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"On ne demande pas la parité, mais au moins que les femmes soient présentes dans les programmes du bac"

Françoise Cahen, enseignante de français dans un lycée de banlieue parisienne, a lancé une pétition en ce sens. Elle répond aux questions de francetv info.

Article rédigé par Benoît Zagdoun - propos recueillis par
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
Des lycéens passent l'épreuve de philosophie du baccalauréat le 17 juin 2015  à Lambersart (Nord). (CITIZENSIDE/THIERRY THOREL / AFP)

Sa pétition a porté ses fruits. Françoise Cahen enseigne le français dans un lycée d'Alfortville (Val-de-Marne). Elle a lancé une pétition sur Change.org "pour donner leur place aux femmes dans les programmes de littérature du bac L". Vendredi 13 mai, l'enseignante a remporté une victoire dans ce combat qu'elle mène notamment sur son blog : le ministère de l'Education nationale a pris des engagements dans ce sens.

Dans un communiqué, la ministre, Najat Vallaud-Belkacem indique qu'elle "souhaite que désormais la place respective des auteures et des auteurs soit ajoutée" aux critères étudiés par la commission en charge du choix des œuvres mises au programme et retenues pour les sujets d'examen. Le ministère s'engage aussi à mener un "travail de sensibilisation" auprès des éditeurs de manuels scolaires. Et la ministre de rappeler "son engagement pour donner aux femmes toute leur place"Françoise Cahen réagit à ces annonces.

Francetv info : Le ministère de l'Education nationale a répondu à votre pétition. Estimez-vous avoir obtenu satisfaction ?

Françoise Cahen : Je suis enchantée de cette réaction du ministère. C'est formidable pour une simple professeure d'avoir pu ainsi interpeller sa ministre. Avec cette pétition, je cherchais vraiment à alerter le ministère pour qu'il soit donné plus d'attention à cette problématique. Je me doutais que nous aurions une ministre sensible à cette cause. Mais cela n'aurait pas été possible sans la médiatisation et tous ces signataires. Vendredi matin, il y avait 1 900 signatures. Le soir, il y en avait plus de 8 900. Au début, il y avait beaucoup plus de femmes que d'hommes parmi les pétitionnaires, mais par la suite, ça s'est un peu rééquilibré. Beaucoup d'hommes, des lycéens notamment, sont désormais également sensibles à cette problématique. C'est une bonne nouvelle.   

Que souhaitez-vous ? Que les auteures femmes et les auteurs hommes soient représentés à part égale ?

On ne demande pas la parité, mais au moins que les femmes soient présentes dans les programmes aux côtés des hommes. C'est une réflexion qu'il faut conduire plus largement, à tous les niveaux du système éducatif, pas juste en terminale littéraire, mais aussi dans les programmes des autres matières, notamment en philosophie ou en histoire. En terminale L, jamais une auteure n'a été au programme de littérature. Je ne pense pas ce que cet oubli des femmes soit intentionnel. Cette misogynie n'est pas consciente. C'est pire que ça : elle imprègne notre inconscient collectif. C'est une anomalie dans notre société.

Comment est née cette pétition ?

J'ai créé cette pétition au moment de la sortie des nouveaux programmes. J'avais promis à mes collègues que, si on avait encore un homme au programme du bac littéraire, je réagirai de manière forte. Et c'est André Gide et Les Faux Monnayeurs qui sont  tombés. Alors je me suis dit : "Cette fois, j'y vais. Il faut que quelqu'un fasse quelque chose." Et je ne le regrette pas. Il y avait déjà eu des signaux d'alarme les années passées. En 2014, Ariane, une lycéenne de Bordeaux, avait lancé une pétition demandant qu'on donne une place aux femmes dans les programmes scolaires. Elle avait recueilli plus de 14 000 signatures. On proteste, mais à chaque fois, rien ne se passe. 

Au-delà des signatures et des soutiens, avez-vous aussi reçu des témoignages ?

Oui, de nombreux messages me parviennent de gens ayant pris conscience qu'ils n'avaient pas étudié, ou très peu, d'œuvres écrites par des femmes au cours de leur scolarité. Ces témoignages s'accumulent. J'ai également été contactée par une auteure de manuels de philosophie. Elle avait rédigé des encarts sur des femmes philosophes. L'éditeur les a supprimés, sans la prévenir. C'est un détail assez révélateur de ce qui peut se passer. Une jeune auteure mène le même combat dans les manuels d'histoire. Car il faut aussi que les femmes soient présentes dans les manuels.

Après les annonces faites par votre ministère, vous serez certainement vigilante au respect de ces engagements...

Oui, il faut établir une certaine vigilance à ce propos. L'année prochaine, s'il n'y a toujours pas de femme au programme, je ne sais pas ce qu'on fait : une émeute (rires). Je mène ce combat en pensant à mes collègues, à mes élèves, mais aussi à mes filles, car je suis mère de trois enfants. Elles devraient pouvoir enseigner, étudier et admirer des femmes et pas seulement des hommes pour pouvoir devenir elles-mêmes des artistes. Sans cela, le monde ne changera pas.

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