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Comment l'enseignement supérieur se connecte aux étudiants zappeurs

Les enseignants cherchent de nouveaux moyens pour intéresser et faire participer une génération de zappeurs. L'Essec, une école de commerce en région parisienne, innove en proposant aux élèves de construire des cours avec leurs professeurs.

Article rédigé par Solenne Le Hen, franceinfo
Radio France
Publié
Temps de lecture : 2 min
A l'Essec, une école de commerce près de Paris, des étudiants participent à la construction des cours. (NICOLAS THIBAUT / PHOTONONSTOP)

L'enseignement traditionnel du haut de l'estrade a-t-il vécu ? A l'Essec, une école de commerce en région parisienne, professeurs et élèves construisent ensemble des cours qui seront enseignés l'année prochaine. 

Capter l'intérêt des étudiants : challenge des profs

François le reconnait : bien plus que ses aînés, la nouvelle génération d'étudiants, dont il fait partie, est une génération de zappeurs. L'étudiant estime que les professeurs sont carrément confrontés à un challenge : "On a une offre exceptionnelle de contenus et de sollicitations de l’attention. Pour attirer notre attention, alors que nous sommes de plus en plus connectés, il faut avoir de bons arguments." 

Pour que les élèves de master décollent de leurs smartphones et d'internet pendant les cours, les professeurs défilent devant une salle de 800 élèves. Chaque enseignant dispose de cinq minutes, pas plus, pour convaincre de l'intérêt du cours qu'il envisage de donner l'an prochain. Un professeur explique, par exemple, que l’objet de son cours est d’imaginer "un dispositif sur l’entrepreneuriat en Afrique". Un autre dit avoir choisi de présenter un cours s'intitulant "Ethique et décision". Il tend aussitôt la main au public : "Je voudrais qu’il devienne un mooc et que des équipes préparent avec moi cette mouture." 

L'implication d'élèves "impatients"

La perspective d’un mooc, d'un cours en ligne sur internet, commence déjà à séduire dans les rangs. Des élèves se regroupent pour proposer des pistes afin de co-construire le cours. Laurent Bibard, à la fois professeur de philosophie et de management, a proposé un travail sur l'éthique en entreprise. Il se dit "preneur d’interrogations théoriques et de thèmes". Très à l’aise avec cette nouvelle façon d’aborder l’enseignement, il explique que les élèves ne sont pas moins intéressés qu'avant, bien au contraire, mais qu'ils ont pris d'autres habitudes. "Ils sont beaucoup trop habitués à zapper et ils ont très peu le sens de la patience." Laurent Bibard aime les entendre sur "le sens qu’un cours peut avoir pour eux, sur ce qu’ils croient comprendre", avant de les amener vers le contenu.

Du gagnant-gagnant dans les salles de cours

Le professeur s'éclipse et laisse les étudiants parler de "caplock, serious game, mooc, webinar..." Laurent Bibard y puise de l'information. "Les jeunes sont une source très importante de matériels et de contenus." La co-construction des cours, plus proche des attentes des élèves, constitue pour la plupart une démarche inédite. Ils sont davantage habitués au modèle du professeur dominant les élèves depuis son estrade. "En prépa, j’ai eu un peu l’impression que les profs avaient la science infuse. Ils refusent souvent de se remettre en question", confie François, tandis que Marine se remémore des heures pénibles : "Il n’y a rien de pire qu’un cours de droit des institutions européennes où l'on nous donne seulement une liste d’arrêts." 

A la fin de la matinée, les étudiants formulent les premières pistes du futur cours sur "les lobbys, les prix du médicament, la notion de profit...". Sur les cinq cours nouveaux qui seront proposés l'an prochain, seuls trois seront retenus par les élèves. A chaque fois, une dizaine de volontaires pourront participer pendant plusieurs semaines à la réalisation complète de ces enseignements.

Comment l'enseignement supérieur se connecte aux étudiants zappeurs - un reportage de Solenne Le Hen

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