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Fin de vie : les moments forts du procès de Nicolas Bonnemaison

Le verdict est attendu mercredi, dans le procès de l'ancien médecin accusé d'avoir empoisonné sept patients en phase terminale.

Article rédigé par Camille Caldini
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Nicolas Bonnemaison (G) salue l'ancien ministre de la Santé Bernard Kouchner, à la cour d'assises de Pau, le 20 juin 2014. (GAIZKA IROZ / AFP)

"Vous avez agi en médecin, mais en médecin qui s'est trompé." Par ces mots, l'avocat général a expliqué sa clémence pendant son réquisitoire contre Nicolas Bonnemaison, mardi 24 juin. Il a requis "cinq ans de prison que vous pourrez assortir de sursis", sans interdiction d'exercer la profession de médecin, contre l'ancien urgentiste bayonnais, poursuivi pour avoir empoisonné sept patients en fin de vie. Le verdict sera connu mercredi.

Francetv info revient sur les déclarations marquantes du procès de Nicolas Bonnemaison, qui se tient à la cour d'assises de Pau depuis le 11 juin.

L'avocat général : "Non, vous n'êtes pas un assassin"

"Votre volonté n'était pas de faire le mal (...) mais pour faire le bien, au regard de la loi, vous avez fait le mal", résume l'avocat général Marc Mariée, en s'adressant à Nicolas Bonnemaison, mardi. Dans un réquisitoire clément au regard de la peine de prison à perpétuité encourue, le procureur général adjoint ajoute : "Non, vous n'êtes pas un assassin, vous n'êtes pas un empoisonneur au sens commun de ces termes." 

"Vous avez agi en médecin, mais en médecin qui s'est trompé", affirme-t-il, avant de décrire un praticien qui s'est enfermé dans "une décision solitaire qu'il sait interdite" : "Abréger l'agonie, diriez-vous. Abréger la vie, dirais-je."

Michèle Delaunay : "Qui suis-je pour juger ?"

Michèle Delaunay, ancienne ministre déléguée chargée des Personnes âgées et de la dépendance du gouvernement Ayrault, est citée en qualité de "grand témoin", vendredi 20 juin. "Qui suis-je pour juger ?", demande cette cancérologue retraitée, affirmant n'avoir "aucune certitude absolue". Sur la capacité des législateurs à encadrer la fin de vie, elle déclare, réaliste : "Il y aura toujours un interstice libre pour la conscience (...) que nous ne comblerons jamais par la loi."

L'ex-ministre s'insurge contre le fait que 25% des personnes mourant dans des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) sont envoyées pour leurs dernières heures aux urgences, qui "ne sont pas le lieu idéal d'une mort sereine ou accompagnée." Et les urgentistes "ne sont pas faits pour accompagner une fin de vie anticipable", conclut-elle.

Bernard Kouchner : "Il y a des domaines où l'illégalité est féconde"

Le même jour, Bernard Kouchner, ministre et secrétaire d'Etat à la Santé à trois reprises, regrette l'incapacité des politiques "à changer la loi, de manière à ce qu'il ne soit plus possible d'accuser ceux qui ont la responsabilité d'abréger la souffrance".

Rappelant l'audace des "French doctors", qui allaient soigner dans les conflits à l'étranger sans attendre d'autorisation, il ajoute : "Il y a des domaines où l'illégalité est féconde." Face aux souffrances de la fin de vie "se détourner est facile, et appliquer la loi, c'est plus facile que de la transgresser", prétend-il.

Didier Sicard : "La société est devenue intolérante à l'agonie"

Ce procès est celui de "l'indifférence hospitalière", estime le professeur Didier Sicard, auteur du rapport rendu en 2012 à François Hollande, sur la fin de vie et les modalités d'assistance au décès. "Confier les malades les plus graves à un médecin seul peut aboutir à ce genre de désastre", relève-t-il, le 18 juin, à la barre.

Il regrette une société "devenue en trente ans intolérante à l'agonie, avec le sentiment que (...) les mourants ne doivent pas embarrasser trop longtemps les vivants". Sans se prononcer sur la responsabilité pénale de Nicolas Bonnemaison, il estime, en outre, que "si le médecin est animé d'une intention bienveillante, la médecine doit se méfier de sa propre puissance. Qu'elle ait un peu d'humilité".

Le fils d'une victime : "J'aurais voulu que vous m'en parliez"

Pendant son procès, Nicolas Bonnemaison est aussi confronté aux proches de certains patients à qui il a administré les sédatifs mortels. Ils confient leur incompréhension, comme le raconte la journaliste Pascale Robert Diard sur son blog Chroniques judiciaires.

"Tout ce que vous pouvez me dire, c'est bien. Mais ça n'explique pas. Ce que j'aurais voulu, c'est que vous m'en parliez et qu'on décide ensemble. Ce que vous avez fait, je l'aurais compris, si vous me l'aviez expliqué", reproche le fils d'une patiente au docteur Bonnemaison.

Nicolas Bonnemaison : "L'euthanasie n'est pas mon combat"

Sa défense ne bouge pas d'un iota, depuis le début de ses ennuis judiciaires. Nicolas Bonnemaison reconnaît avoir administré des sédatifs à sept patients en fin de vie, mais il affirme avoir voulu leur éviter des souffrances. L'ex-urgentiste insiste : il n'est pas militant. "L'euthanasie n'est pas mon combat. Mon rôle, ce n'est pas de précipiter les décès, ni de libérer des lits. C'est de soulager les patients. De faire en sorte qu'ils ne souffrent pas", affirme-t-il. 

Pour expliquer ses décisions prises seul, alors que la loi Leonetti impose des discussions avec l'équipe médicale, le docteur Bonnemaison explique que pour le personnel, "il y a des risques de vraie souffrance". Quant aux familles, "j'ai le sentiment de transférer une responsabilité de médecin sur la famille. Décider la sédation, c'est raccourcir la vie. Ne pas la décider, c'est se dire qu'on va prolonger la souffrance. Cette décision, dans un cas comme dans l'autre, est une source de culpabilité pour la famille."

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