Monique Olivier condamnée à la perpétuité : "La justice a été rendue", mais le procès laisse des "frustrations" chez les proches de victimes de Michel Fourniret

Article rédigé par Juliette Campion, Catherine Fournier
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 8 min
La famille d'Estelle Mouzin sur les bancs des parties civiles, au procès de Monique Olivier, le 14 décembre, devant la cour d'assises des Hauts-de-Seine. (ELISABETH DE POURQUERY / FRANCE TELEVISIONS)
L'ex-femme de Michel Fourniret a été jugée pendant trois semaines et reconnue coupable, mardi soir, de complicité dans les enlèvements suivis de meurtre de Marie-Angèle Domèce, Joanna Parrish et Estelle Mouzin.

Une page de l'histoire judiciaire se referme. Après trois semaines de débats devant la cour d'assises des Hauts-de-Seine, à Nanterre, le procès de Monique Olivier s'est achevé mardi 19 décembre. L'ex-épouse de Michel Fourniret a été condamnée à la réclusion criminelle à perpétuité, assortie d'une période de sûreté de 20 ans. Pour son troisième rendez-vous avec la justice, cette femme de 75 ans était poursuivie pour complicité d'enlèvement et de séquestration suivis de la mort sur Estelle Mouzin, 9 ans, et pour complicité d'enlèvement, de séquestration et de meurtre, précédé, suivi ou accompagné de viol sur Marie-Angèle Domèce, 19 ans, et Joanna Parrish, 20 ans.

"Enfin, la justice a été rendue", ont réagi les familles des victimes après le verdict, "satisfaites" que "la responsabilité de Monique Olivier" dans leur perte irréparable ait été "reconnue". La peine prononcée par la cour à l'encontre de l'accusée, déjà condamnée à la perpétuité en 2008 puis à vingt ans de prison en 2018, semblait pourtant presque secondaire dans les enjeux de ce procès. La septuagénaire ne sera libérable qu'en décembre 2035. Elle sera alors âgée de 87 ans. Les attentes des parties civiles portaient surtout sur les "réponses supplémentaires" qu'elle pouvait encore apporter. De ce point de vue, les proches d'Estelle Mouzin ont fait part de leurs "frustrations".

Même si elle est mise en examen dans l'affaire Lydie Logé, disparue dans l'Orne en 1993, c'était sans doute, vu son âge, l'une des dernières fois que Monique Olivier s'exprimait face à une cour d'assises. Or, celle qui a assisté "l'ogre des Ardennes" dans son itinéraire criminel est la seule à pouvoir livrer les secrets du violeur et tueur en série, mort en mai 2021. 

Une accusée qui maintient sa version

"Ce procès n'a pas été à la hauteur des espoirs", a regretté auprès de franceinfo Didier Seban, avocat des familles Mouzin et Parrish. Pendant ces trois semaines, les questions furent nombreuses pour tenter de savoir ce qu'il est advenu, précisément, des trois jeunes victimes. Une quinzaine d'années séparent les deux premières affaires, survenues dans les années 1990, de l'enlèvement d'Estelle Mouzin à Guermantes (Seine-et-Marne) en janvier 2003. L'un des premiers regrets est que ce procès se tienne si tard, au point que l'auteur principal ne soit pas dans le box. "Vingt ans [de sûreté], finalement, c'est le temps que nous avons attendu. Cette attente a fait que Michel Fourniret n'a pas été jugé pour ses crimes", a regretté la famille Mouzin à l'issue du procès. "La société n'a pas permis que les responsables soient jugés ensemble, le rappeler est un impératif", avait concédé l'avocat général, Hugues Julié, lundi. Si le parquet a admis les errements de la justice, il a pointé les aveux tardifs et les variations dans les déclarations de Monique Olivier pendant vingt ans.

Depuis la reprise en main des trois dossiers par la juge d'instruction Sabine Khéris, Monique Olivier a reconnu avoir contribué à mettre en confiance Marie-Angèle Domèce et Joanna Parrish par sa présence dans le véhicule de Michel Fourniret – elle était enceinte de sept mois lors de l'enlèvement de la première en 1988 – en sachant qu'elles allaient droit à la mort. Elle a aussi fini par admettre avoir gardé plusieurs heures la jeune Estelle Mouzin, dans la maison glaciale de Ville-sur-Lumes, dans les Ardennes, au lendemain de son rapt. L'accusée a maintenu cette version jusqu'au dernier jour du procès. "Je confirme ce que j'ai dit", a-t-elle déclaré lors de ses derniers mots devant la cour, demandant "pardon" aux familles des victimes. Mais elle n'en a guère dit plus. 

Le procès mené au pas de course

Celles et ceux qui connaissent Monique Olivier savent qu'il est difficile de la faire parler. Seule dans le box, elle a pourtant été forcée de se montrer plus prolixe que lors de ses précédents procès. Mais la plupart du temps, elle s'est montrée fuyante. "Je ne sais pas", "je ne me souviens plus", a répété celle qui se place en victime de Michel Fourniret, assurant que le tueur en série l'a "utilisée". "C'était une pression terrible pour elle", observe l'avocate Corinne Herrmann, qui représente la famille Domèce et côtoie Monique Olivier depuis de nombreuses années. "Réfléchir et indiquer des choses lors d'une audience, c'est plus compliqué pour elle." L'avocate déplore que la durée du procès ait été raccourcie. De quoi engendrer de longues et épuisantes journées d'audience. "Les gens ont attendu vingt ou trente ans un procès et on le leur fait en trois semaines", regrette la spécialiste des cold case, rappelant que le dossier fait "150 tomes".

"On avait quatre semaines au départ, il fallait des audiences moins chargées, prendre un peu de temps et faire réagir Monique Olivier au fil de l'eau."

Corinne Herrmann, avocate de la famille Domèce

à franceinfo

La manière dont Monique Olivier a été interrogée a aussi déçu les parties civiles. Le président, Didier Safar, a refusé de la faire réagir à des moments qui semblaient pourtant cruciaux. Lors des premiers jours de l'audience, quand les rares photos de Marie-Angèle Domèce ont été projetées, les jurés n'ont donc pas su ce que Monique Olivier ressentait. Il a fallu attendre le premier interrogatoire pour que son visage de cire marque un léger trouble, face aux clichés du visage tuméfié de Joanna Parrish. Un long moment, l'accusée, voûtée dans son éternel pull blanc, est restée silencieuse, avant de repousser les photos d'une main tremblante, déclarant : "A cause de moi elle est partie, c'est impardonnable."

Des interrogatoires insatisfaisants

Monique Olivier n'a été réinterrogée qu'une semaine plus tard, sur l'affaire Estelle Mouzin. Pendant de longues heures, elle s'est retrouvée sous le feu roulant des questions d'un président offensif, préférant la mettre face à ses contradictions pendant la procédure que de l'interroger sur ce qu'elle avait à dire désormais.

"Il faut interroger Monique Olivier du point où elle en est et pas lui faire redescendre des marches."

Didier Seban, avocat des familles Mouzin et Parrish

à franceinfo

Pendant l'audience, l'avocat de la famille Mouzin a fait projeter une photo de la petite fille aux grands yeux verts. Et a supplié l'accusée : "Aidez-nous à retrouver Estelle." Malgré une émotion fugace, Monique Olivier a servi le même refrain que depuis le début du procès : "Je ne sais pas où est le corps. Si je savais où il était, je vous le dirai. Je vais mourir en prison, pourquoi je ne le dirais pas ?"

Les familles Domèce et Mouzin espéraient enfin savoir où sont enterrées les dépouilles des deux victimes. Seul le corps nu et supplicié de la britannique Joanna Parrish a été retrouvé le 17 mai 1990, flottant dans l'Yonne. "Ce n'est pas parce qu'on a n'a pas retrouvé les corps qu'elle a menti, c'est impossible de dire ça", a plaidé son avocat, Richard Delgenes. Fait rare, lui aussi a pourtant repris la main le jour de l'interrogatoire sur Estelle Mouzin pour tenter d'obtenir ce qu'il pouvait de sa cliente. "J'étais révoltée et fâchée quand j'ai vu cette petite fille, a fini par lâcher Monique Olivier. Je lui ai parlé un tout petit peu, elle m'a dit qu'elle voulait voir sa maman, je lui ai dit qu'elle allait bientôt la voir." Pour l'avocat de la défense, il était "illusoire" d'en attendre plus.

"Un procès d'assises ne réunit jamais les conditions nécessaires pour faire parler un accusé."

Richard Delgenes, avocat de Monique Olivier

à franceinfo

Le procès aura malgré tout apporté quelques éléments, comme l'avait estimé Eric Mouzin au lendemain de l'interrogatoire. "Hier, nous avons entendu Monique Olivier qui a donné des détails sur les 9, 10 et 11 janvier, des détails qui reviennent vingt ans après, des détails que l'on peut avoir envie d'effacer de sa mémoire. Mais ce que l'on a entendu était très clair", a déclaré à la barre le père de la fillette, avec la retenue qui lui est coutumière. Pour son avocat, Didier Seban, "on est quand même arrivés à ça, au fait que Monique Olivier réponde de ses actes, c'est très important."

Une culpabilité qui ne fait aucun doute  

Un avis partagé par sa consœur Corinne Hermann. "Pour la famille Domèce, qui vit depuis trente-cinq ans dans les suppositions, entendre Monique Olivier confirmer son implication et celle de Michel Fourniret, c'est essentiel", souligne l'avocate. C'est pour cette raison que la tenue même de ce procès était "inespérée" pour ses clients : "Cela leur permet de tourner une page."

"On peut saluer le fait qu'elle a maintenu ses aveux. Ses regrets ont été entendus. Les familles peuvent faire un bout de chemin."

Corinne Herrmann, avocate de la famille Domèce

à franceinfo

Si l'avocat de Monique Olivier a lui-même salué le travail acharné de Didier Seban et Corinne Hermann pour aboutir à ce procès, Richard Delgenes l'a rappelé : "Sans les aveux de Monique Olivier, on n'est pas là aujourd'hui, dans aucune de ces trois affaires." Le pénaliste a d'ores et déjà prévenu que sa cliente ne ferait pas appel de sa condamnation, "parce qu'elle est coupable" et pour ne pas "infliger un second procès aux parties civiles". Les familles de Marie-Angèle Domèce, Joanna Parrish et Estelle Mouzin repartent donc avec une réponse judiciaire et beaucoup de questions. Dont celle-ci : qu'est-ce qui a poussé Monique Olivier à agir de la sorte aux côtés de Michel Fourniret ? "Je n'ai pas vu la moindre émotion sur son visage" au moment du verdict, "c'est quelque chose d'incompréhensible", a souligné Eric Mouzin. Les analyses des experts psychologues et psychiatres n'ont pas permis de cerner cette personnalité si complexe. L'avocat général avait prévenu lors de son réquisitoire : "Vous emporterez avec vous cette part d'ombre."

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.