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A son procès, le mari de la femme voilée contrôlée à Trappes dénonce une loi "islamophobe"

Le contrôle d'identité de la jeune femme portant un niqab, en juillet, avait dégénéré et entraîné des violences dans la ville. Trois mois de prison avec sursis ont été requis contre son époux.

Article rédigé par Catherine Fournier
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Mickaël Khiri quitte le tribunal de grande instance de Versailles (Yvelines), vendredi 20 septembre 2013. (MARTIN BUREAU / AFP)

"C'est une procédure tristement banale dans la France de 2013." Son procès a néanmoins fait déplacer le président du tribunal de grande instance de Versailles (Yvelines) et le procureur de la République de la ville, vendredi 20 septembre. Mickaël Khiri était jugé pour "outrage", "rébellion" sur trois policiers, et "violences sans entraîner d'interruption temporaire de travail" sur l'un d'entre eux. Des chefs d'accusation relativement banals en effet, comme l'a relevé l'avocat des policiers à l'audience, Thibault de Montbrial.

Sauf que le prévenu en question n'est autre que le mari de la femme intégralement voilée contrôlée le 18 juillet à Trappes (Yvelines). Un contrôle d'identité qui a dégénéré et déclenché trois jours d'affrontements entre jeunes et forces de l'ordre dans cette ville connue, entre autres, pour avoir vu grandir des comédiens comme Jamel Debbouze et Omar Sy. 

Contrôlés sur le chemin du retour à "la maison"

En s'avançant à la barre, sous le regard des trois policiers, Mickaël Khiri, 21 ans, est tel qu'il est apparu dans les médias jusqu'à présent : mince, brun, barbe fournie, traits juvéniles et peau diaphane. Il porte un foulard blanc, un gilet noir, un pantalon trop court et des baskets. Sa voix est posée, son débit haché. Invité à s'exprimer sur les faits, le jeune homme, qui a grandi en Seine-Saint-Denis, déroule la même version : alors qu'il rentre "à la maison" avec sa femme, sa belle-mère et sa belle-sœur, ce 18 juillet à 21h50, pour rompre le jeûne du ramadan, des policiers s'arrêtent à leur hauteur pour procéder à un contrôle d'identité. En cause, le voile intégral porté par son épouse, Cassandra Belin, 20 ans, convertie à l'islam comme lui.

Selon Mickaël Khiri, les fonctionnaires de police manquent de "courtoisie" et se montrent agressifs. Très vite, le ton monte. Des insultes fusent - le prévenu reconnaît d'ailleurs un "ferme ta gueule" lancé par sa femme aux policiers mais nie un "fils de pute". La belle-mère cherche à s'interposer. Celle-ci est alors poussée "violemment" par un des policiers, raconte le jeune homme, un geste sur lequel la défense a appuyé toute sa plaidoirie. Il explique en effet, selon l'avocat de Mickaël Khiri, pourquoi ce contrôle a dégénéré. Contrairement aux autres, car Cassandra Belin a déjà fait l'objet de cette procédure à plusieurs reprises depuis qu'elle porte, à son initiative, le niqab. "La belle-mère est un peu à l'origine de tout", estime le procureur. 

La loi sur le voile intégral en toile de fond

Pourtant, Mickaël Khiri donne un autre argument pour justifier le dérapage de la situation. "Je ne trouve pas légitime de se faire contrôler, lance-il au président. Je ne vois pas pourquoi on nous imposerait une loi qui va à l'encontre de notre religion, une loi qui ne respecte pas les droits de la Convention européenne des droits de l'homme." Il fait ainsi allusion à la loi interdisant le port du voile intégral, votée en octobre 2010. Et dénonce l'"islamophobie" derrière ce texte.

Pourquoi, alors, s'être plié aux contrôles précédents et avoir résisté à celui-ci ? "Je ne mésestime pas la part de la fatigue au bout d'une journée sans manger", reconnaît le procureur, faisant référence au ramadam pratiqué par Mickaël Khiri et ses proches. Mais "les policiers ont parfaitement le droit de contrôler une personne qui contrevient à la loi, à n'importe quelle heure de la journée", tance-t-il. Mickaël Khiri écoute doctement. 

Un policier frappé à la pommette 

L'avocat de la défense tente de rattraper les propos de son client. Pour lui, la réaction de Mickaël Khiri, accusé d'avoir frappé un policier à la pommette et d'avoir tenté de l'étrangler, relève tout bonnement de l'article 122-7 du Code pénal invoquant la légitime défense. Un article qui fait beaucoup parler de lui en cette période "N'est pas pénalement responsable la personne qui, face à un danger actuel ou imminent qui menace elle-même, autrui ou un bien, accomplit un acte nécessaire à la sauvegarde de la personne ou du bien, sauf s'il y a disproportion entre les moyens employés et la gravité de la menace." 

La défense demande ainsi la relaxe, quand le parquet réclame trois mois d'emprisonnement avec sursis et 1 000 euros d'amende. Des réquisitions conformes à la jurisprudence dans ce type d'affaires mais qualifiées de "légères" par le syndicat de police Alliance. Pour autant, l'accusation ne réclame pas ici de "peine exemplaire". Seulement un jugement "pédagogique" qui rappelle "qu'en France, on applique la loi française, on la respecte et on ne touche pas aux policiers". Le prévenu, employé dans une sandwicherie à mi-temps pour 480 euros par mois, connaîtra le jugement du tribunal le 8 novembre. Sa compagne, absente à l'audience, sera elle aussi jugée pour "outrage" et "rébellion" sur les forces de l'ordre devant la même juridiction, le 30 octobre prochain.

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