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"Notre journaliste Gilles Jacquier avait refusé d'aller à Homs"

Thierry Thuillier, directeur des rédactions de France Télévisions, explique pourquoi le groupe public porte plainte après la mort du grand reporter.

Article rédigé par franceinfo, Hervé Brusini
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2 min
Gilles Jacquier. (FRANCE TELEVISIONS / REUTERS)

Thierry Thuillier, directeur des rédactions de France Télévisions, nous explique pourquoi le groupe audiovisuel a porté plainte après la mort du grand reporter de France 2, Gilles Jacquier, tué à Homs mercredi, lors d'un reportage.

FTVi : Pour vous, il semble que de nombreuses questions se posent autour de la mort de Gilles Jacquier…

Thierry Thuillier : Absolument. D’abord, la description même des images nous apprend que notre caméraman Christophe Kenck a été touché par six éclats alors qu’il se rendait vers l’immeuble où Gilles a trouvé la mort. A ce moment précis, on en est à la troisième salve de tirs. Et c’est lorsque Gilles Jacquier a voulu sortir de l’immeuble où il avait trouvé refuge qu’il a été frappé mortellement par une quatrième salve.

Pour nous, ce scénario pose de multiples questions quant à l’origine des tirs, quant à la cible visée. Regardez, les journalistes faisaient partie d’un convoi sous escorte, très sévèrement encadré. Quand les tirs ont commencé, les militaires syriens ont reculé, laissant seuls et exposés les journalistes. Pourquoi ? Je n’ai pas de réponse, la rédaction, France Télévisions, les familles veulent cette réponse

La Syrie a déclaré mettre en place une commission d’enquête, quelles considérations lui donnez-vous ?

Pour l’heure, à nos yeux, cette commission d’enquête n’a aucune existence. Lorsque je suis allé sur place, je n’ai rencontré aucune autorité. Le président Rémy Pflimlin n’a reçu aucun avis, aucune saisie de la part de Damas. Et c’est précisément pour cela que nous avons porté plainte de notre côté, de façon à trouver notre place dans le processus qui doit conduire à la vérité. Car il y a bel et bien des témoins, des journalistes par exemple, qui ont vu des choses. Et la famille, de même que les rédactions de France Télévisions, ne seront pas apaisées tant qu’elles ignoreront ce qui s’est passé. Je le répète : pour l’heure les réponses du gouvernement syrien ne sont pas satisfaisantes.

Vous semblez mettre en question la responsabilité des autorités syriennes dans ce qui s’est passé…

Pour l’instant, je pose des questions. Autre exemple : les tirs étaient précis. D’habitude, quand on tire au mortier, on procède à un quadrillage. Là, les témoins affirment qu’il ne s’agissait pas d’un tir à la va-vite, mais justement de quelque chose d’ajusté. Autre question : pourquoi notre équipe, qui ne voulait pas aller à Homs, s’y est-elle rendue ? Ce n’était pas sa mission, elle ne devait pas quitter Damas, son reportage était politique, pas sur le conflit actuel. Gilles Jacquier et Christophe Kenck avaient refusé de se rendre à Homs. Certes, les autres journalistes avaient accepté, mais à eux, on leur a dit : "Si vous refusez encore, vous repartez dans l’instant." Certes, actuellement la situation en Syrie est très dégradée, confuse, on ne sait pas qui fait quoi, mais avec l’aide des autorités françaises, nous ferons tout pour établir la vérité des faits.

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