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Enfants autistes retirés à leurs parents : "J'ai été accusée de vouloir à tout prix un enfant handicapé"

Article rédigé par Vincent Daniel
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
L'autorité parentale et les auteurs de féminicides. Une proposition de Marlène Schiappa pour que cette autorité parentale soit automatiquement suspendue (photo d'illustration). (MAXPPP)

Une centaine d'associations dénoncent "des placements abusifs" de jeunes autistes par décision de justice, après une procédure de l'aide sociale à l'enfance. Témoignage d'une mère.

Elles dénoncent une "machine à broyer". Le placement, lundi 10 août, par la justice, de trois enfants, après une procédure de l'aide sociale à l'enfance (ASE), en Isère, provoque la colère de 127 associations de familles de personnes autistes. Parmi elles, Autisme France, Collectif egalited, Sésame autisme et Collectif autisme. 

Elles pointent "des placements abusifs" de jeunes autistes, retirés à leurs parents. Et ces associations prennent en exemple le placement "de trois enfants atteints de troubles envahissants du développement" par le conseil général de l'IsèreMalgré des diagnostics médicaux, la mère est accusée de provoquer les troubles de ses enfants pour toucher les allocations handicap et attirer l’attention sur elle, poursuivent les associations de parents d'autistes, citant le juge. "Un exemple parmi tant de témoignages", soulignent-elles.

"Mon fils ne parlait pas, se tapait la tête contre les murs"

"C'est aberrant. Cette mère est devenue une amie que je soutiens, et ce cas est loin d'être rare. J'en vois des tonnes", s'agace Pauline*. Son fils, qui a aujourd'hui 7 ans et demi, a en effet failli lui être retiré. Elle raconte son histoire à francetv info.

"Nous avions besoin de poser un diagnostic car mon fils ne parlait pas, il ne marchait pas, il se tapait la tête contre les murs. Il fallait donc savoir ce qu'il avait et le prendre en charge en fonction du diagnostic", explique la jeune mère, âgée de 34 ans. 

En 2011, un centre d’action médico-sociale précoce (CAMPS) estime que son fils souffre de "carences affectives". Un diagnostic qui ne convainc pas la jeune femme, persuadée qu'il s'agit d'un problème médical : "On m'a accusé de vouloir à tout prix un enfant handicapé." "Face à de telles inepties, avec le papa [ils sont aujourd'hui séparés], nous avons forcé les portes d'un centre de ressources autisme." L'établissement spécialisé détecte chez l'enfant des troubles envahissants du développement : il est autiste. 

Mais la machine s'est emballée. Face à l'acharnement de Pauline pour mettre des mots sur le handicap de son petit garçon, le CAMPS lance une procédure pour "information préoccupante". Gérée par l'aide sociale à l'enfance du département, l'enquête accable la jeune maman. "Sans médecins, on me 'diagnostique' un syndrome de Münchhausen par procuration [ce syndrome, discuté au sein même de la psychiatrie, consiste à provoquer délibérément des troubles sur son enfant pour attirer l'attention sur soi]." 

Pour s'assurer qu'elle ne souffre pas de ce syndrome, Pauline consulte un psychiatre, "un professeur de [l'hôpital] Saint-Anne, à Paris, pour que mon dossier soit béton". Le spécialiste lui repère un syndrome d'Asperger, une forme d'autisme sans déficit intellectuel. "Cela n'enlève rien à ma capacité de mère. J'étais rassurée car je me sentais en marge depuis toujours, c'était une réponse à cette différence, mais enfin, je n'étais pas folle !"

"Le juge m'a accablé pendant quarante-cinq minutes"

Les services sociaux ne s'arrêtent pas là : "On m'a reproché d'inventer des troubles ou d'avoir de mauvaises relations avec le papa, alors même que nous sommes amis, s'étonne la jeune femme. J'ai été accusée de tous les maux. C'est tellement gros que, parfois, on en rit. On m'a reproché d'ouvrir les fenêtres en plein mois de juin pour que mon enfant souffre de troubles ORL !"

Au terme de l'enquête, l'aide sociale à l'enfance recommande le placement du petit garçon. Face au juge, Pauline en prend "plein la tête pendant quarante-cinq minutes". "Puis mon avocat a pu fournir les pièces, les bilans de santé, tout ce que l'ASE n'a pas voulu mettre dans son enquête." Face aux doutes, le juge ordonne une mesure judiciaire d'investigation éducative. Le non-lieu tombe dans le courant de l'année 2013 : Pauline conserve la garde de son fils.

"Au final, quand on obtient un diagnostic d'autisme en pleine enquête, on ne pleure pas de tristesse mais presque de joie car cela nous sauve : on ne va pas nous retirer les enfants, on n'est pas de mauvais parents. Ce n'est pas normal."

Pauline

Deux ans après le terme de l'affaire, la mère conserve "des traces" : "On fait attention à tout". Vivant avec le RSA (revenu de solidarité active), elle refuse de faire appel aux services sociaux du département pour régler une facture EDF et des arriérés "pour ne plus avoir affaire à eux". "La moindre bêtise de mes enfants pourrait être considérée comme un faux pas de ma part, on refuse la différence de l'enfant", regrette Pauline, qui rappelle que l'ASE peut relancer dès qu'elle le souhaite une enquête.

"Les parents ne sont pas fautifs"

Elle dénonce une "méconnaissance de l'autisme" de la part des services sociaux et une formation "psychanalytique qui aboutit à attribuer tous les troubles des enfants à la mère". "L'autisme, ce sont des troubles de neuro-développement, les parents ne sont pas fautifs. Des études le prouvent, le commun des mortels le sait, mais les services sociaux restent archaïques et s'acharnent."

Pauline retrouve son sourire à l'évocation de son fils. En septembre, il rentrera en CE1, à mi-temps avec la prise en charge spécialisée qu'il reçoit "dans une structure privée". Le petit garçon "parle, sait lire, commence à savoir écrire et il apprend à se faire des copains". "Ce n'est pas un enfant lambda, mais pour un enfant à qui l'on promettait l'institut médico-éducatif quand il était petit, il va plutôt bien !"

*Le prénom a été modifié à la demande de notre interlocutrice.

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