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"Autoritaire" et "un peu bizarre" : le parcours politique de Rémy Daillet-Wiedemann, soupçonné d'avoir participé à l'enlèvement de Mia

Fils d'un ex-député centriste, Rémy Daillet-Wiedmann, recherché par la justice dans l'affaire Mia, s'est transformé peu à peu en un gourou adepte des théories complotistes d'extrême droite.

Article rédigé par Mathilde Lemaire
Radio France
Publié
Temps de lecture : 4 min
Dans une vidéo postée sur internet, Rémy Daillet-Wiedmann appelle à renverser le gouvernement français avec une armée. (CAPTURE D'ÉCRAN YOUTUBE)

Rémy Daillet-Wiedmann est soupçonné par le procureur de la République de Nancy d'être "l'animateur" de la "mouvance" des ravisseurs de la petite Mia. Figure de la mouvance complotiste, l'homme de 55 ans, désormais visé par un mandat d'arrêt international, il a suivi un parcours politique original.

>> Enlèvement de Mia : qui est Rémy Daillet-Wiedemann, soupçonné d'être lié aux ravisseurs de la fillette ?

Rémy Daillet-Wiedmann est le fils d'un ex-député centriste de la Manche. Un pedigree qui va l'aider en 2008, à la création du MoDem, où il faut élire des présidents de fédérations. Apparu comme cultivé, intelligent, plein d'assurance, Rémy Daillet-Wiedmann prend la tête de la fédération de Haute-Garonne à Toulouse. Mais très vite, le personnage se fait remarquer. Il évoque son engagement passé auprès des Croates dans la guerre d'ex-Yougoslavie. Plus tard, pour soutenir des syndicalistes de l'usine Molex, près de Toulouse, il se lance dans une grève du froid. Le jeune homme politique va donc rester en chemise dans sa voiture en plein hiver. Les ouvriers eux-mêmes seront peu convaincus de la démarche.

"Il a été très rapidement en butte avec les décisions du mouvement."

Marc Fesneau

à franceinfo

Au fil des mois, son comportement dérape et les remontées à Paris se font de plus en plus fréquentes. "C'était quelqu'un qui voulait être un leader", se souvient Marc Fesneau, cadre du ModDem et aujourd'hui ministre chargé des Relations avec le Parlement français. "Il y avait une espèce d'autoritarisme, mêlé d'une forme d'emprise qu'il avait sur un certain nombre de gens. Il paraissait un peu bizarre et puis selon les remontées qu'on avait des militants de Haute-Garonne, il avait un problème de comportement. Cela s'est découvert au fur et à mesure, jusqu'au moment où il a enregistré un conseil national. Un enregistrement dont il se servait contre les uns et les autres, en 2010." À cause de cet écart contraire à la charte éthique, Rémy Daillet-Wiedmann se fait donc suspendre, puis exclure du MoDem.

Un fils de député centriste devenu gourou des mouvances complotistes

Il repasse alors dans l'anonymat, en accumulant les petits boulots sur internet : commercial, conteur pour enfants, coach pour les Français cherchant à s'installer à l'étranger. Avant de lancer son site, très bien référencé : l'école à la maison, qui invite à retirer les enfants de l'école pour choisir l'instruction en famille.

Puis en 2015, il lance un blog où il développe son programme pour la France. Retour espéré à la lumière, mais du côté de l'extrême droite, avec des thèses négationnistes. Il lance aussi une chaîne sur le réseau social Telegram, baptisée "La nouvelle France". Sur ces deux supports, il dit recruter une armée qui "se lèvera bientôt pour renverser le gouvernement de la France". Pour faire partie de cette armée, il faut remplir un formulaire d'enrôlement.

Dans des vidéos tournées cet hiver depuis la Malaisie où il s'est installé avec sa famille, il annonce son "putsch", en s'adressant directement à Emmanuel Macron. Parmi les mesures qu'il défend : le rétablissement d'un monarque, l'abolition du Pacs et du mariage gay, la remise en cause du droit à l'avortement. Rémy Daillet-Wiedmann défend aussi l'idée qu'il faut reprendre les enfants "enlevés par les services de l'État" (les enfants placés, NDLR), pour les rendre à leurs parents.

Vaccins, 5G, francs-maçons

"Il coche un peu toutes les cases conspirationnistes radicales sur internet, souligne Paul Conge, spécialiste du complotisme et auteur du livre Les Grand-remplacés. Des théories qui vont être extrêmement virulentes sur les vaccins, sur la 5G, sur ce qu'il appelle les franc-maçonneries... Mais aussi sur la question du 'complot pédo-satanique', qui est en fait une vieille théorie de l'extrême droite française, mais qui a été un peu requinquée par l'avènement de QAnon aux États-Unis."

Selon Paul Conge, Rémy Daillet-Wiedmann s'applique à surfer "sur toutes les grosses théories complotistes du moment". Une méthode efficace "parce qu'il a les bons mots clés, parce qu'il a une manière assez sulfureuse de parler". Résultat, une poignée de fidèles suivent ce fils de député centriste devenu gourou des mouvances complotistes, dont 300 abonnés sur Telegram. C'est peu, comparé à d'autres complotistes sur internet. Notamment parce que le quinquagénaire souffre d'une image d'extrême droite un peu vieillotte et ses prises de paroles sont parfois moquées comme celle d'un hurluberlu.

Seule différence avec d'autres complotistes qui font des milliers de vues sur internet, le Français s'est "distingué" au-delà des vidéos ou de ses écrits. Il est aujourd'hui suspecté d'avoir piloté un complot réel. Il n'est plus seulement surveillé par les services de renseignement. Il est recherché et accusé d'une entreprise criminelle.

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