que Thierry Gaubert s'occupait officiellement, avec Brice
Hortefeux,
des voyages d'Edouard Balladur. Selon la princesse, il se rendait très
régulièrement boulevard de Grenelle. Un an après son premier interrogatoire,
Hélène de Yougoslavie (partie civile dans le dossier) semble retrouver
la
mémoire : "Je me souviens que mon mari avait son propre badge "
pour entrer au QG de campagne d'Edouard Balladur.
Contacté par France Info,
l'avocat de Thierry Gaubert, Me François Esclatine, dénonce une fuite en
avant
de la part d'Hélène de Yougoslavie, au moment où les époux sortent d'une
procédure de divorce très conflictuelle.
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