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Assassinat du petit Valentin : le verdict attendu dans la soirée

Le verdict est attendu ce vendredi soir, à la cour d'assises du Rhône, au procès de ce couple de routards mystiques jugés pour l'assassinat du petit Valentin en 2008, dans l'Ain. Dans le box des accusés, Stéphane Moitoiret et Noëlla Hégo, sont au cœur d'un nouveau procès, celui de la responsabilité pénale. Peut-on juger deux fous ? Sont-ils vraiment fous ? Ces questions, cruciales, ont été au centre de tous les débats depuis deux semaines.
Article rédigé par Sophie Parmentier
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
  (Maxppp)

C'est un "procès historique ", a
déclaré à la barre le docteur Zagury. Daniel Zagury est l'un des dix experts-psychiatres à avoir examiné Stéphane Moitoiret et Noëlla Hégo. Il est l'un des
plus brillants et des plus respectés dans son domaine - il a expertisé Guy
Georges ou Michel Fourniret -, et il n'a jamais vu dans sa longue carrière, un
tel procès avec dans le box des accusés, deux fous, que l'on est train de
rejuger, deux fous qui ont été condamnés lors de leur premier procès. Réclusion
criminelle à perpétuité pour Stéphane Moitoiret, confondu par son ADN, et 18 ans de
prison pour Noëlla Hégo qui aurait provoqué le crime en pensée.

"Ils sont
fous, tous les deux,
insiste le docteur Zagury. Et le problème, c'est que les
fous dont le discernement était aboli au moment de leur crime, ces fous ne
doivent pas être jugés, c'est l'un des articles fondateurs de notre code pénal,
c'est l'article 122-1. Alors, si on les condamne à nouveau, on pourra déchirer
cette page du code pénal
".

Fous, vraiment ?

Mais avaient-ils perdu toute raison,
au moment du crime ? Le soir du 28 juillet 2008, à Lagnieu, dans l'Ain, leur
discernement était-il aboli ou altéré ? C'est la seule question déterminante. Car en fait, pour les juges, peu importe que Stéphane Moitoiret délire
aujourd'hui, comme il a déliré devant cette cour d'assises, intarissable sur ses  "boîtes à vœux" qui lui servaient à débloquer des accords internationaux avec sa
majesté Noëlla Hégo. Pendant 20 ans, Moitoiret a été le secrétaire de sa majesté
Noëlla, et il était en même temps roi d'Australie.

Mais ce qui compte aux yeux
de la justice, c'est le discernement le soir du crime. Et sur ce discernement,
les dix experts-psychiatres restent divisés, quasiment à égalité. Quatre d'entre eux estiment que Moitoiret est schizophrène et que son discernement était
totalement aboli quand il a sauvagement poignardé Valentin. Quatre autres
psychiatres disent que son discernement était largement altéré, et que son
procès reste justifié. Les deux derniers psychiatres
de renom enfin, les docteurs Coutanceau et Prosper, qui penchaient jusque-là pour
l'altération, avouent aujourd'hui à la barre, qu'ils ne peuvent plus
trancher. Dans les premiers jours du procès, mercredi dernier, la maman de Valentin avait interpellé, très dignement, Stéphane Moitoiret.

En ce qui concerne Noëlla Hégo, une
paraphrène avec un délire très imaginatif, les psychiatres disent que son
discernement était altéré, mais qu'elle n'a pas pu préméditer le
crime.

Comme une ultime bravade, Stéphane Moitoiret s'est écrié, vendredi, juste avant que la cour ne se retire pour délibérer : "Je pense que je n'ai pas été bien défendu. Ce procès n'est pas juste. Si on ne défend pas son client, faut aller dans la partie adverse ".

La conviction de l'avocat général

"Les psychiatres ont tous un peut
tort et tous un peu raison
", balaye l'avocat général qui n'en démord pas ; ces
deux fous sont pour lui coupables. Jean-Paul Gandolière est le même avocat
général qu'au premier procès de Bourg-en-Bresse en décembre 2011, ce qui est un cas rarissime. Il
était même déjà le procureur de la République chargé de l'affaire Valentin, au
moment de l'arrestation de Stéphane Moitoiret et de Noëlla Hégo.

Cinq ans plus
tard, il reste convaincu que les deux accusés doivent être condamnés, exactement
comme en première instance : "Je me fais violence pour ne pas requérir la
réclusion criminelle contre Stéphane Moitoiret. Je vous demande
30 ans, 18 ans pour Noëlla Hégo
". Mais Jean-Paul Gandolière lance aussi aux
jurés du Rhône qu'il faut suivre les jurés de l'Ain, qui eux avaient condamné
Moitoiret à la perpétuité.

Pour le magistrat, c'est Noëlla Hégo
qui a "provoqué " ce crime atroce, elle qui "a allumé la mèche ", avec cet
obscur concept de "retour en arrière ", qui impliquerait "la mort de
quelqu'un
". Jean-Paul Gandolière soutient aussi que Moitoiret était conscient
ce soir-là, "parce qu'il a couru après avoir tué et il a lavé le
couteau
".

La défense veut "une étincelle de responsabilité "

Un point de vue que partage le
député frontiste Gilbert Collard qui a revêtu sa robe d'avocat pour défendre la
famille du petit garçon assassiné. Maître Collard a plaidé jeudi avec des
trémolos dans la voix : "La maman de Valentin, qui a été c'est vrai
d'une exceptionnelle dignité, sans haine face au tueur de son fils, la mère de
Valentin veut que l'être qui a porté les 44 coups de couteau, soit
un être humain avec son étincelle de responsabilité
".

Ce vendredi matin, dans le prétoire, la
parole était à Hubert Delarue et Franck Berton, les deux grands avocats, venus défendre
ensemble Stéphane Moitoiret. Lequel n'a rien à faire dans ce box, pour Maître
Berton.

Jeudi soir, tard, c'est Roksana
Naserzadeh, l'avocate de Noëlla Hégo qui a plaidé l'acquittement de sa cliente : "Il n'y a pas d'autre solution. Noëlla Hégo est en prison depuis cinq ans,
traitée comme une assassin d'enfant, et elle n'en est pas une. Les psychiatres
disent qu'elle n'a rien prémédité. La complicité d'assassinat ne tient donc
pas
".

Dans le box, depuis deux semaines,
Noëlla Hégo a toujours son même air de statue de cire, ses longs cheveux qui
pendent et ses yeux mi-clos. Stéphane Moitoiret lui, se gratte la joue ou
l'oreille, les bras croisés sur son ventre qui déborde de sa veste polaire
grise, et il écoute, l'air toujours à moitié là.

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