: Récit Comment la pauvreté déscolarise les écoliers
Lors d’un discours prononcé le 7 février en commission parlementaire, la vice-présidente d’ATD Quart Monde Marie-Aleth Grard raconte l’histoire d’une mère de famille et ses difficultés à intégrer le système scolaire.
Le 7 février, la vice-présidente d’ATD Quart Monde Marie-Aleth Grard a expliqué à travers le témoignage d’une mère de famille pauvre le conflit de loyauté, principale cause de déscolarisation des enfants vivant dans des conditions précaires.
"À la fin du CP, je ne savais pas vraiment lire"
La femme rapporte le témoignage dès le début de son intervention, commençant ainsi :
"Petite, je n’aimais pas l’école. À la fin du CP, je ne savais pas vraiment lire. Je passais de classe en classe sans avoir le niveau. Plus tard, j’emmenais mes propres enfants sans être vraiment convaincue qu’ils allaient apprendre quelque chose. Puis, je rentrais très vite me réfugier chez moi. J’étais nichée tout en haut de ma tour, je m’enfermais dans mon statut de mère isolée."
J’ai trouvé ça bizarre mais j’ai appris que mes enfants commençaient à aimer l’école.
Marie-Aleth Grard
La mère de famille explique ensuite dans sa lettre que son ouverture au système scolaire, rendue possible grâce au dialogue social, a favorisé l'intégration et la motivation de ses enfants pour l'école. Elle relate : "Une enseignante à la grille de l’école me demande : 'Pourquoi on ne vous voit jamais ?' Peu à peu, elle m’a apprivoisée et cela a été ensuite des contacts réguliers. Je me suis mise alors à parler à l’école avec d’autres mamans dans mon immeuble puis on a commencé à s’attarder pour bavarder à la sortie de l’école. J’ai peu à peu pris de l’autonomie. J’ai trouvé ça bizarre mais j’ai appris que mes enfants commençaient à aimer l’école."
Conflit de loyauté et blocage scolaire
Ce témoignage permet à Marie-Aleth Grard d’évoquer le conflit de loyauté, qui selon elle "empêche tant d’enfants dans notre système scolaire de rentrer dans les apprentissages et de pouvoir apprendre sereinement comme tous les autres enfants".
"Conflit de loyauté, redisons-nous ce que c’est", poursuit-elle. "C’est un enfant qui entend à l’école un langage tellement différent de celui qu’il entend à la maison. Qui a des habitudes à l’école tellement différentes de celles qu’il a à la maison que du coup, inconsciemment, de façon tout à fait inconsciente, il bloque les apprentissages dans sa tête et du coup, il ne rentre pas dans les apprentissages." L’enfant se mettrait en situation scolaire délicate de peur de trahir son milieu, ses parents ou sa famille.
Vers plus d’autonomie pour les parents
"Alors, c’est bien à nous tous de travailler à dénouer ce conflit de loyauté", conclut la vice-présidente d’ATD Quart Monde d’un ton engageant. "De travailler pour que les parents puissent parler à égale dignité avec les enseignants, à être entendus comme parents, comme premiers éducateurs de leur enfant. Qu’ils puissent vraiment dialoguer d’adultes à adultes avec les enseignants c’est vraiment essentiel pour la scolarité de tous ces enfants qui vivent dans des conditions trop difficiles."
Rappelant les comportements parfois délicats des enfants issus de la grande pauvreté, elle établit la priorité pour établir le dialogue social : "Il faut que les enseignants connaissent ces réalités."
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.