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Vidéo Imprescriptibilité des violences sexuelles sur mineur : "Il faut protéger les victimes, il faut aller chercher ces enfants", appelle un membre de la Ciivise

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Temps de lecture : 6min
Article rédigé par franceinfo
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"Avec la Ciivise, on a répondu à un fait social. Ça a créé beaucoup d'espoir et maintenant, il faut accompagner les mesures", insiste une victime devenu activiste des droits de l'enfant, qui accuse la société de ne toujours pas les protéger.

"Il faut protéger les victimes, il faut aller chercher ces enfants", appelle vendredi 17 novembre sur franceinfo Arnaud Gallais, activiste des droits de l'enfant, membre de la Commission indépendante sur l'inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise). Trois ans après sa création, cette commission rend un rapport vendredi dans lequel elle préconise 82 mesures, dont l'imprescriptibilité des violences sexuelles sur mineur, c'est-à-dire le fait de pouvoir poursuivre, peu importe le délai après les faits, une personne pour des faits de violences sexuelles sur mineurs. Pour Arnaud Gallais, lui-même victime d'inceste dans son enfance, qu'il raconte dans J'étais un enfant (Flammarion), si cette mesure est transcrite dans la loi, "plus jamais les agresseurs ne pourront bénéficier d'une forme d'impunité qu'on connaît aujourd'hui".

franceinfo : Ces recommandations peuvent-elles répondre aux traumatisme ?

Arnaud Gallais : Bien sûr, puisque ces recommandations répondent à toute la souffrance que vivent les victimes et à ce que le président de la République avait nommé lui-même en 2021. Emmanuel Macron, suite au mouvement MeTooInceste, avait dit quelque chose de fort : "Vous ne serez plus jamais seuls". Je pense qu'aujourd'hui, c'est ce soutien social nécessaire, indispensable pour les victimes, que la Civiise est venue exprimer. On a quand même eu près de 30 000 témoignages en deux ans, 27 000 exactement, ce qui montre que c'est un fait social d'une certaine manière, et ça, c'était essentiel.

Parmi les clefs de ce rapport, il y a cette proposition de rendre imprescriptibles les violences sexuelles sur mineurs. Ça veut dire que jusqu'à la fin de sa vie, une personne pourra dire 'Quand j'ai été enfant, j'ai été victime de telles personnes'. Est-ce que c'est possible ?


Bien sûr que c'est possible. En Europe, vous avez l'Angleterre, les Pays-Bas, la Belgique, qui l'ont fait. Ce qu'il faut bien comprendre, c'est qu'il faut prendre en considération le mécanisme d'amnésie traumatique que vivent 40% des victimes, mais aussi toutes les conséquences psycho-traumatiques, l'emprise qu'il y a sur les schémas d'inceste. D'une certaine manière, plus jamais les agresseurs ne pourront bénéficier d'une forme d'impunité qu'on connaît aujourd'hui.

"73% des plaintes pour viol sur mineur sont classées sans suite, ça veut bien dire qu'on est dans un régime d'impunité totale."

Arnaud Gallais, activiste des droits de l'enfant

à franceinfo

Vous avez seulement moins de 1 % qui aboutissent aux assises, qui sont considérées comme des crimes. Gisèle Halimi disait  "le viol est un crime". On peut se poser la question légitimement à mon sens, si on regarde ces chiffres, si réellement le viol est un crime. Maintenant, il faut donc agir tel que le président l'avait demandé.

"On vous écoute, on vous croit. Vous ne serez plus jamais seul", c'est effectivement ce qu'avait dit Emmanuel Macron en 2021 lors du lancement de sa commission. Il y a désormais des spots à la télévision pour inciter les enfants à parler, et vous dites que ça ne résout pas le problème, qu'on ne protège pas suffisamment les enfants ?

Les 27 000 témoignages sont éloquents. Au niveau de la Ciivise, seules 8% des personnes disent avoir bénéficié d'un soutien social positif, le fameux "Je te crois, je te protège". 92% des autres, c'est un soutien social négatif. Ça veut dire qu'on a dit dans la grande majorité des cas aux enfants : "Je te crois, mais je ne te protège pas", au risque, comme dans l'inceste que je raconte dans mon livre, de faire exploser la famille. Pour les filles, on a de très nombreux témoignages de paroles entendues comme "Elle était peut-être consentante", etc. Le problème, en réalité, c'est la libération de l'écoute et les actions derrière.

"Les enfants parlent en réalité, mais on ne les entend pas, on ne les écoute pas, et surtout, on ne les protège pas."

Arnaud Gallais

à franceinfo

160 000 enfants victimes chaque année, selon la Ciivise. Parmi ces enfants, il y a donc eu vous. Vous aviez huit ans. Dans votre livre, vous racontez effectivement la difficulté de mettre des mots et puis l'impact sur votre famille. Et pourtant, c'est fondamental, au risque même de briser un tabou et parfois de briser des familles.

Bien sûr, je raconte ça et je raconte aussi que je faisais de l'énurésie, je faisais pipi au lit jusqu'à l'âge de douze ans. La seule chose que m'a proposée le médecin de famille, c'est la méthode "pipi stop", alors qu'aujourd'hui, on sait bien que c'est un des symptômes d'enfants victimes de maltraitance et ça, c'est un cri d'alarme. C'est aussi pour ça que les victimes s'exposent depuis de nombreuses années, ce n'est pas nouveau, on a dans la Ciivise une personne comme Eva Thomas (ancienne institutrice, première française a avoir dénoncé à visage découvert l'inceste qu'elle a subi, à la télévision en 1986). Il s'agit aujourd'hui d'agir et il faut que le pouvoir politique soit à la hauteur des enjeux. Avec la Ciivise, on a répondu à un fait social. Ça a créé beaucoup d'espoir et maintenant, il faut accompagner les mesures. Nous avons été sacrifiés par la société parce que la société a décidé de ne pas de nous protéger. Aujourd'hui, il faut protéger les victimes, il faut aller chercher ces enfants et nous avons une doctrine qui permettrait effectivement de le faire. Il faut maintenant que le nécessaire soit fait.


Si vous êtes un enfant en danger, si vous êtes une personne témoin ou soupçonnant des violences sexuelles faites à un enfant ou si vous souhaitez demander conseil, il existe un numéro national d'accueil téléphonique pour l'enfance en danger : le 119, ouvert 24h/24 et 7j/7. L'appel est gratuit et le numéro n'est pas visible sur les factures de téléphone. Il est aussi possible d'envoyer un message écrit au 119 via le formulaire à remplir en ligne ou d'entrer en relation via un tchat en ligne : allo119.gouv.fr. Pour les personnes sourdes et malentendantes, un dispositif spécifique est disponible sur le site allo119.gouv.fr

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