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Terroriste, sataniste, survivaliste... Mais qui est vraiment Kristian "Varg" Vikernes ?

Présenté par Manuel Valls comme un homme "susceptible de préparer un acte terroriste d'envergure" lors de son arrestation en Corèze en juillet 2013, le chanteur norvégien de black métal comparaissait mardi au tribunal de Paris.

Article rédigé par Kocila Makdeche
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 7min
Le Norvégien Varg Vikernes sortant du tribunal de grande instance de Brive (Corrèze), le 10 septembre 2013. (MAXPPP)

Dangereux ou illuminé ? Soupçonné de préparer un acte terroriste en France à l'été 2013, arrêté dans la foulée en Corrèze avant d'être relâché, l'extrémiste norvégien Kristian "Varg" Vikernes a comparu mardi 3 juin devant le tribunal correctionnel de Paris. Poursuivi pour "provocation à la haine" et "apologie de crimes de guerre" pour des billets de blog, la justice a requis une peine de quatre à six mois de prison avec sursis.

Le chanteur du groupe de black métal Burzum, explique avoir utilisé beaucoup de termes pour traduire ses humeurs assez particulières : "Satanisme, nationalisme, racisme, paganisme (...) et même le nazisme..." Dans la presse, "Varg", le "loup" en norvégien, est tantôt qualifié de terroriste, tantôt d'artiste. Francetv info tente de dresser un portrait de cet homme complexe en cinq mots.

Un terroriste ?

Le 16 juillet 2013, 6 heures du matin. Les forces de l'ordre fracturent la porte de sa maison de Corrèze, où il vit depuis 2009 avec Marie Cachet, une Française avec qui il a eu trois enfants. "Varg" Vikernes "était susceptible de préparer un acte terroriste d'envergure", affirme le ministère de l'Intérieur de l'époque, Manuel Valls. "Proche de la mouvance néonazie", il constituait "une menace potentielle pour la société, comme l'atteste la violence de ses propos interceptés notamment sur le web", précise le ministère dans un communiqué.

Finalement, le ministre déclare que "le loup" n'a "ni cible, ni projet identifié". Au bout de 48 heures de garde à vue, il est relâché. "J'étais censé avoir reçu le manifeste de Breivik [l'auteur de la tuerie d'Utoya] par e-mail. Les policiers savaient déjà que c'était faux. Quand j'ai confirmé que je n'avais rien reçu, c'était fini", commente "Varg" Vikernes sur BFMTV

Il faut dire que l'homme a un lourd passif. En 1993, il est condamné à vingt et un ans de prison pour des incendies d'églises, ainsi que pour le meurtre d'Øystein Aarseth, alias Euronymous, son ami guitariste du groupe de black métal Mayhem avec qui il a fini par se fâcher. Lors de son arrestation, la police norvégienne retrouve chez lui 150 kilos d'explosifs et de nombreuses munitions.

Un sataniste ?

Vikernes était un ado à problème. À l'aube des années 1990, il intègre le Black Metal Inner Circle, une mouvance de jeunes métalleux norvégiens liés par leur approche essentiellement sataniste de l'art. La petite bande d'Oslo se revendique radicalement "antichrétienne" et se fait connaître après avoir incendié de nombreuses églises. Parmi elles, la Stavkirke de Fantoft, une bâtisse construite au XIIe siècle, dont on retrouve les restes sur la pochette d'un disque de Burzum sorti en mars 1993, "Aske" (cendres en norvégien).

La couverture de l'album de Vikernes, composé en 1993. (BURZUM / DEATHLIKE SILENCE)

Pour Vikernes, "le christianisme est la source de tous les problèmes du monde moderne" et "est intrinsèquement lié aux Juifs. Sur son blog, il refuse cependant l'appellation de sataniste, à laquelle il préfère celle d'odiniste. Comprendre : adorateur du dieu nordique Odin, père de Thor.

Un national-socialiste ?

Vikernes répète à l'envi sur son blog son dégoût pour les "races inférieures" et aime revisiter l'histoire. "Les nazis se sont comportés de façon exemplaire au Danemark et en Norvège", affirme-t-il par exemple. Raison pour laquelle il s'identifie à cette pensée extrême.

Pendant son incarcération, il alimente un site néonazi. Un brin provocateur, le jeune Varg prend la pose dans sa cellule, le point tendu vers l'avenir et la coupe bien dégagée autour des oreilles. Il s'impose alors comme l'icône du mouvement NSBM, acronyme de National socialisme black métal.

Varg Vikernes (à dr.) et son avocat John Christian Elden, en 1997. (ROAR VESTAD / NTB SCANPIX)

Mais Vikernes a vieilli et se défend aujourd'hui d'appartenir à tout mouvement d'ultra-droite. Ouvertement raciste cependant, le "loup" appelait sur son site en 2011 à voter pour la présidente du Front national Marine Le Pen, "la Jeanne d'Arc moderne". "Vos campagnes sont belles, mais seulement parce qu'elles sont encore peu touchées par la masse de l'immigration, écrit-il. Si vous avez la moindre fierté en vous, la moindre intelligence, le moindre courage, et la moindre volonté de vivre, vous devez voter pour Marine le Pen." 

Un survivaliste ?

Quand les forces de l'ordre interpellent Vikernes en juillet 2013, elles découvrent dans sa maison de Corrèze un solide arsenal : un fusil à répétition, deux carabines 22 long rifles, une arbalète et toute une bardée de couteaux de survie.

Toutes ces armes ont été obtenues légalement, explique l'avocat de Vikernes, qui justifie cet arsenal par la "philosophie survivaliste du couple". "Cela suppose une autarcie énergétique et une autarcie alimentaire. Pour être en autarcie, il faut avoir un petit élevage et aussi stocker des conserves. Il faut aussi acquérir ses armes, d'abord pour apprendre à tirer avant d'aller chasser", poursuit Me Julien Freyssinet.

Mais qu'est-ce qu'un survivaliste ? Ce mode de vie, né pendant la Guerre froide, qualifiait les Américains qui avaient décidé de construire des bunkers anti-atomiques en prévision d'une apocalypse nucléaire. En France, le mouvement apparaît plus récemment. Les survivalistes se préparent à un effondrement économiques. Au cas où, ils stockent de l'eau, de la nourriture, de l'essence et des armes. Devenu adepte de ce mode de vie, Vikernes dédramatise. "Ce n'est rien d'extrême. C'est juste ce que nos grands-parents faisaient", explique-t-il dans cette vidéo (à la 51e minute), publiée en septembre 2013.

Un odaliste ?

Dans sa quête épique des qualificatifs en "istes", Vikernes a finalement trouvé celui qui lui correspond le mieux : odaliste. Le terme fait référence à la rune odal, une lettre de l'alphabet des anciens peuples germaniques. Le caractère "odal" peut se traduire par "famille" ou "propriété", mais représente plus largement le concept d'identité. Jusque-là, tout va bien.

Les choses se corsent pendant la seconde guerre mondiale. La rune est alors utilisée comme symbole par une division SS. Le terme odaliste désigne ainsi aujourd'hui les groupes d'ultra-droite qui défendent une identité européenne basée sur le sang germanique.

Dans les années 1990, Vikernes participe aux "All german heathen front" ("front des païens germaniques"), une association de néopaïens odalistes et accessoirement ultra-racistes. La star du black métal semble heureuse d'avoir trouvé un nouvel adjectif à mettre sur sa carte de visite. "Ce terme remplace tous les éléments positifs des autres '-ismes' que j'ai pu utiliser, expliquait-il dans un post de blog en juillet 2005. Il fusionne le paganisme [religion païenne], le nationalisme traditionnel, le racisme et l'écologie." 

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