Renforcer l'accompagnement personnalisé au collège, est-ce vraiment une bonne idée ?
Najat Vallaud-Belkacem a présenté mercredi sa réforme du collège. L'élargissement à tous les niveaux de l'accompagnement personnalisé compte parmi les principales mesures.
La réforme du collège est lancée. Autonomie, interdisciplinarité, langues vivantes… La ministre de l'Education, Najat Vallaud-Belkacem, a présenté son plan pour la rentrée 2016, mercredi 11 mars. En matière d'accompagnement personnalisé, chaque élève pourra bénéficier de trois heures par semaine en sixième (contre deux aujourd'hui), et d'une heure de la cinquième à la troisième.
Ces nouvelles heures consacrées au soutien scolaire à l'école sont-elles vraiment une bonne idée ? Eléments de réponse.
Oui, c'est enfin un début d'alternative au redoublement
Elèves et enseignants voient le redoublement d'un œil positif, et la France continue d'y recourir massivement. Elle est le cinquième pays de l'OCDE qui fait le plus redoubler, de l'école au lycée : 28% des élèves de 15 ans déclarent avoir déjà redoublé au moins une fois, contre 12% en moyenne dans l'OCDE, d'après le rapport Pisa 2012 (pdf). Pourtant, ses effets sur la réussite scolaire sont limités, et il est démontré que redoubler peut favoriser le décrochage et plomber l'estime de soi des élèves, selon le Conseil national d'évaluation du système scolaire (Cnesco).
L'étude du Cnesco, qui porte sur les alternatives au redoublement, est toujours en cours, mais pour lutter contre l'échec scolaire en France, il observe déjà ce qui se passe chez nos voisins, et s'intéresse notamment au soutien scolaire et au suivi individualisé des élèves. "En effet, plusieurs études indiquent que les activités de soutien scolaire gratuit intervenant en complément des cours habituels semblent être de bonnes alternatives", écrit le Cnesco dans une synthèse publiée en décembre 2014.
Oui, cela peut assouplir un collège unique rigide
C'est en tout cas l'argument invoqué par la ministre de l'Education. "Le collège doit être unique, mais pas uniforme", déclare Najat Vallaud-Belkacem, dans un entretien au Parisien. Il n'est pas question pour le gouvernement de revenir sur le principe du collège unique, si vivement critiqué par l'ensemble de la droite, jusqu'au Front national.
Consciente de l'hétérogénéité des élèves et de leurs besoins, la ministre de l'Education s'accroche à cette "ambition de réussite pour chaque élève", instaurée dès 1975. Le collège doit être capable de s'adapter à cette hétérogénéité, pour ne plus perdre en route les élèves en difficulté. C'est en tout cas l'objectif de la généralisation de l'accompagnement personnalisé aux classes de 5e, 4e et 3e, alors qu'il était jusqu'à présent réservé aux élèves de 6e, afin de faciliter leur passage du primaire au secondaire.
Non, c'est un empilement de mesures illisibles
Aide personnalisée, accompagnement éducatif, programme personnalisé de réussite éducative… Au collège, il s'agirait du quatrième dispositif d'accompagnement des élèves. Certains s’adressent aux élèves en difficulté, d’autres à tous, d’autres aux volontaires. Du primaire au lycée, "les réformes successives ont stratifié de nombreux dispositifs de suivi individualisé des élèves, dont la compréhension par les élèves et leurs familles est rendue difficile", déplore la Cour des comptes, dans son rapport publié le 4 mars.
"Au fourmillement de dispositifs à la terminologie variée mais si proche qu'elle prête souvent à confusion, s’ajoute une grave absence de continuité entre eux", ajoute la Cour. Tandis que le gouvernement généralise "l'accompagnement personnalisé", il restreint "l’accompagnement éducatif". Fondé sur le volontariat et instauré dans tous les collèges en 2007-2008, il sera limité aux établissements d'éducation prioritaire à partir de la rentrée 2015. Pour la Cour, ces changements induisent "un manque de lisibilité" pour les familles, et "perturbent les acteurs de terrain comme les élèves".
Non, c'est un pansement sur une jambe de bois
A raison d'une seule heure hebdomadaire d'accompagnement individualisé en 5e, 4e et 3e, et malgré les autres mesures annoncées, difficile de parler de "refondation" de l'enseignement. Les classes de 6e, elles, gagneront une heure aussi, pour atteindre trois heures hebdomadaires, centrées sur la méthodologie, pour faciliter la transition avec le primaire. Mais, dans cette réforme qui doit entrer en application à la rentrée 2016, rien ne permettra spécifiquement d'apprendre à lire, écrire et compter aux 10 à 15% d’élèves qui arrivent au collège sans ces compétences de base.
Alors que les classes de CM1, CM2 et 6e appartiennent désormais au même cycle 3, dit "de consolidation", les enseignants du primaire et ceux de 6e ne collaborent toujours pas. "La logique voudrait que des professeurs du premier degré interviennent au collège, et inversement. Mais l’idée se heurte aux résistances syndicales", regrette le sociologue François Dubet, interrogé par La Croix. Pour son baptême du feu, la ministre Najat Vallaud-Belkacem a donc choisi la prudence.
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