A Orléans, une lycéenne musulmane porte plainte pour harcèlement moral après des remarques sur sa jupe longue
Ikram, âgée de 18 ans, a porté plainte contre deux membres du personnel du lycée Paul-Gauguin.
Elle se dit victime de discrimination. Ikram, une Orléanaise de 18 ans, de religion musulmane, a porté plainte pour harcèlement moral contre deux membres du personnel du lycée Paul-Gauguin, mercredi 6 mai. Dans un entretien à La République du Centre, elle affirme qu'elle subit quotidiennement des remarques et des réprimandes à cause de sa jupe longue. "Tous les jours, ma professeure principale me dit que c'est une tenue religieuse, explique Ikram, contactée par francetv info. Pourtant, j'enlève mon voile avant d'entrer au lycée."
Selon la lycéenne, en terminale gestion et administration, les commentaires ont commencé en septembre 2014. "Ma professeure principale demande à me voir à la fin de chaque cours, pour me parler de ma tenue, raconte Ikram. Une autre fois, c'est ma prof d'anglais qui m'a demandé si quelqu'un de ma famille était mort, parce que je portais ma jupe longue et un large haut noir."
"Ce n'est pas interdit dans le règlement"
La jeune fille dit même avoir été exclue d'un cours pendant une semaine à cause de sa tenue. Son enseignante ne lui a toutefois pas précisé la raison de cette décision. "C'est insupportable. J'en ai assez de devoir expliquer tous les jours que j'ai le droit de porter une jupe longue, que ce n'est pas interdit dans le règlement du lycée", s'agace Ikram, qui dit porter ce type de vêtement par "pudeur" et non par conviction religieuse. "A un moment, je rentrais en pleurant tous les soirs. Alors j'ai décidé de sécher certains cours."
La situation s'envenimant, Ikram a dialogué avec la directrice adjointe du lycée Paul-Gauguin en janvier 2015. Et a accepté de troquer son large haut pour une tunique. "Les jours où une tenue professionnelle est exigée, je mets un chemisier et une veste de tailleur avec ma jupe, ajoute Ikram. Ma prof a estimé que ce n'était pas une tenue professionnelle, mais on ne dit rien à mes camarades qui portent des jeans troués ou dont le caleçon dépasse du pantalon."
Une autre élève dit aussi être victime de harcèlement
En mars, la lycéenne a fini par contacter le collectif orléanais Stop aux discriminations, qui lui a conseillé de porter plainte pour harcèlement moral et discrimination. "Lorsque ses copines qui ne sont pas musulmanes portent les mêmes jupes longues, on ne leur fait aucune remarque", affirme Ali Jefrani, le responsable du collectif, interrogé par francetv info.
Il espère une condamnation par la justice et une sanction de la part de l'Education nationale, affirmant que d'autres lycéennes subissent les mêmes remarques. Francetv info a interrogé l'une d'entre elle, Jade, élève en seconde. "Depuis les attentats contre Charlie Hebdo, en janvier, une de mes profs me dit que ma jupe est trop longue, trop large, trop pudique", affirme la jeune fille de 18 ans, qui dit ne jamais avoir subi de remontrances à cause de sa tenue auparavant.
Selon Jade, cette même enseignante viendrait régulièrement la voir pour lancer des "débats sur l'islam, sur la polygamie ou le voile". "Elle dit que ma camarade Leïla, elle aussi musulmane, et moi sommes contre la liberté des femmes, ajoute-t-elle. Nous avons contacté le Collectif contre l'islamophobie en France (CCIF) mais, si ça continue, je porterai plainte aussi." Ali Jefrani veut, lui, que "ces actes cessent, pour le bien être de ces jeunes filles". "Mais nous souhaitons surtout qu'ils soient sanctionnés, insiste le responsable du collectif. Pour que l'ensemble des professeurs sachent qu'ils ne peuvent pas agir en toute impunité."
Pas exclue à cause de sa jupe, selon l'académie
La direction et les enseignants du lycée Paul-Gauguin, fermé pour les vacances scolaires, n'ont pas pu être joints par francetv info. L'inspectrice d'académie adjointe dans le Loiret indique, elle, avoir découvert l'affaire dans la presse locale. "J'ai essayé de savoir ce qui s'est réellement passé, j'ai contacté les membres du personnel, et Ikram n'a jamais été exclue de cours à cause d'une jupe trop longue, explique Raymonde Rouzic. Cette sanction serait liée à un manque d'investissement dans son travail." L'inspectrice n'a toutefois pas pu obtenir la raison exacte de l'exclusion.
"Nous ne voulons pas prendre ces déclarations à la légère, ajoute Raymonde Rouzic, qui préfère ne pas se prononcer sur l'affaire pour l'instant. La plainte a été transmise au procureur, et l'enquête, sans doute menée après la reprise des cours lundi [11 mai], permettra de préciser les faits." L'inspectrice adjointe compte se rendre sur place le jour de la rentrée, pour entendre les deux membres du personnel visés par la plainte, ainsi qu'Ikram, "si elle est d'accord". Et de conclure : "Si les accusations de harcèlement sont avérées, bien sûr, des sanctions seront prises."
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