Un an après Merah, la lutte antiterrorisme freinée par un problème de logiciel
"Captation de données
informatiques", "sonorisation des ordinateurs", "cheval de
Troie", "keystroke logger" : derrière ces termes juridiques ou
informatiques, un dispositif antiterroriste de pointe, inscrit dans la loi, est
aujourd'hui au point mort.
Votée en 2011 et étoffée l'an
dernier, la loi LOPPSI 2 autorise les enquêteurs antiterroristes à placer,
directement ou à distance, des logiciels de type "cheval de Troie"
sur les ordinateurs de suspects sous le contrôle d'un juge d'instruction. Un
dispositif limité aux affaires de terrorisme, de criminalité et de délinquance
organisées.
L'avantage de ces logiciels espions, selon les juges et les enquêteurs, est de
capter en temps réel tout ce que le suspect frappe sur son clavier avant
l'éventuel cryptage des données. Une façon de connaître instantanément le
contenu d'un mail, d'un texte, d'un "chat" suspect évoquant par
exemple un projet d'attentat, sans avoir à attendre de longues semaines ou des
mois pour décrypter des conversations.
Aveu d'impuissance
Les premiers travaux de la Commission
d'enquête parlementaire sur le fonctionnement des services de renseignement
français viennent de révéler que ce dispositif censé prévenir des projets
d'attentats n'a jamais été appliqué et ne semble pas en voie de l'être. "On
n'est pas en mesure de l'appliquer alors que nous en avons besoin",
expliquait le juge anti-terroriste Marc Trévidic, lors de son audition devant certains
députés médusés. "On pourrait éviter des mois de travail de décryptage
dans la surveillance de suspects prêts à passer à l'acte",
poursuivait-il.
Sur le fond, les services ne
disposent pas des logiciels espions agrées par le ministère de l'Intérieur. Les
développeurs sont étrangers, en Italie notamment. L'un des dispositifs majeurs
pour lutter contre le terrorisme est bloqué faute de fournisseurs. Aux Etats-Unis,
pour palier ce problème de sécurité, le FBI a développé son propre logiciel...
depuis 2001.
Lettre à Manuel Valls
Des députés membres de la Commission
parlementaire, comme Damien Meslot (UMP), ont récemment alerté par courrier le
ministre de l'Intérieur sur cette faille technique du renseignement dans le
contexte actuel de menace terroriste.
Le député de Belfort écrit ainsi à Manuel
Valls : "Aucun dispositif de ce type n'a pu être mis en œuvre dans le
cadre d'une procédure judiciaire [...] Vous avez affirmé qu'il y avait eu
des erreurs de commises dans l'affaire Merah et qu'il fallait en tirer toutes
les conclusions. Il semble indispensable que tous les outils de la lutte contre
le terrorisme soient appliqués et opérationnels rapidement. C'est le sens du
dispositif voté dans la LOPPSI 2".
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