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Fessées, morsures, brûlures : le menu des bizuts dans l'armée

FTVi a compilé des témoignages publiés après la mise en examen et la suspension de douze membres de la Brigade des sapeurs-pompiers de Paris, accusés de viol et de violences sur deux jeunes engagés.

Article rédigé par Violaine Jaussent
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
Deux jeunes engagés au sein de la Brigade des sapeurs-pompiers de Paris ont porté plainte début mai pour viol et violences. (ALAIN LE BOT / PHOTONONSTOP / AFP)

Une séance de bizutage qui aurait mal tourné. C'est dans ce contexte qu'aurait été commis, le 6 mai, le viol d'un jeune engagé au sein de la Brigade des sapeurs-pompiers de Paris (BSPP), ainsi que des violences physiques sur une autre recrue. L'affaire, qui a conduit à la dissolution de l'équipe de gymnastique de l'unité lundi 14 mai, a soulevé un coin du voile sur le bizutage chez les pompiers et dans l'armée. FTVi a rassemblé les témoignages publiés sur ces pratiques, pour tenter "de briser la loi du silence", comme l'a demandé l'avocat du plaignant.

• "Morsures sur les fesses et badigeonnage à la pommade"

"Les jeunes recrues sont enduites de divers produits et bousculées par les anciens. Cela peut durer une semaine", confie à 20 Minutes Jacques Bessy, le président de l'Adefdromil, l’Association de défense des droits des militaires. "On reçoit des plaintes de temps en temps à l'association. Mais le terme 'bizutage' est flou. On a quelques cérémonies, quelques traditions… Certains ne se plaignent pas, de peur de compromettre le reste de leur carrière. Je pense donc que les dossiers ouverts chez nous ne sont que la partie émergée de l’iceberg", ajoute-t-il. 

"Bien qu'officiellement interdit par le règlement militaire, le bizutage semble être toléré par l'encadrement. Il se pratique, en règle générale, avec une fessée, des morsures sur les fesses et le badigeonnage à la pommade ou à la crème", relate sur son blog Jean-Dominique Merchet, spécialiste des questions de défense pour Marianne2.fr. Selon plusieurs témoignages, dans certains cas, les bizuts doivent aussi avaler des produits périmés en grande quantité pour intégrer des confréries dans les écoles de Saint-Cyr ou au sein de la marine.

Ces pratiques semblent perdurer. En juillet 2010, un sapeur-pompier volontaire de 27 ans a porté plainte après une séance de bizutage chez les pompiers de Callas, dans le Var. Réveillé en pleine nuit, déshabillé, il aurait été enduit de cirage et de produit désinfectant, puis enflammé avec un briquet par cinq pompiers.

• Le bizutage, une tradition ?

Le pompier de la BSPP qui se dit victime d'un viol a lui-même déclaré qu'il s'était préparé à être bizuté, selon 20 Minutes, qui a consulté sa plainte. "Mes camarades, tous grades confondus, m’avaient dit que j’allais y passer", a assuré le jeune homme de 23 ans aux enquêteurs, d'après le quotidien. Selon Le Monde (article réservé aux abonnés), il savait que le bizutage impliquait de passer par "le Bronx", désigné comme l’arrière de l’autocar dans lequel l'équipe de gym de la BSPP fait ses déplacements. Les plus anciens de l’équipe y font la loi, et le bizutage passe par eux, à qui on ne peut rien refuser, explique le quotidien.

"Je sais que ces bizutages, ces agissements et ces barbaries existent depuis des années, mais [ils] sont passés sous silence, y compris jusqu'au plus haut niveau de la hiérarchie", a déclaré au micro de France 2 Me Nicolas Cellupica, l'avocat des deux plaignants dans l'affaire du viol et des violences présumés au sein de la BSPP.

 

"C'est un rite traditionnel", témoigne pour sa part Marc, également interrogé par 20 Minutes. Il raconte le bizutage subi lors de sa première mission en plongée pour la marine nationale, en 2011 : "J'étais le souffre-douleur des anciens pendant deux jours." "Mais (...) je ne me suis jamais senti humilié", tient-il à préciser. 

Mais ce terme de "tradition" est balayé par le lieutenant-colonel Pascal Le Testu, porte-parole de la BSPP. "En interne, les gens sont choqués que l’on parle de 'tradition' du bizutage dans la brigade alors que les faits reprochés sont dégradants, humiliants, punis par la loi, et complètement opposés à notre code d’honneur", explique-t-il à La Croix. "Le bizutage est contraire à nos valeurs, il est strictement interdit par le commandement et tout manquement est lourdement sanctionné", a-t-il aussi rappelé dimanche.

• Des cas d'agressions sexuelles

Pour sa part, Jean-Pierre Delarue, président de SOS bizutage, souligne que depuis la loi Royal de 1998, qui punit le bizutage, celui-ci a fortement diminué. Mais la loi ne concerne que le milieu scolaire. Et il reste trop de cas violents, avec des agressions sexuelles, souligne Jean-Pierre Delarue dans Le Républicain lorrain. Dans le même article, Patrice Beunard, le président du syndicat national des sapeurs-pompiers professionnels, estime qu’il ne faut pas mélanger "le bizutage violent, humiliant, vexant qui est intolérable" avec les petits jeux potaches qui permettent de tester les individus. Mais la limite entre les deux est souvent difficile à établir.

"On se dit que c’est un bizutage. Mais en fait non. C’est une agression sexuelle", raconte "Jean" sur 20 Minutes.fr. Cet homme a décidé de créer une association pour faire cesser le bizutage. "Alors qu’il était de garde un soir, au centre de secours de Château d’Eau dans le 10e arrondissement de Paris, cet homme aurait vu cinq de ses camarades s’approcher de lui (...). Il aurait été plaqué sur un lit puis violenté. Ses parties génitales auraient été passées au cirage. (...) Ses agresseurs auraient tenté d’introduire quelque chose dans son anus, il se serait alors débattu pour l’empêcher", rapporte 20 Minutes.fr.

Pour Marie-France Henry, la présidente du Comité national contre le bizutage, interrogée par Le Parisien"tous les milieux sont concernés". Le comité a reçu 25 témoignages de victimes en 2011. "La majorité de ces affaires touche le milieu éducatif, puis les militaires, commente Marie-France HenryAu nom des traditions, on cautionne des agissements intolérables." Le bizutage recule quand l'encadrement est vigilant, conclut-elle dans Le Républicain lorrain.

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