Imprescriptibilité des violences sexuelles sur mineurs : il faut "renforcer la culture de la protection" à l'école, appelle une membre du Haut Conseil à l'Égalité
"Il y a un besoin de renforcer la culture de la protection au niveau de la formation initiale", à l'école, au collège, au lycée, appelle vendredi 17 novembre sur franceinfo Agathe Hamel, présidente de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité du Conseil Économique Social et Environnemental, et membre du Haut Conseil à l'Égalité. La Ciivise, la Commission indépendante sur l'inceste et les violences sexuelles faites aux enfants a remis un rapport, trois ans après sa création. Dans celui-ci, elle préconise 82 mesures, dont l'imprescriptibilité des violences sexuelles sur mineurs, c'est-à-dire le fait de pouvoir poursuivre, peu importe le délai après les faits, une personne pour des faits de violences sexuelles sur mineurs. Actuellement, cette prescription est de 30 ans.
franceinfo : Que fait-on aujourd'hui dans les écoles françaises pour sensibiliser à ces questions d'inceste et de violences sexuelles ?
Agathe Hamel : 160 000 enfants sont victimes d'inceste ou de violences sexuelles, ça veut dire trois élèves dans une classe de 30. Vous imaginez donc à quel point les professeurs sont mis en face de sujets extrêmement complexes. Aujourd'hui en France, il y a une obligation légale, depuis 2001, de faire, pendant tout le parcours scolaire, de l'école primaire jusqu'au lycée, trois fois par an, des séances d'éducation à la vie affective, relationnelle et sexuelle. Il s'agit de créer des espaces sécurisés pour que les jeunes puissent avoir des informations sur leurs droits, discuter de santé sexuelle, mais ce sont aussi des espaces de repérage et de prévention des violences sexuelles faites sur les enfants.
Ce sont des rendez-vous en tête-à-tête, ce n'est pas un cours de sensibilisation en classe ?
Si, ce sont des séances collectives qui sont la plupart du temps faites par des structures associatives qui interviennent dans les établissements scolaires et ça peut donner lieu à des espaces individuels de discussion. La plupart du temps, ces séances sont collectives. Le problème aujourd'hui, c'est qu'elles sont extrêmement peu mises en œuvre.
"Un enfant devrait avoir tout le long de sa scolarité environ 21 séances d'éducation à la sexualité et on est à peu près à deux séances (2,7 séances)."
Agathe Hamel, membre du Haut Conseil à l'Égalitéà franceinfo
Vous voyez, la marche est encore haute aujourd'hui. Il y a des choses qui ont déjà été votées et qui, si elles étaient appliquées, pourraient déjà permettre de prévenir tout un tas de choses.
C'est difficile de trouver les personnes qui pourraient animer ces séances, ou y a-t-il des oppositions de la part de la communauté éducative ou des parents d'élèves ?
Il y a plusieurs situations qui font qu'on n'arrive pas à appliquer cette loi. La première, qui est quand même partagée entre les différentes structures qui travaillent sur le sujet, c'est qu'il n'y a pas de pilotage au niveau national, de l'éducation à la vie affective, relationnelle, sexuelle. Il y a finalement très peu de moyens qui ont été déployés pour mettre en place ces séances complètes d'éducation à la sexualité. Trois associations ont d'ailleurs déposé un recours au tribunal administratif. Elles accusent l'État de ne pas mettre en place les moyens pour pouvoir faire ces séances d'éducation. Et puis, il y a la question de la formation des professionnels.
"Parler aux enfants des questions de consentement s'apprend. Ce n'est pas seulement de biologie que l'on va discuter."
Agathe Hamelà franceinfo
Il faut donc renforcer la culture de la protection au niveau de la formation initiale. Enfin, il y a aussi des collectifs qui opposent des résistances. On se souvient des "ABCD de l'égalité", une mesure portée par l'ancienne ministre Najat Vallaud-Belkacem et il y avait eu énormément de manifestations pour refuser ces séances d'éducation à la vie affective, relationnelle. Là, on peut, à juste titre, s'alarmer des nouvelles formes de résistances et notamment les nouveaux syndicats, associations de parents d'élèves comme "Parents vigilants" qui vont tout faire pour empêcher qu'on parle d'émancipation à leur enfant.
Si vous êtes un enfant en danger, si vous êtes une personne témoin ou soupçonnant des violences sexuelles faites à un enfant ou si vous souhaitez demander conseil, il existe un numéro national d'accueil téléphonique pour l'enfance en danger : le 119, ouvert 24h/24 et 7j/7. L'appel est gratuit et le numéro n'est pas visible sur les factures de téléphone. Il est aussi possible d'envoyer un message écrit au 119 via le formulaire à remplir en ligne ou d'entrer en relation via un tchat en ligne : allo119.gouv.fr. Pour les personnes sourdes et malentendantes, un dispositif spécifique est disponible sur le site allo119.gouv.fr
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.