Maurice Agnelet, l'homme "qui ne lâche jamais"
Accusé du meurtre d'Agnès Le Roux, cet ancien avocat de 76 ans continue, seul contre tous, de nier en bloc. L'avocat général a requis 20 ans de réclusion criminelle.
Le jeune et fringant avocat niçois de la fin des années 1970 paraît bien loin. Cheveux blancs mal peignés, barbe de trois jours tout aussi blanche, Maurice Agnelet semble aujourd'hui usé, fatigué. Mais sous les rides qui barrent son front, le regard est resté le même, toisant ses détracteurs, défiant ses juges. Devant la cour d'assises d'Ille-et-Vilaine à Rennes, pour son troisième procès en 37 ans, l'homme n'a jamais pas changé sa ligne de défense d'un iota : "Non, je n'ai pas tué Agnès", a-t-il une énième fois répété dans ce procès où l'avocat général a requis, jeudi 10 avril, 20 ans de prison. Lui, l'amant, n'a toujours aucune explication à donner sur la mystérieuse disparition d'Agnès Le Roux, le 26 octobre 1977.
C'est sa deuxième épouse, Françoise Lausseure, qui parle le mieux du personnage central de cette énigme judiciaire : "Maurice Agnelet est quelqu'un qui ne lâche jamais. Cet homme est d'une complexité exceptionnelle. C'est une mosaïque."
Un homme en quête de reconnaissance
Quand on l'interroge sur son enfance, c'est la voix chevrotante, mais énergique, que le septuagénaire, qui comparaît libre, explique avoir appris à "s'adapter" au cours d'une enfance marquée par le manque d'affection de ses parents, de petits commerçants établis à Monaco. En quête de reconnaissance, Maurice Agnelet intègre, dès 18 ans, la franc-maçonnerie. "C'était pour moi le meilleur moyen de trouver une famille", explique-t-il, dans une déclaration relayée par Le Monde. Devenu avocat à Nice, il multiplie les engagements associatifs, notamment à la Ligue des droits de l'homme.
Mais l'homme vise plus haut et rêve de devenir directeur du Palais de la Méditerranée à Nice, le deuxième casino de France à l'époque. D'abord conseiller juridique de Renée Le Roux, la propriétaire, il est finalement écarté de la direction. Mais là non plus, Maurice Agnelet ne lâche pas. Il se rapproche alors d'Agnès, l'une des héritières. C'est lui qui s'occupe de son divorce, puis la jeune femme revendique son autonomie financière et veut toucher sa part. Il va l'y aider.
Trois femmes, trois tentatives de suicide
La jeune femme est alors décrite par l'une de ses amies, citée par Le Monde, comme "la personne la moins suicidaire de la terre. Elle était conquérante, battante, rebelle". Mais rapidement, c'est lui qui prend l'ascendant. Et avant sa disparition à la Toussaint, en 1977, elle tente par deux fois de se suicider. Un scénario qui s'est répété avec sa première et sa deuxième femme. "Toutes les femmes qui tournaient autour d'Agnelet, en tout cas nous, les trois principales, ont fait des tentatives de suicide", témoignait Françoise Lausseure devant la cour d'assises des Alpes-Maritimes à Nice en 2006.
Au fil des témoignages récoltés, au fil des procès, se dessine un Maurice Agnelet manipulateur. "Avec lui, explique sa première femme Annie Litas, citée par Le Monde, toutes les conversations sont tronquées. Maurice est quelqu'un qui vous fait croire qu'il fait jour en pleine nuit. (...) J'avais peur de perdre mon intégrité et de ne plus être moi-même. Je n'ai retrouvé ma liberté que le jour où j'ai décidé de cesser de lui parler." Et d'ajouter : "Quand vous lui dîtes bonjour, vous mettez déjà le doigt dans l'engrenage." Il est également décrit comme cynique et obsédé par l'argent.
Après les tentatives de suicide d'Agnès (deux en trois jours), il ne montre guère de compassion. "Il lui faut une personne à plein temps mais je ne me sens ni le temps ni la vocation", explique alors Maurice Agnelet. Après sa disparition, il ne cherche même pas à prendre de ses nouvelles. En revanche, les trois millions de francs qu'avait reçus la jeune héritière, sur des comptes communs, à Genève sont transférés par Maurice Agnelet sur un compte à son seul nom.
Il n'a pas fait une croix sur l'argent
Seul contre tous, il continue de défier les avocats de la famille Le Roux, et de balayer le témoignage de son fils Guillaume, qui l'accuse du meurtre d'Agnès. "Guillaume est en pleine dépression, c'est le délire de ce garçon qui va lui retomber dessus, il ne se rend pas compte", réagit-il, cité par le Figaro. Sûr de lui, en l'absence de cadavre et de preuves formelles du meurtre, il va jusqu'à rire dans la salle d'audience des assises de Rennes, comme une provocation au frère et aux sœurs d'Agnès Le Roux, à quelques bancs de là. La mère, Renée, 92 ans, n'a quant à elle pas eu la force d'assister à ce nouvel épisode judiciaire.
Maurice Agnelet n'a pas formellement abandonné l'idée de récupérer l'argent de la vente du casino, toujours bloqué en Suisse, et équivalent à plus de trois millions d'euros. "Etre soupçonné depuis 37 ans d'être un assassin, il faut avoir les épaules solides", a reconnu l'ancien avocat. Car pour lui, pas question de lâcher.
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