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Petite histoire des réformes de l'orthographe, du XVIIe siècle à aujourd'hui

En matière d'orthographe, notre époque est bien plus frileuse que par le passé. Nous sommes remontés jusqu'en 1650 pour le constater.

Article rédigé par Fabien Magnenou
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
Un enfant à l'école, le 16 octobre 2015. (FR?D?RIC CIROU / ALTOPRESS / AFP)

"Tous les douze ans en moyenne, [entre 1650 et 1835], un aspect important de notre écriture a changé", indiquait le spécialiste André Chervel, interrogé il y a quelques années par Le Monde (article payant). En 1650, ce sont d'abord les consonnes muettes ("estre", "poistrine", "escrire") à l'intérieur des mots qui en font les frais. Mais quelques mots survivent tout de même à la cure d'amaigrissement, parmi lesquels baptême, acquérir, automne ou compter. Une autre réforme majeure intervient un peu plus tard, en 1667. Cette fois, les imprimeurs font la distinction entre le "i" et le "j", entre le "u" et le "v".

XVIIe siècle : la course aux réformes des imprimeurs

A cette époque, l'orthographe évolue tambour battant, au fil des réformes successives engagées par les imprimeurs. En 1668 ? Les prépositions "apres" et "aupres" prennent un accent aigu. En 1694 ? Les mots en "eu" comme "meur" ou "seur" deviennent "mûr" ou "sûr". En 1709, les finales en "-y" sont remplacés par des finales en "-i". En 1735, les pluriels en "-ez" se transforment en "-és". En 1747, les formes en "ü" ou "uë" sont modifiées. Les mots "loüer" et "ruë" sont écrits "louer" et "rue".

Citons encore les "François" et les "Anglois", rebaptisés "Français" et "Anglais" en 1793, et les pluriels en "-ans" et "-ens", devenus "-ants" et "-ents" dans la sixième édition du Dictionnaire de l'Académie, en 1835. Les "parens" ont enfin un "t". André Chervel recense au moins 18 réformes sur la période. Mais ensuite, c'est le calme plat. Avec la loi Guizot de 1833, qui encadre l'enseignement primaire, "les anciens 'maîtres d'école' se muent en 'instituteurs' ne jurant plus que par l'orthographe", selon le chercheur, toujours dans les colonnes du Monde.

XIXe siècle : les maîtres d'école, hérauts de l'orthographe

La septième édition du Dictionnaire de l'Académie française suggère quelques modifications en 1878, afin de soulager des dizaines de cas épineux. A cette occasion, le "poëte" se fait "poète", "Liége" devient "Liège", "l'asile" remplace "l'asyle" et "l'éternuement" supplante "l'éternûment". Mais l'enseignement est toujours réticent à adopter des changements.

En 1891, la simplification de l'orthographe décidée par Ferdinand Buisson subit un cuisant revers, face à l'opposition du Conseil supérieur. Sept ans plus tard, une circulaire du ministre Léon Bourgeois tente malgré tout de réclamer davantage d'indulgence aux examinateurs, face au "fétichisme orthographie et à la tarification mécanique des fautes""Clé" ou "clef", "sopha" ou "sofa", "il paie" ou "il paye"... Après tout, peu importe.

Les réformistes veulent aller plus loin et repassent à l'offensive, en décembre 1899, à l'initiative de deux professeurs du secondaire, Clairin et Bernès. Un arrêté du 31 juillet 1900 reprend les travaux d'une commission ad hoc, avec quelques corrections l'année suivante, à la suite des protestations de l'Académie française, jalouse de ses prérogatives.

Le texte proposait d'utiliser indifféremment le masculin ou le féminin pour certains mots – comme "aigle", "automne", "hymne" ou "période" – la réunion de deux mots constitutifs – comme "nouveauné", "courtvêtu" – ou encore d'écrire "pan", "tan", "fan" plutôt que "paon", "taon" et "faon". Et même, d'accepter  "ognon" plutôt qu'"oignon". Le texte rencontre une vive opposition, y compris dans les milieux littéraires, et la réforme passe dans l'oubli sans être appliquée.

XXe siècle : des réformes au caractère facultatif

Le début du siècle suivant n'innove guère en la matière. Il faut attendre l'arrêté Haby, paru le 9 février 1977, pour retrouver des velléités de réforme. L'emploi d'un accent grave est admis à la place d'un accent aigu ("évènement" ou "événement"), tout comme l'omission d'un accent circonflexe sur les voyelles de certains mots. L'arrêté autorise également d'oublier le trait d'union pour certains mots : arc en ciel, nouveau né, dix huit...

Avec les Rectifications du Conseil supérieur de la langue française, publiées dans le JO en 1990, sept règles générales sont simplifiées, des mots composés à l'accentuation. Très peu enseignée par la suite, cette réforme facultative est entrée officiellement dans les programmes en 2008. Les éditeurs de manuels scolaires ont finalement sauté le pas, pour la rentrée 2016.

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