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VRAIOUFAKE. Avortement : la majorité présidentielle a-t-elle retoqué par le passé deux textes proposant d'inscrire l'IVG dans la Constitution ?

Après la décision de la Cour suprême des Etats-Unis, LREM a annoncé samedi matin qu'elle souhaitait inscrire ce droit dans le marbre. Mais la gauche a déjà porté à deux reprises cette idée. En 2018, où un amendement n'a pas été voté, et en 2019, où une proposition de loi constitutionnelle n'a pas été inscrite à l'ordre du jour.

Article rédigé par Raphaël Godet - avec Margaux Duguet
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
Les bancs de l'Assemblée nationale, à Paris, le 10 novembre 2021. (ADRIEN FILLON / HANS LUCAS / AFP)

Comme un air de déjà vu. Le groupe Renaissance (ex-LREM) à l'Assemblée nationale avait à peine mis le point final à sa proposition de loi pour inscrire le droit à l'avortement dans le marbre de la Constitution française, samedi 25 juin, que les élus de l'opposition lui sont tombés dessus. La gauche reproche à la majorité d'avoir repris à son compte une proposition déjà formulée à deux reprises lors de la précédente législature (et que la majorité avait elle-même retoquée). 

Le député La France insoumise (LFI) Bastien Lachaud n'a pas manqué de souligner samedi que son mouvement n'avait pas attendu que la Cour suprême des Etats-Unis révoque ce droit constitutionnel pour proposer de protéger l'interruption volontaire de grossesse (IVG) en France. "LREM avait refusé l'inscription du droit à l'IVG dans la Constitution en 2018 lorsque La France insoumise l'avait proposé", écrit l'élu de Seine-Saint-Denis sur Twitter

Deux tentatives entre 2018 et 2019

Rembobinons. En juillet 2018, un amendement (le n°1115) porté par LFI propose d'insérer dans la Constitution le droit à l'avortement. Mais il est rejeté le 11 juillet à l'Assemblée nationale. Au total, 130 députés prennent part au vote, 88 votent contre, 34 votent pour, et 8 s'abstiennent. Parmi les élus qui votent contre, on trouve notamment le nom de Yaël Braun-Pivet, aujourd'hui candidate de la majorité pour le perchoir. "Cette protection passe par un combat de tous les instants dans nos politiques publiques et dans notre législation, ainsi que par une veille attentive au respect de ces droits, et non par leur inscription dans la Constitution, qui n’est ni nécessaire ni utile"réagissait alors l'actuelle ministre des Outre-mer.

"Il n'est nul besoin de brandir des peurs."

Yaël Braun-Pivet, actuelle ministre des Outre-mer

à l'Assemblée nationale

La garde des Sceaux de l'époque, Nicole Belloubet, qui a aussi pris la parole dans l'hémicyle, ne disait pas autre chose : "Nous avons un droit suffisamment garanti, reconnu par le Conseil constitutionnel comme une composante de la liberté de la femme".

Un an plus tard, en juillet 2019, nouvelle tentative. Une proposition de loi constitutionnelle, portée par des députés de gauche, est déposée pour, là encore, inscrire l'IVG dans la Constitution. "Je vois ce qu'il se passe partout dans le monde, en Europe, avec par exemple la Hongrie de Victor Orban, qui depuis 2013 a remis en cause ce droit fondamental dans la Constitution. Et ce que nous disons, avec mes collègues, c'est qu'en France, malgré toutes ces avancées depuis la loi Veil, il existe malheureusement, non pas un délit d'entrave comme on peut l'entendre par la loi, mais une forme d'entrave aujourd'hui pour toutes ces femmes qui recourent à l'IVG", souligne alors Luc Carvounas, à l'époque député socialiste et membre de la délégation de l'Assemblée nationale aux droits des femmes.

Mais là encore, ça ne passe pas. En cause : la majorité présidentielle n'a pas voulu inscrire l'initiative à l'ordre du jour, comme l'explique Luc Carvounas à franceinfo"Je me souviens très bien. Nous avions fait coïncider cette initiative avec le premier anniversaire de la panthéonisation de Simone Veil", détaille à franceinfo l'actuel maire d'Alfortville (Val-de-Marne) qui poursuit, un brin taquin : "Je vois qu'on reprend notre idée... Si les députés de la majorité le souhaitent, le texte est prêt, il est dans les cartons. Je ne veux pas rentrer dans une polémique : si notre travail peut servir maintenant, c'est très bien".

"C'est un revirement qui nous amuse"

Pourquoi la majorité a-t-elle retoqué en 2018 cette proposition pour finalement la (re)proposer quatre ans plus tard ? Sollicité, un député LREM de l'ouest de la France, qui avait voté contre à l'époque, tente une explication : "Il s'agissait en 2018 d'un amendement pour un projet de loi dont le titre était : 'Pour une démocratie plus représentative, responsable et efficace'. Outre le fait que l'amendement était, à mon sens, hors sujet par rapport à l'objectif de ce projet de loi, il nécessitait selon moi un débat spécifique dans l'hémicycle car le sujet [le droit à l'avortement] est bien trop important pour être débattu en quelques minutes."

Dans les rangs de LFI, ce changement d'avis fait sourire. L'élue de Seine-Saint-Denis Clémentine Autain, qui disait en 2018 "ne pas comprendre pourquoi il y a blocage du côté du gouvernement et de la majorité pour faire adopter un élément qui normalement devrait recueillir un large consensus", évoque "un revirement bienvenu" car "le droit à l'IVG est un droit fondamental". "Mieux vaut tard que jamais", acquiesce un autre parlementaire LFI auprès de franceinfo. "Mais ce qui m'embête davantage, c'est le côté récupérateur." 

Un rabibochage est toutefois encore possible entre les uns et les autres. La Nupes, la nouvelle alliance de gauche, propose désormais de déposer un texte commun à tous les groupes parlementaires qui le souhaitent pour inscrire l'IVG dans la Constitution. Comme un symbole, celui-ci pourrait être l'un des premiers textes transpartisans adoptés lors de la nouvelle législature, après plusieurs jours de crise politique depuis le second tour des législatives.

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