Besançon : ce qu'il faut savoir de l'affaire Narumi Kurosaki
Aujourd'hui âgé de 31 ans, le Chilien Nicolas Zepeda est accusé d'avoir assassiné l'étudiante japonaise Narumi Kurosaki en 2016 à Besançon.
Des dizaines de médias attendus, des audiences traduites intégralement et en simultané en espagnol et en japonais… La cour d'assises du Doubs juge à partir de mardi 29 mars le Chilien Nicolas Zepeda, accusé d'avoir assassiné son ex-petite amie japonaise, Narumi Kurosaki, disparue sans laisser de traces, le 5 décembre 2016 à Besançon.
Franceinfo résume ce qu'il faut savoir de ce procès observé depuis trois continents.
Un corps jamais retrouvé
Etudiante boursière brillante, arrivée à Besançon à l'été 2016 pour apprendre le français dans le cadre d'un partenariat entre les universités de Franche-Comté et de Tsukuba, Narumi Kurosaki a disparu le 4 décembre 2016. Elle était alors âgée de 21 ans.
Rencontré au Japon à l'automne 2014, son ex-petit ami Nicolas Zepeda est le dernier à l'avoir vue vivante. Selon l'accusation, le jeune Chilien ne supportait pas sa rupture avec l'étudiante, survenue quelques mois plus tôt. Il serait venu la retrouver à Besançon et l'aurait tuée dans sa chambre universitaire, avant de se débarrasser du cadavre dans les vastes forêts du Jura, où serpente le Doubs.
Nicolas Zepeda a reconnu avoir passé cette dernière nuit de décembre avec Narumi Kurosaki, qu'il aurait retrouvée, selon lui, par hasard lors d'un passage en France. Mais cette nuit-là, plusieurs résidents de la cité U racontent avoir entendu des "hurlements de terreur" et un bruit sourd "comme si on frappait". Personne n'a toutefois appelé la police.
Ce n'est que le 13 décembre qu'un responsable de l'université de Franche-Comté déclare la disparition de l'étudiante. Nicolas Zepeda est alors reparti au Chili, après avoir passé plusieurs jours en Espagne chez un cousin.
Quand l'enquête débute, aucune trace de sang ni de lutte n'est constatée dans la chambre de l'étudiante. Ses effets personnels sont tous présents, à l'exception d'une valise et d'une couverture. En dépit des nombreuses investigations, le corps de Narumi Kurosaki n'a jamais été retrouvé. "Comme dans tout dossier criminel où il n'y a pas de corps, c'est un dossier délicat", observe Randall Schwerdorffer, avocat du nouveau petit ami que l'étudiante fréquentait au moment de sa disparition, qui s'est porté partie civile.
Un accusé au profil mystérieux
Dans cette affaire, tous les soupçons portent sur Nicolas Zepeda. "Les parents [de Narumi Kurosaki] savent, au bout de cinq ans, que leur fille n'a pu ni disparaître ni se donner la mort. (...) Ils n'ont aucun doute que monsieur Zepeda l'a tuée", affirme Sylvie Galley, avocate de la famille de l'étudiante, dont la mère et la plus jeune sœur feront le voyage depuis Tokyo.
Agé de 31 ans désormais, Nicolas Zepeda est en détention provisoire à Besançon depuis juillet 2020, après son extradition par le Chili, obtenue de haute lutte par les magistrats français. Défendu notamment par Jacqueline Laffont, connue pour avoir été l'avocate de Patrick Poivre d'Arvor ou de Nicolas Sarkozy, il nie catégoriquement toute responsabilité dans la disparition de l'étudiante. Il a été emprisonné à l'isolement en raison de la médiatisation de cette affaire, et encourt la réclusion criminelle à perpétuité.
Depuis le début, ce jeune homme issu d'une famille aisée (son père est l'un des dirigeants de l'opérateur téléphonique Movistar) affirme avoir passé la nuit du 4 au 5 décembre et la journée suivante avec son ex-petite amie. Il l'aurait quittée vivante le 6 décembre vers 4h30 du matin et aurait poursuivi ensuite son périple européen comme prévu.
"Il n'y a pas de preuve de décès, ni de lieu, ni de modalités précises, pas de scénario clair de ce qui est arrivé. (...) Ce dossier est un peu un château de cartes."
Les avocats de Nicolas Zepedaen amont du procès
"Nous n'avons strictement aucun doute concernant l'implication de Zepeda parce que de nombreux éléments au dossier établissent cette implication", réplique Randall Schwerdorffer, qui défend le dernier petit ami connu de Narumi Kurosaki. Parmi ces éléments figurent des données de téléphonie, la géolocalisation de la voiture louée par Nicolas Zepeda lors de son séjour en France, des achats par carte bancaire, dont celui d'un bidon de produit inflammable et d'allumettes.
Nicolas Zepeda devra également s'expliquer sur ses échanges avec son cousin d'Espagne, chez qui il a transité quelques jours après la disparition de l'étudiante, avant de regagner le Chili. Dans des SMS, l'accusé aurait demandé à son cousin de taire sa venue en Europe, prétextant des problèmes familiaux, notamment avec son père. Il aurait aussi mentionné Narumi Kurosaki en parlant d'elle à l'imparfait, rapporte France 3 Bourgogne Franche-Comté.
Un procès hors norme
Outre la salle d'audience, deux salles de retransmission ont été ouvertes par la cour d'assises du Doubs. C'est que le procès, pour lequel une quarantaine de médias ont demandé à être accrédités, sera particulièrement suivi en France, mais aussi au Japon et au Chili. Pour que l'accusé et les parties civiles puissent suivre les échanges, les débats seront traduits en direct en japonais et espagnol.
Après la journée de mardi, qui visera principalement à cerner la personnalité de l'accusé, les témoins seront entendus à compter de mercredi avant que Nicolas Zepeda ne soit interrogé pour la première fois le lendemain sur les faits proprement dits, du moins si la cour s'en tient au planning prévu.
La famille de Narumi Kurosaki espère que ce moment de vérité permettra à l'accusé de passer aux aveux. "Ils voudraient revenir avec le corps de leur fille" pour lui offrir des funérailles et pouvoir enfin faire leur deuil, souligne leur avocate.
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