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Sébastien, adolescent devenu tueur de chats : "A chaque prise de tête avec ma mère, je passais à l'acte"

Ce jeune homme de 20 ans a été condamné mercredi par le tribunal correctionnel de Marseille à une peine de deux ans de prison, dont six mois ferme, pour avoir tué les chats de sa mère. 

Article rédigé par Benoît Zagdoun
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
Les avocats de la défense et de la partie civile dans une salle d'audience du tribunal correctionnel de Marseille (Bouches-du-Rhône), mercredi 23 septembre. (BENOIT ZAGDOUN / FRANCETV INFO)

Sa longue silhouette maigre disparaît entièrement dans le box des prévenus. Seul son visage émacié aux pommettes saillantes et aux cheveux châtains tirés en queue-de-cheval en émerge par moments, lorsque le juge et la procureure grondent son mutisme et son air absent. Les mains jointes, doigts croisés, il leur fait face, mais son regard est vide, fixé dans le vague. Sébastien, un Marseillais de 20 ans, comparaît mercredi 23 septembre devant le tribunal correctionnel de Marseille pour avoir tué à coups de marteau le chat de sa mère, parce que celle-ci refusait de lui donner de l'argent afin qu'il s'achète du cannabis. Le jeune homme est jugé pour actes de cruauté envers animaux et détention de stupéfiants. Sa voix est à peine audible lorsqu'il déclare aux magistrats qu'il a choisi de rester silencieux à son procès. Sa mère, qui n'a pas encore la quarantaine, est dans la salle.

"Des actes cruels et gratuits"

Le juge relate les faits, "des actes cruels et gratuits", tels que les protagonistes de ce drame familial les ont rapportés dans leurs dépositions aux enquêteurs. Le 4 août dernier, une énième dispute éclate entre Sébastien et sa mère à leur domicile. L'aîné de la fratrie lui réclame dix euros. De quoi s'acheter un peu de cannabis. Il en fume depuis ses 13 ans. "Cinq à six pétards par jour", dit-il. Sa mère refuse de lui donner l'argent qu'il exige. Le ton monte. Sébastien menace de tuer son cher Tristan, son chat blanc et roux. La mère finit par quitter le foyer.

Lorsqu'elle revient, son fils s'est calmé. Mais, sur la table, un sac isotherme attire son regard. A l'intérieur, le matou gît, ensanglanté, enveloppé dans une couverture. Il y a des traces de sang sur les murs et sur les chaussures de son fils. Elle appelle la police et porte plainte. Entre-temps, Sébastien est parti chez sa tante qui, elle, lui a donné le liquide qu'il voulait tant. Quand les policiers viennent arrêter le jeune homme, ils le découvrent en train de fumer un joint, tout en jouant avec sa console de jeux vidéo.

En garde à vue, Sébastien passe aux aveux. Il a pris un marteau qui traînait dans un meuble et a frappé l'animal à deux ou trois reprises. L'un de ses demi-frères a entendu Tristan miauler et Sébastien faire le ménage. L'aîné avoue qu'il a tué deux autres chats quelques mois plus tôt, Kiki et Mimi, qui avaient mystérieusement disparu. Cette fois, il s'est servi d'un couteau. Il a jeté leurs dépouilles à la poubelle, mais a conservé la queue de l'un des félins pour l'exhiber devant ses demi-frères et sœurs.

La procureure et le juge du tribunal correctionnel de Marseille (Bouches-du-Rhône) discutent d'une affaire dans une salle d'audience, le 23 septembre 2015. (BENOIT ZAGDOUN / FRANCETV INFO)

La Fondation Brigitte Bardot, la SPA, l'association Stéphane Lamart… En tout, six associations de défense des animaux se sont constituées parties civiles. Leurs quatre avocats prennent la parole à tour de rôle. Ils insistent sur "la cruauté" de l'acte commis par Sébastien et "la froideur" avec laquelle le jeune homme l'a raconté aux enquêteurs et à l'expert psychiatre mandaté. Ils rappellent que "les animaux sont des êtres doués de sensibilité", reconnus comme tels par le droit. S'ils exigent plusieurs centaines voire milliers d'euros de dommages et intérêts, ils veulent surtout que le tribunal prononce à l'encontre de Sébastien "une interdiction à vie de posséder un animal".

"Je n'aurais pas dû naître. Je suis une erreur de la nature"

L'avocate de Sébastien plaide la clémence. "La souffrance ne se situe pas que d'un seul côté de la barre", argue-t-elle. Le président du tribunal a brossé un tableau très sombre de la vie de Sébastien. Abandonné par un père alcoolique et absent, le garçon est élevé seul par sa mère avec ses autres demi-frères et sœurs. Ce père qu'il ne connaît toujours pas, alors qu'ils vivent pourtant dans le même village, l'adolescent cherche à le rencontrer. En vain. L'enfant rejeté souffre aujourd'hui encore d'un bégaiement prononcé. Sa scolarité difficile s'achève par un CAP de cuisine qui ne débouche sur rien. Sans amis, Sébastien vit isolé. Les journées se suivent et se ressemblent, pleines de vide.

"Je ne sais pas ce qui m'a pris", répète Sébastien aux policiers. "J'ai fait ça contre mon père. J'ai la haine contre lui", lâche-t-il pour toute explication. Une colère qu'il projette sur sa mère. "A chaque fois que je me prenais la tête avec ma mère, je passais à l'acte", explique-t-il encore. Son mal-être transpire de toutes parts. "Je n'aurais pas dû naître. Je suis une erreur de la nature. Ma mère préfère ses chats à son fils", confie-t-il aux policiers qui découvrent des trous dans les murs de sa chambre. Lorsqu'il est en colère, Sébastien se défoule contre eux. Les demi-frères et sœurs racontent aussi les insultes, et parfois les coups. Son avocate insiste sur le "passage à l'acte impulsif et incontrôlé" de ce jeune homme "très fragile" et qui "se sent hors du monde". Il a des "remords" et des "regrets".

Me Céline Lendo, avocate de la défense au procès du jeune tueur de chats, le 23 septembre 2015 dans une salle d'audience du tribunal correctionnel de Marseille (Bouches-du-Rhône). (BENOIT ZAGDOUN / FRANCETV INFO)

La procureure - qui confie avoir un chat - dénonce "un acte de sadisme", liste ses antécédents judiciaires, "toujours des actes répétitifs de cruauté et de violence". Elle y voit un très mauvais "présage" pour sa vie future. L'expertise psychiatrique a conclu à sa "dangerosité potentielle". Sébastien n'en est pas à son premier passage devant un juge. Alors qu'il était encore mineur, il a été condamné à trois reprises à de la prison avec sursis pour des incendies, des vols avec violences et des violences sur sa mère.

Cette fois, son sursis est révoqué. Et Sébastien est condamné à deux ans de prison, dont six mois ferme. Une peine assortie de trois années de mise à l'épreuve, avec obligation de soin, et d'une interdiction définitive de détenir un animal. Le jeune homme devra en outre verser 1 000 euros aux associations parties civiles. Les avocats sont satisfaits. Sébastien retourne tout droit à la prison des Baumettes où il est écroué depuis le 7 août. Pas tant pour ce qu'il a fait que pour le contexte familial dans lequel il vivait, avait à l'époque expliqué la procureure. "Ce qui est fait est fait", glisse pour tout commentaire la mère de Sébastien en quittant la salle d'audience.

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