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Les clichés sexistes épinglés dans les manuels d'enseignement moral et civique

Une étude publiée mardi montre qu'il existe toujours un déséquilibre femmes-hommes et des stéréotypes sexistes dans les manuels scolaires consacrés à l'éducation civique.

Article rédigé par Solenne Le Hen - Edité par Alexandra du Boucheron
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3 min
Quelques-uns des 25 manuels scolaires d'EMC étudiés cette année dans les salles de classe. (CAPTURE D'ÉCRAN)

Les femmes sont toujours sous-représentées et les clichés sexistes ont la vie dure dans les manuels scolaires. Ce sont les conclusions d'une étude publiée mardi 16 janvier 2018 par le Centre Hubertine Auclert, un organisme d’Ile-de-France visant à promouvoir l'égalité entre les femmes et les hommes et la lutte contre les violences faites aux femmes.

Après avoir étudié les manuels d'Histoire, de mathématiques, de français et de lecture du CP, le centre établit aujourd'hui le même constat pour les manuels d'enseignement moral et civique (EMC) qui occupe désormais une heure par semaine à l'école élémentaire et une heure tous les quinze jours à partir du collège. 25 manuels de tous niveaux ont été passés au crible. 

Les femmes sous-représentées

Les femmes y sont sous-représentées, ce qui est un comble pour des livres d'enseignement moral et civique censés enseigner les valeurs républicaines, dont l'égalité fait partie. Les occurances masculines représentent 68% des 3 695 personnages évoqués, contre 31,8% pour les occurrences féminines (les genres indéterminés constituent le reste).

Si on affine l'analyse, la parité est presque atteinte chez les enfants mais pas chez les adultes. Pour les auteurs de l'étude, "il semble plus aisé de représenter des filles en situation scolaire, que de montrer des femmes dans la sphère publique en général et dans le monde professionnel en particulier".

Même constat concernant la célébrité : dans ces ouvrages, les femmes ne représentent que 17,4% des personnages célèbres. Seuls quelques domaines sont mixtes, c’est-à-dire avec au moins 30 % d’effectifs chez les deux sexes : les médias, l’environnement et la santé, les tâches ménagères et le ludique.

Les hommes au travail, les femmes à la maison

Là où l'on trouve le plus de représentations féminines, c'est dans la sphère domestique ! Même la figure de Marianne (la femme la plus citée dans les manuels étudiés) est caricaturée. Dans l'un des manuels, elle apparaît sous les traits de Bonnemine, la femme du chef qui a mauvais caractère et qui tient souvent un rouleau à pâtisserie ou un balai dans la bande-dessinée Astérix. 

Le sexe masculin, lui, est celui du travail. Cette représentation passe d'abord par les infographies. Dans quatre manuels, les silhouettes d'hommes en costume-cravate dominent les infographies consacrées à l'emploi. Dans un autre manuel, une infographie sur les droits sociaux présente des silhouettes d'hommes pour les salariés, les directeurs ou encore les chômeurs, tandis que la seule silhouette féminine représente une mère qui bénéficie des prestations sociales.

Peu de femmes politiques et peu d'expertes

La politique occupe une place de choix dans ces manuels. C'est aussi l'un des domaines les plus inégalitaires. Les femmes représentent 15% des personnages du champ politique, que ce soit à travers les titres, fonctions ou silhouettes. Par ailleurs, lorsqu'elles sont représentées, elles ont bien plus souvent un engagement civique que des responsabilités d'élues ou de professionnelles de la politique.

Des expertes encore sous-représentées dans les manuels d'enseignement moral et civique. (CENTRE HUBERTINE AUCLERT)

Dans le domaine des sciences et des savoirs, les auteurs de l'étude notent "une certaine attention pour inclure des femmes scientifiques avec des dossiers sur Marie Curie" ou sur les femmes et la science. Les expertes restent en revanche "sous-représentées", selon l'étude. Quant à l'éducation au numérique, elle passe par des "représentations stéréotypées de femmes et de filles possédant moins de savoir-faire technique et technologique". Les jeunes filles sont aussi souvent présentées comme de mauvaises utilisatrices de réseaux sociaux.

Des progrès

Les parties consacrées aux inégalités entre les femmes et les hommes ou encore aux discriminations fondées sur le sexe "recouvrent bien l'ensemble des enjeux" et "les dossiers sont bien problématisés, clairs (..) invitant à l'action, au débat", indiquent les auteurs de l'étude. En revanche, poursuivent-ils, "ces manuels ne remplissent pas entièrement leur mission de diffusion d'une culture de l'égalité" car les femmes et les hommes y sont représentées de façon déséquilibrée. 

Le bilan dressé par l’étude des manuels d’enseignement moral et civique présente des avancées, mais ils peuvent encore mieux faire.

Marie-Pierre Badré, présidente du Centre Hubertine Auclert

La parité étant la règle en politique, elle devrait aussi s'appliquer aux manuels scolaires.

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