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Rétention de sûreté : le contrôleur des prisons condamne

C'était il y a six ans, et Nicolas Sarkozy en avait fait un cheval de bataille. La loi sur la rétention de sûreté a été adoptée le 25 février 2008. Pour l'anniversaire de ses six ans, le contrôleur général des lieux de privation de liberté, Jean-Marie Delarue, publie un avis adressé aux ministres de la Justice et de la Santé. Un avis critique quant au bilan de la loi.
Article rédigé par Guillaume Perilhou
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2 min
  (Maxppp)

La loi sur la rétention de sûreté est née d'un fait divers. Le 15 août 2007, un garçon prénommé Enis et âgé de
5 ans est enlevé et violé à Roubaix par Francis Evrard, 60 ans. L'auteur du
crime sortait de 18 ans de réclusion criminelle pour viol aggravé. Une affaire
qui a ému, et dont l'ancien président de la République s'était emparé.

Le principe de la loi sur la rétention de sûreté, plus exactement "relative à la déclaration d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental" est inédit : le juge a la possibilité de
maintenir enfermé un individu condamné à une peine de réclusion criminelle
supérieure à 15 ans, si celui-ci présente toujours une dangerosité potentielle pour
la société. Autrement dit, s'il risque de récidiver. Le nouveau placement en
détention d'une durée d'un an peut être renouvelé indéfiniment.

Seules quatre personnes placées en rétention de sûreté
depuis 2008

Les personnes placées en rétention de sûreté le sont au sein
du Centre Socio-Médico-Judiciaire de Sûreté de Fresnes (CSMJS). Depuis l'adoption de la loi, seulement
quatre personnes y ont été affectées pour manquement aux obligations imposées
par une surveillance de sûreté – par exemple pour manquement aux obligations de
soins. Jean-Marie Delarue fait part, dans son avis, de ses
interrogations quant au "bien fondé d'une privation de liberté appliquée
aux personnes ayant méconnu les obligations d'une surveillance de sûreté". Un manquement au respect de ces obligations ne caractérise pas, selon lui, une dangerosité potentielle.

Le contrôleur général des lieux de privation de liberté dénonce
également l'irrespect de la lettre de la loi. Parce qu'il n'y a que quatre détenus au
CSMJS de Fresnes, "une prise en charge médicale, sociale et psychologique
destinée à permettre la fin de cette mesure", voulue par le législateur, n'est pas mise en œuvre
selon le contrôleur. Aussi, il dénonce l'absence d'activités mises en place au
sein du centre.

Une prise en charge similaire à celle du régime pénitentiaire

Le contrôleur le rappelle : le CSMJS est "un lieu de soin. Tout le système repose là-dessus". Pourtant, Jean-Marie Delarue estime que le régime de rétention de sûreté apparaît "très similaire au régime pénitentiaire", notamment à cause de la présence de
personnels pénitentiaires, ou des mêmes interdictions, comme celle
d'utiliser un téléphone portable. Les retenus sont également soumis aux fouilles et à un régime de visites très restrictif.

Pour tout cela, le contrôleur demande des "éclaircissements sur
la nature du régime applicable, (...) dès lors qu'on s'efforce de maintenir une
distinction entre "personnes détenues" et "personnes en rétention de sûreté". Le 18 mars 2013, la garde
des Sceaux, Christiane Taubira, affirmait dans les colonnes de Libération que l'abrogation
de la rétention de sûreté était "prévue ".

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