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Rythmes scolaires : une réforme "à la petite semaine" pour les élèves

De nombreux enseignants et parents d'élèves estiment que le retour à la semaine de 4,5 jours ne va guère alléger les journées des enfants. Reportage.

Article rédigé par Catherine Fournier
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 4 min
Seule la réorganisation de la semaine a été prise en compte dans la réforme des rythmes scolaires, et non celle, plus globale, de l'année. La discussion sur la réduction des vacances d'été a été renvoyée à 2015. (VALERIE MACON / AFP)

L’ambiance est studieuse dans la salle d’étude. Mais c’est avec empressement, et le doigt levé, que les élèves de CE1/CE2 de l’école Rabelais, à Tours (Indre-et-Loire), participent à notre petit débat improvisé sur les rythmes scolaires. "Moi, j'aime pas l'école, alors le mercredi, j'aime bien me reposer à la maison", lance sans complexe Oscar*. Marine, abonnée au centre de loisirs, tranche : "Je suis obligée de me lever de toute façon, alors je m'en fiche." Olivier, lui, s’inquiète pour ses cours de danse et de violon du mercredi matin. 

Ces petits Tourangeaux expérimentent la semaine de 4,5 jours dès la rentrée, mardi 3 septembre. Et leur sentiment, comme celui de leurs parents et de leurs instituteurs, est qu'ils vont passer plus de temps à l'école. L'objectif de la réforme n'était-il pourtant pas d'alléger la semaine des enfants ? Oui, répond le ministère de l'Education, en étalant davantage les heures de cours, avec le retour de la classe le mercredi ou, plus rarement, le samedi matin. La France était le seul pays d'Europe à organiser la semaine du primaire sur quatre jours.

"Le temps de l'animation n'est pas un temps d'évaluation"

Les petits Français vont donc passer autant de temps en classe qu'avant (24 heures hebdomadaires), mais ils seront davantage présents à l'école. Et bénéficieront d'un temps d'animation, géré par les villes, plus long. "Ça leur permettra de mieux se connaître, positive Anne Coret, mère d'élève et membre de la Fédération des conseils de parents d'élèves (FCPE) à Paris. Le temps de l'animation, ce n'est pas un temps d'évaluation. Et ça, ça fait du bien aux enfants. Ils construisent une autre relation avec l'animateur."

Les enseignants ne voient pas cette évolution du même œil. Selon eux, les activités proposées actuellement le midi ou le soir après l'école ne font pas toujours dans le qualitatif et énervent les enfants. "Ils font de la zumba", pouffe une enseignante à Rennes (Ille-et-Vilaine), où les écoles passent aussi à la semaine de 4,5 jours dès cette rentrée. Et puis, "les animateurs ne s'expriment pas de la même façon. Les élèves les tutoient", souligne une autre collègue, qui craint que les frontières soient plus "poreuses" entre les deux temps, scolaire et périscolaire.

Chronobiologie et justice sociale

"Il ne faut pas confondre rythmes scolaires et rythme de l'enfant, reprend Anne Coret, de la FCPE. Et on ne peut pas partir du principe que les enfants doivent passer moins de temps en collectivité." Tout dépend, en fait, de l'organisation retenue par les municipalités. Ces dernières avaient la liberté d'adapter le décret du gouvernement en fonction de leurs spécificités. A Rennes et Tours, les trois heures libérées dans la semaine grâce au mercredi matin ont été scindées en trois quarts d'heure par jour, à raison d'un quart d'heure le matin, le midi et le soir. Si bien que la classe commencera à 8h45 au lieu de 8h30, et terminera à 16h15 au lieu de 16h30. Pas de quoi organiser de véritables ateliers culturels et sportifs. "Mon fils va juste aller un peu plus en garderie", observe une mère d'élève de l'école Rabelais, à Tours. 

A Rennes, la mairie défend ce choix : "On va complètement rénover la pause méridienne. On sera plus confortables sur les services à la cantine. Ce n'est pas forcément un temps qu'on remplit. C'est un temps de respiration." Autre argument, brandi au nom d'une certaine justice sociale : "Si les activités périscolaires avaient lieu le soir, de nombreux enfants, qui rentrent chez eux, n'en profiteraient pas." L'adjointe s'en réfère enfin aux recommandations de certains chronobiologistes, ces spécialistes des rythmes biologiques : "Tous les enfants seront là à 15h15, heure à laquelle les chronobiologistes observent une remontée de l'attention."

"Chacun a son chronobiologiste qu'il sort de sa poche", ironise le directeur de l’école Rabelais, dubitatif sur la mise en pratique de ces études. Paris a fait fi de cette recommandation, semble-t-il, choisissant de faire terminer l'école à 15 heures deux fois par semaine (le mardi et le vendredi). La capitale a aussi obtenu une dérogation à l'une des règles phare du décret : le lundi et le jeudi, les journées de cours dureront six heures, au lieu des 5h30 préconisées. 

Quid des programmes et des vacances ?

Rien de bien neuf sous le soleil, disent certains. Si chacun y va de son avis sur l'organisation retenue par les villes qui passent le cap des nouveaux rythmes en 2013, instituteurs et parents d'élèves s'accordent sur un point : un allégement des programmes était nécessaire pour donner du sens à cette réforme, "l'une des plus importantes menée depuis longtemps", selon un enseignant parisien. Or, Vincent Peillon n'a pas donné de calendrier sur ce point. Et certains enseignants craignent que le coche ne soit raté pour de bon.

Autre requête, moins fédératrice : la réduction des vacances d'été. "Il aurait fallu étaler la réforme sur l’année, mais le lobby du tourisme est bien plus costaud que le nôtre", grince une enseignante de l'école de la rue des Bauches, dans le 16e arrondissement parisien. "Je suis absolument contre la réduction des vacances d'été. Parce qu'on en a besoin, les enfants en ont besoin", s'emporte une consœur de Tours. Le ministre a renvoyé cette question à 2015. La levée de bouclier provoquée par sa première réforme risque de l'évacuer du quinquennat. 

* Tous les prénoms ont été modifiés.

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