Poursuivi pour avoir qualifié Marine Le Pen de "fasciste", Jean-Luc Mélenchon est relaxé
L'affaire remonte à 2011. La présidente du FN avait poursuivi pour injure le coprésident du Parti de gauche. Celui-ci a été relaxé par le tribunal correctionnel de Paris.
Le juge a entendu de part et d'autre des arguments tantôt sémantiques, politiques ou historiques. Poursuivi pour avoir qualifié la présidente du Front national, Marine Le Pen, de "fasciste", le coprésident du Parti de gauche, Jean-Luc Mélenchon a été relaxé, jeudi 10 avril.
L'avocat de Marine Le Pen, Wallerand de Saint-Just, a estimé que sa cliente allait faire appel de ce jugement. Retour sur les principaux éléments de cette affaire.
La phrase : la France veut-elle "un fasciste à sa tête ?"
Le 5 mars 2011, invité à réagir sur un sondage donnant Marine Le Pen en tête au premier tour de la présidentielle de 2012, Jean-Luc Mélenchon avait déclaré, sur i-Télé : "Tout ça est une guignolisation de la vie politique, absolument invraisemblable", "Pourquoi voulez-vous que le peuple français soit le seul peuple qui ait envie d'avoir un fasciste à sa tête ?"
Le jugement : pas une insulte "entre adversaires politiques"
Le tribunal a souligné que "si le terme 'fasciste' peut prendre une connotation outrageante quand il est utilisé en dehors de tout contexte politique ou s'il est accompagné d'autres termes dégradants, il est, en revanche, dépourvu de caractère injurieux lorsqu'il est employé entre adversaires politiques sur un sujet politique".
Dans un tel contexte, il se situe "dans le cadre d'un débat d'idées et d'une polémique sur la doctrine et le rôle d'un parti politique, sur lesquels Jean-Luc Mélenchon pouvait légitimement faire valoir son opinion (...) sans dépasser les limites autorisées de la liberté d'expression en la matière", a jugé le tribunal.
"Je n'ai pas injurié Mme Le Pen, je l'ai caractérisée", avait expliqué Jean-Luc Mélenchon à la barre de la 17e chambre du tribunal correctionnel de Paris, assurant lors de l'audience du 6 mars avoir livré une "opinion politique". "Le fait de vouloir interdire le terme de fasciste est typiquement fasciste", avait enfin plaidé l'avocat du coprésident de Parti de gauche.
Le débat : aux origines du FN ?
A la barre, Jean-Luc Mélenchon avait enfoncé le clou en affirmant que "les fondateurs du Front national sont des fascistes avérés et assumés". Or, pour Wallerand de Saint-Just, avocat de la présidente du Front national, "l'épithète est tellement grave que même dans un contexte politique, elle revêt un caractère outrageant", a-t-il dit à l'AFP. "On n'a pas le droit, en France, de se recommander du fascisme ou du nazisme", a-t-il poursuivi, plaçant le premier comme "père" du second, a-t-il poursuivi, soulignant que "ce genre d'injure est quasiment toujours [employé] dans un contexte politique".
S'il ne s'agit pas d'une injure aux yeux de la loi dans ce contexte précis, le mot "fasciste" accolé au nom de Marine Le Pen relève plutôt de l'erreur factuelle, selon le spécialiste de l'extrême droite française Jean-Yves Camus, interrogé en octobre 2013 par Paris Match.com. "Le FN sous Marine Le Pen n'est ni fasciste, ni nazi, ni axé sur la conquête du pouvoir par l'équivalent de la marche sur Rome [menée par Mussolini en 1922]. Mais ça ne veut pas dire qu'il soit devenu une droite semblable à l'UMP et à l'UDI. C'est hors de question", avait-il plaidé.
La stratégie du FN : une attention prêtée aux mots
Depuis qu'elle a pris la tête du FN, Marine Le Pen a adopté une posture offensive pour maîtriser le vocabulaire utilisé pour qualifier son parti. Ainsi, à l’automne 2013, elle a menacé d’attaquer les médias qui attribueraient à sa formation l'étiquette de parti d''extrême droite".
Le duel des Fronts : une nouvelle victoire judiciaire pour Mélenchon
Ce verdict donne raison à Jean-Luc Mélenchon. C'est une bonne nouvelle pour le coprésident du Parti de gauche, après la condamnation de Marine Le Pen, jeudi 3 avril, par le tribunal correctionnel de Béthune (Pas-de-Calais) dans l’affaire des faux tracts appelant à voter Mélenchon. Marine Le Pen a alors été condamnée à 10 000 euros d'amende.
Pendant la campagne des élections législatives opposant notamment la présidente du Front national et Jean-Luc Mélenchon dans la 11e circonscription du Pas-de-Calais, des membres du FN avaient imprimé un faux tract laissant apparaître l’image du coprésident du Parti de gauche, une citation de celui-ci et une invitation à voter pour lui, dont l'ironie n'était pas manifeste sur le document.
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