Maurice Agnelet est condamné à vingt ans de prison ferme pour l'assassinat d'Agnès Le Roux
La cour d'assises d'Ille-et-Vilaine s'est prononcée après plus de sept heures de délibération.
Maurice Agnelet, ancien avocat, âgé de 76 ans et accusé du meurtre de sa maîtresse, Agnès Le Roux, est condamné à vingt ans de réclusion par la cour d'assises d'Ille-et-Vilaine, qui statuait en appel, vendredi 11 avril. Agnès Le Roux, héritière d'un casino niçois, a mystérieusement disparu en 1977.
Ce verdict, annoncé au terme d'un troisième procès hors normes après sept heures trente de délibération, est conforme aux réquisitions du parquet et à la précédente condamnation de Maurice Agnelet lors de son deuxième procès, qui avait été invalidé par la Cour européenne des droits de l'homme.
Imperturbable comme il l'a été tout au long des quatre semaines de son procès, Maurice Agnelet n'a pas particulièrement réagi à l'annonce de sa condamnation, alors que les membres de la famille d'Agnès Le Roux s'étreignaient longuement.
Pour autant, saura-t-on un jour ce qu'il est réellement arrivé à Agnès Le Roux ? Si la justice a tranché et a condamné Agnelet pour assassinat, les trois procès n'ont pas permis de répondre à cette question. En l'absence de cadavre et de preuves formelles du meurtre, la culpabilité de Maurice Agnelet, jugé depuis le 17 mars devant les assises d'Ille-et-Vilaine, n'a jamais pu être prouvée formellement. Malgré ses excuses, prononcées vendredi 11 avril juste avant le verdict, l'ancien avocat a toujours nié avoir tué sa maîtresse, Agnès Le Roux. "Faute de preuves, de scène de crime, de témoins, on se met à interpréter des éléments", a déploré François Saint-Pierre, l'avocat de Maurice Agnelet lors de sa plaidoirie.
Francetv info revient sur le faisceau de présomptions qui l'accuse.
Les accusations de son fils
C'est lui qui a totalement bouleversé ce troisième procès. Les déclarations spontanées de Guillaume Agnelet, 45 ans, ont apporté pour la première fois des éléments détaillés sur le déroulement du meurtre présumé d'Agnès Le Roux, qui aurait eu lieu en Italie. "Ils sont allés faire du camping dans un coin tranquille près de Monte Cassino. Il aurait, pendant son sommeil, tiré sur Agnès", a expliqué Guillaume.
Dans les années 1990, alors qu'il était étudiant, la mère de Guillaume Agnelet, Annie Litas, lui aurait confirmé : "Ton père a tué Agnès", affirmant tenir cette information "directement de lui". Des déclarations, balayées par l'intéressée durant le procès. "Je trouve ça totalement irréaliste et rocambolesque. Je n'ai jamais prononcé ces propos", a déclaré Annie Litas, 72 ans, affirmant que son fils était victime de troubles psychiques.
Le flou sur son alibi
Où était Maurice Agnelet au moment de la disparition d'Agnès Le Roux ? Les trois procès n'ont toujours établi précisément son emploi du temps. L'homme affirme avoir passé les 27 et 28 octobre 1977, à Genève (Suisse), avec une autre de ses maîtresses, Françoise Lausseure. Puis il aurait pris un train la nuit suivante pour Paris, où il aurait dormi à l'hôtel avant de rentrer à Nice. Un alibi qui a été, un temps, confirmé par Françoise Lausseure, devenue sa femme, mais qui s'est finalement rétractée après leur divorce en 1999. Le voyage de nuit n'est pas attesté, son agenda parisien non plus.
A Rennes, Maurice Agnelet a répété qu'il était bien avec sa maîtresse à Genève. Mais il a été contredit par une amie d'Agnès, Martine Nègre, qui a affirmé que Maurice Agnelet s'était décommandé au dernier moment, et que c'est elle qui était partie avec Françoise Lausseure à Genève. "Elle était en colère [contre Maurice Agnelet], elle est venue me chercher et je suis partie en Suisse avec elle", a assuré Martine Nègre. Mais cette dernière a finalement reconnu qu'elle ne se souvenait pas précisément de la date.
Le mot d'adieu d'Agnès Le Roux
Au centre des éléments à charge, il y a ces quelques mots écrits par Agnès Le Roux : "Mon chemin s'arrête ici, je veux que Maurice s'occupe de tout." Ils ont été découverts lors d'une perquisition au cabinet de Maurice Agnelet, en septembre 1978, sur la photocopie d'un mot d'adieu rédigé par Agnès Le Roux après sa deuxième tentative de suicide, début octobre 1977.
Etonnamment, c'est ce message qu'ont retrouvé les policiers chez la jeune femme, sans date, cinq mois après sa disparition, en mars 1978. Or, a rappelé le premier juge d'instruction qui a dirigé l'enquête après la disparition mystérieuse en 1977, Maurice Agnelet avait cité le message, mot pour mot, lors d'une conversation, enregistrée, avec une amie d'Agnès, deux jours après sa tentative de suicide. Selon le raisonnement du juge, Maurice Agnelet a dérobé ce mot chez sa maîtresse et l'a utilisé, en découpant la date, pour maquiller la disparition d'Agnès en une troisième tentative de suicide, réussie celle-là.
Les trois millions de francs en Suisse
Maurice Agnelet étant l'avocat d'Agnès Le Roux lors de son divorce, c'est lui qui, devenu son amant, se charge de mener la vente des parts de la jeune héritière du casino niçois, le Palais de la Méditerranée. Contre l'avis de sa mère, elle les cède au patron du casino concurrent, Jean-Dominique Fratoni. Les trois millions de francs qu'elle reçoit sont versés sur des comptes communs avec Maurice Agnelet, à Genève.
Juste près la disparition d'Agnès, la somme est transférée par Maurice Agnelet sur un compte à son seul nom. Toujours bloquée en Suisse, cette somme correspond aujourd'hui à plus de trois millions d'euros.
Son étrange comportement après la disparition
"Je ne peux pas dire que j'ai des nouvelles. Je ne peux pas dire que je n'en ai pas. Elle est allée se mettre au vert, elle a pris le large, ne t'inquiète pas." C'est ce que répond Maurice Agnelet au frère d'Agnès, qui n'arrive pas à la joindre. Toujours sans nouvelles, Jean-Charles Le Roux insiste et le rappelle à nouveau. "Il était toujours très disponible pour moi au téléphone, il me rassurait, me disait qu'elle faisait la fête. Pour moi, il était le rempart d'Agnès", rapporte Le Monde. Pas d'inquiétude donc pour la famille. Il faudra attendre quatre mois avant que la famille ne porte enfin plainte contre X.
Ses mystérieuses annotations
Lors de la perquisition du domicile de Maurice Agnelet, les enquêteurs ont été surpris de découvrir de mystérieuses notes écrites dans cinq livres de la Pléiade et rangés dans sa bibliothèque. Datées, elles semblent avoir un lien direct avec le meurtre présumé de sa maîtresse. Ainsi dans un livre de Montaigne, on peut lire "17 mai 1977-Genève-PM-PV-amitiés". La date correspond au voyage du couple pour déposer l'argent de la vente des parts du casino, et les initiales PM-PV à celles du Palais de la Méditerranée et à celui de la société mère qui détient les murs, le Palais vénitien, détaille Le Monde.
Il faut ensuite changer de livre, et se plonger dans celui d'Hemingway pour lire "Mercredi 2 novembre 1977, reclassement dossier-PM-PV-Liberté". La date correspond cette fois-ci à la disparition d'Agnès Le Roux, d'où l'utilisation du terme "liberté", analyse l'accusation.
Son caractère
Le portrait dressé au fil des témoignages entendus lors des différents procès dépeignent un homme terriblement sombre. Maurice Agnelet apparaît comme un menteur et manipulateur. "Avec lui, explique sa première femme Annie Litas, citée par Le Monde, toutes les conversations sont tronquées. Maurice est quelqu'un qui vous fait croire qu'il fait jour en pleine nuit. (...) J'avais peur de perdre mon intégrité et de ne plus être moi-même. Je n'ai retrouvé ma liberté que le jour où j'ai décidé de cesser de lui parler." Et d'ajouter : "Quand vous lui dîtes bonjour, vous mettez déjà le doigt dans l'engrenage."
Après les tentatives de suicide d'Agnès (deux en trois jours), Maurice Agnelet est loin de jouer son rôle d'amant amoureux et attentif. "Il lui faut une personne à plein temps mais je ne me sens ni le temps ni la vocation", explique-t-il. "Pourquoi ne pas mettre entre parenthèses un certain nombre de vos engagements pour vous occuper d'elle ?", a interrogé le président de la cour d'assises de Rennes. "Mais pour combien de temps ? Allons !", rétorque Maurice Agnelet. "C'est pour ça que quand Coco [une amie d'Agnès] offre de la prendre en charge, je dis 'ouf'", explique-t-il froidement.
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