Le maire de Tours mis en examen dans l'affaire des "mariages chinois"
Jean-Germain est soupçonné d'avoir couvert l'escroquerie organisée par une ancienne membre de son cabinet. Celle-ci chapeautait les mariages symboliques facturés à des visiteurs chinois.
Le sénateur-maire socialiste de Tours (Indre-et-Loire), Jean Germain, a été mis en examen dans l'affaire dite des "mariages chinois", jeudi 31 octobre. Il s'agit d'une étape importante dans ce dossier mêlant amour, mensonges et manipulation. Francetv info détaille les grandes étapes de cette affaire hors normes.
Acte 1 : le succès des "Noces romantiques"
Le personnage central de cette affaire s'appelle Lise Han. En 2006, cette Taïwanaise avait été engagée par la mairie pour réaliser un projet auquel tient le maire, Jean Germain : faire venir des couples de visiteurs chinois à Tours, pour que l'édile les "marie" symboliquement à la française. De 2007 à 2011, le concept connait un succès retentissant puisque 200 couples se sont à nouveau dit "oui" dans la salle des mariages de la mairie de Tours, comme le décrit Le Monde. Contre 3 000 euros, ils ont pu s'unir devant le maire, faire une séance photos sur les bords de la Loire et terminer la journée par un banquet.
Lise Han, qui parle plusieurs langues et possède de solides réseaux en Chine, attire les couples par dizaine, et organise leur venue à Tours. Sur place, l'entreprise Lotus Bleu est chargée d'organiser les festivités.
Acte 2 : la double casquette de Lise Han révélée
En août 2011, les "Noces romantiques en Touraine" touchent à leur fin. Car un article du Canard enchaîné, basé sur des lettres anonymes, révèle que derrière le Lotus Bleu, on retrouve Lise Han. On comprend alors que la Taïwanaise, qui était membre du cabinet du maire en tant que "conseillère chargée des relations franco-chinoises", choisissait elle-même les conditions du marché public passée avec sa propre entreprise. Au total, 800 000 euros d'argent public ont été versés à Lotus Bleu en quatre ans, comme l'avance Libération.
Les accusations provoquent l'embarras du maire qui écarte la conseillère, recasée de force à l'office de tourisme. Les mariages chinois prennent fin.
Acte 3 : le maire charge son ancienne conseillère
Finalement, la justice se penche sur ces mariages et sur le manège financier qu'ils semblent cacher. Lise Han est interrogée et mise en examen pour "escroquerie". Les enquêteurs découvrent que la femme a nommé deux hommes à la tête du Lotus Bleu, son mari actuel puis son ex-époux. Pour sa défense, la Taïwanaise plaide la bonne foi, indiquant ne pas être "une fonctionnaire", ne connaissant pas les règles des marchés publics. Elle prétend surtout que le maire Jean Germain savait, depuis 2008, qu'elle était la vraie dirigeante de l'entreprise. En clair, le maire savait et n'a rien dit, selon elle.
Une version démentie par Jean Germain, qui a frontalement attaqué son ancienne conseillère. "Elle m'a fait un enfant dans le dos" avance l'édile, dans un reportage de TF1 relayé par France Bleu. Il balaie également du revers de la main les rumeurs de "promotion canapé" dont aurait bénéficié Lise Han : "Je ne suis pas Alain Delon" se défend Jean Germain.
Protégé par son immunité de sénateur, il a reçu un coup de pouce venu du Palais du Luxembourg. Le bureau du Sénat a refusé le 29 mai de lever cette immunité parlementaire, malgré les demandes de la justice, comme l'explique France 3. A ce moment-là, le refus provoque la fureur de Me Moysan, l'avocat de Lise Han. Mais ce dernier rappelle que "ça n'empêchera pas le juge de le mettre en examen et la confrontation que je réclame [avec Lise Han] d'être ordonnée."
Acte 4 : Jean Germain est mis en examen
Le vœu de l'avocat de Lise Han est finalement exaucé. "M. Jean Germain, sénateur-maire de Tours, a été entendu mercredi 30 octobre par les trois juges d'instruction chargés de l'affaire dite des "mariages chinois" comme il le demandait depuis plusieurs mois", a annoncé Me Dominique Tricaud, l'avocat de Jean Germain, dans un communiqué relayé par la municipalité. "Les juges ont estimé qu'à ce stade de l'information, il pouvait exister des charges leur permettant de soupçonner Jean Germain d'avoir été informé des faits de prise illégale d'intérêt commis par Madame Lise Han et l'ont, en conséquence, mis en examen pour complicité passive."
L'avocat tient également à préciser qu'"aucun enrichissement d'aucune sorte n'a été relevé à l'encontre de Jean Germain". Ce n'est pas la fortune du sénateur-maire qui risque de l'inquièter durant les prochaines semaines. A six mois des municipales, cette affaire pourrait en effet modifier la donne à Tours, où les opposants tirent à boulet rouge sur le maire marieur de chinois.
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