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Gérald Darmanin "ferme" sur l'accueil des migrants : "Grand parleur, petit faiseur", rétorque le directeur de l'ONG Singa Benoît Hamon

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Article rédigé par franceinfo
Radio France
Benoît Hamon, directeur de l'association Singa, qui favorise l'intégration des réfugiés, critique sur franceinfo ce mardi la politique de "fermeté" affichée par le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, en matière d'immigration.

"Grand parleur, petit faiseur", rétorque mardi 19 septembre sur franceinfo, Benoît Hamon, ancien ministre socialiste et directeur de l'association Singa qui vise à favoriser l'intégration des réfugiés. Un message qu'il adresse à Gérald Darmanin. Le ministre de l'Intérieur est en Italie pour livrer un message de "fermeté" face aux traversées clandestines de la Méditerranée. "Il ne peut pas y avoir comme message donné aux personnes qui viennent sur notre sol qu'ils seront accueillis quoi qu’'il arrive" a-t-il déclaré lundi sur Europe 1 et CNews.

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Benoît Hamon estime que le ministre de l'Intérieur est dans "un déni absolu de réalité ", car "c'est un phénomène structurel", et ce, "quoi qu'on fasse" pour limiter l'arrivée de migrants. Le directeur Singa plaide pour leur inclusion, "sans quoi, non seulement ça nous coûtera plus cher, mais en plus, tout cela ne prépare que discorde, désordre et violence."

franceinfo : Que pensez-vous du discours de fermeté du ministre de l'Intérieur ?

Benoît Hamon : C'est assez habituel. Le ministre de l'Intérieur fait ce que font tous les ministres de l'Intérieur. Il explique à son opinion publique nationale qu'il n'y aura que très peu de nouveaux arrivants, très peu de migrants, très peu de demandeurs d'asile qui viendront sur le territoire français. Et c'est un déni absolu de réalité. Quoi qu'on fasse et quoi qu'on prenne comme initiatives pour rendre plus étanches les frontières, ça n'empêchera pas les migrations de changer d'échelle. Je vous donne ce chiffre du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés : +60% pour des migrations internationales sur les 20 dernières années et +60 % en Europe. Et pourtant, les murs sont de plus en plus épais, les murs technologiques sont de plus en plus puissants, les murs administratifs sont de plus en plus étanches, et ça ne change pas le changement d'échelle des migrations. Gérald Darmanin peut parler beaucoup, très très fort. Grand parleur, petit faiseur. En réalité, les migrations continuent à changer d'échelle. C'est un phénomène structurel. La France, l'Europe refusent de regarder en face ce qui est un phénomène structurel qui va continuer à augmenter dans les années à venir.

Le ministre de l’Intérieur avance que 60% des migrants arrivés à Lampedusa viennent de Guinée, Gambie, de Côte d’Ivoire, là où il n'y a pas de question humanitaire. Vous entendez cet argument ?

Ça, c'est l’argument de Gérald Darmanin. La misère économique est une source de migrations. Elle vous amènerait à prendre le chemin de l'exil, si vous étiez pauvre et sans issue, sans possibilité de vous épanouir dans votre pays. Il y a aussi évidemment les guerres, les conflits et le réchauffement climatique. Quand on ajoute toutes ces raisons, les migrations continuent à changer d'échelle. Et plus on ferme de voies légales, même de migration économique, plus on ouvre des voies illégales de migration. Et ces voies illégales, c'est ce qui amène des gens à être aujourd'hui complètement déshumanisés, invisibilisés. Le coût humain, humanitaire est tragique, mais aussi le coût social.

"Ce qui m'exaspère, c'est qu'on est capable aujourd'hui de réaliser l'inclusion de 4 millions d'Ukrainiens et on ne peut pas le faire pour 10 000 personnes qui viennent d'Afrique du Nord ou d'Afrique subsaharienne."

Benoît Hamon

franceinfo

On a autorisé les Ukrainiens à travailler, on leur a permis d'apprendre la langue française rapidement et on les a logés. On a fait le choix de permettre à ces femmes et ces hommes de trouver leur place ici. Et au passage, parce que Gérald Darmanin raconte un peu tout et n'importe quoi sur l'asile, la France n'est pas du tout championne en matière d'inclusion. En France, nous accueillions 38 000 Syriens, 1 million en Allemagne.

Défendez-vous une solution européenne ?

Il y a une compétition entre Éric Ciotti, Marine Le Pen ou Marion Maréchal pour fermer les frontières, mais on a quand même quelques exemples : Giorgia Meloni [présidente du Conseil italien] a été élue en promettant d'arrêter l'immigration. Depuis qu'elle a été élue, l'immigration a été multipliée par deux. Les Anglais ont fait le Brexit pour stopper l'immigration. Depuis l'immigration a été multipliée par deux. Les solutions nationales ne marchent pas. Et c'est la raison pour laquelle il faut regarder le changement d'échelle des migrations, comme la possibilité pour nous d'ouvrir non seulement des voies légales qui permettent à des femmes et à des hommes de venir et de faciliter leur inclusion. Sans quoi, non seulement ça nous coûtera plus cher, mais en plus, tout cela ne prépare que discorde, désordre et violence.

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