Infographies IVG dans la Constitution : trois chiffres pour comprendre la réalité de l'avortement en France

Les députés se penchent mercredi sur l’inscription dans la Constitution de "la liberté garantie" pour une femme d’avoir recours à une interruption volontaire de grossesse. L'objectif est d'en faire un droit "irréversible".
Article rédigé par franceinfo
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Des militantes pro-IVG à Toulouse, le 28 septembre 2023. (PATRICK BATARD / HANS LUCAS / AFP)

Après un premier feu vert des députés de la commission des lois, l'Assemblée nationale va examiner, à partir du mercredi 24 janvier, le projet de réforme constitutionnelle du gouvernement visant à graver dans la Constitution "la liberté garantie à la femme d'avoir recours" à l'interruption volontaire de grossesse (IVG). Il s'agit d'en faire un droit "irréversible", alors que plusieurs pays, comme les Etats-Unis, le remettent en question. 

Le chemin à parcourir reste long : pour que la Constitution soit modifiée, l'approbation des députés, lors d'un vote solennel le 30 janvier, ne suffira pas. Il faudra que le Sénat vote le texte dans les mêmes termes, avant un Congrès réunissant tous les parlementaires à Versailles. En attendant l'issue de ces différentes étapes, voici trois chiffres qui permettent de mieux comprendre la réalité de l'IVG en France.

Près de 234 300 avortements en 2022, un chiffre au plus haut depuis 30 ans

En 2022, 234 253 interruptions volontaires de grossesse (IVG) ont été enregistrées en France, soit le chiffre le plus élevé sur ces 30 dernières années, selon les données de la Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees) publiées en septembre 2023. C'est 17 000 de plus qu'en 2021, après deux années de baisse successive en raison de la crise sanitaire, et environ 7 000 de plus qu'en 2019.

Le système de comptage a du reste été modifié depuis 2022 : auparavant les "reprises d'IVG" étaient considérées des avortements supplémentaires, alors qu'elles concernaient la même grossesse. Mais "à partir de 2022, le décompte des IVG prend en compte uniquement le premier acte pour une grossesse", explique la Drees, qui a également pu appliquer cette nouvelle méthode sur les années 2020 et 2021.

La Drees précise que l'allongement du délai de recours à l'IVG, passé de 12 à 14 semaines en 2022, "ne suffit pas à expliquer cette augmentation", car les "IVG les plus tardives" représentent "moins d'un cinquième du surplus observé par rapport à l'année 2021". Effectivement, 55% des IVG en établissement de santé sont réalisées à moins de huit semaines sans règles et 76%, soit 110 000 avortements, à moins de dix semaines.

L'étude du ministère de la Santé montre aussi que le nombre d'avortements a augmenté "pour toutes les femmes majeures", notant "une hausse plus marquée chez les 20-29 ans". Ainsi, le taux de recours à l'IVG est de 26,9‰ parmi les 20-24 ans et de 28,6‰ parmi les 25-29 ans. Il est de 16,2‰ parmi les 18-19 ans et de 17,8‰ parmi les femmes de 35 à 39 ans. 

L'IVG possible jusqu'à la 14e semaine de grossesse depuis 2022

En France, depuis l'hiver 2022, l'avortement est autorisé jusqu'à la fin de la 14e semaine de grossesse, soit 16 semaines après le premier jour des dernières règles. Par rapport à ses voisins européens, le pays se trouve dans la moyenne haute, une majorité des membres de l'UE fixant ce délai à 12 semaines. Seuls les Pays-Bas et la Suède proposent des délais plus longs, de 24 et 18 semaines.

Toutefois, ce délai n'est pas toujours suffisant, estime le Planning familial. Sur son site, l'association explique accueillir, "tous les jours", des femmes "souhaitant interrompre leur grossesse" car elles ont "dépassé le délai français" et se retrouvent contraintes "d'aller à l'étranger pour avorter dans de bonnes conditions"

A Malte et en Pologne, l'avortement n'est permis qu'en cas de danger pour la vie de la mère ou du fœtus. Même dans les pays où le recours à l'IVG est légal, les difficultés persistent. Au Portugal, depuis 2015, le gouvernement a modifié la loi autorisant l'IVG en mettant à la charge des femmes tous les frais liés à l'arrêt de leur grossesse, rapporte le site spécialisé touteleurope.eu.

En outre, dans 23 des 27 pays membres de l'Union européenne (dont la France), les médecins peuvent invoquer une "clause de conscience", qui les autorise à ne pas pratiquer d'acte allant contre leurs convictions. En moyenne, le taux de praticiens ayant recours à cette clause est de 10%, mais il varie selon les pays. En Italie, en 2020, 64,6% des gynécologues y ont eu recours, selon le ministère de la Santé transalpin (PDF).

Côté français, cette clause de conscience est définie par l'article 47 du Code de déontologie médicale, selon lequel "hors le cas d'urgence et celui où il manquerait à ses devoirs d'humanité, un médecin a le droit de refuser ses soins pour des raisons professionnelles ou personnelles". Même si le praticien a le devoir d'en "avertir le patient" et de transmettre "les informations utiles" à son confrère qui poursuivra les soins, cette pratique crée des inégalités. Un rapport parlementaire sur l'IVG publié en 2020 estime ainsi qu'il "n'est plus concevable" que la pratique de l'avortement soit conditionnée aux "convictions du chef de service de tel ou tel hôpital".

Sept jours d'attente en moyenne, un délai dépassé dans six régions

En France, le délai d'accès moyen à l'IVG est d'environ sept jours, entre la première demande formulée par la femme désirant y avoir recours et la réalisation effective de l'acte, selon une étude de la Drees publiée en septembre 2019. Toutefois, d'une région à l'autre, l'attente s'échelonne de trois à onze jours et peut temporairement augmenter, notamment sur la période estivale, à cause des congés. Si le ministère de la Santé salue des délais "plus courts (proches de cinq jours en moyenne)" en Occitanie et dans les Pays de la Loire, il pointe des délais moyens allant de huit à onze jours dans six des 13 régions métropolitaines.

Par ailleurs, cette étude ne détaille pas les inégalités au sein de ces régions, composées à la fois de grandes villes et de régions rurales. Or ces dernières voient "le nombre de services d'orthogénie [qui pratiquent l'avortement] se réduire avec la fermeture progressive des petites maternités", engendrant ainsi "des inégalités territoriales qui sont difficilement acceptables", dénonce le rapport parlementaire publié en 2020. Le tout dans un contexte de désertification médicale, qui touche particulièrement les maternités : entre 1996 et 2019, leur nombre dans l'Hexagone et en Corse est passé de 814 à 461, selon la Drees.

Certaines femmes enceintes pratiquent une IVG dans un département différent de celui où elles résident. C'était ainsi le cas, en 2022, de 48,3% des habitantes de l'Ain qui ont avorté, relève la Drees. 

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