Covid-19 : "J'ai eu très peur pendant les 47 jours", une directrice d'Ehpad raconte le confinement volontaire de son établissement au tout début de l'épidémie
À l'occasion de la journée internationale de défense des droits des femmes, franceinfo va à la rencontre de ces héroïnes d'un quotidien bouleversé par l'épidémie de Covid-19.
"Ma décision a été très brutale, je l'ai prise en quasiment 30 secondes", a confié lundi 8 mars sur franceinfo Valérie Martin, directrice d'un établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) de Corbas dans le Rhône qu'elle a volontairement entièrement confiné avec ses résidents et son personnel, le 18 mars 2020 au matin, dès le début de l'épidémie. Une expérience qui va durer 47 jours qu'elle raconte dans Moi, Vilanova : Confidences d'un confinement. Valérie Martin est l'une des héroïnes du Covid, mises à l'honneur sur franceinfo en cette journée internationale des droits des femmes.
franceinfo : Avez-vous le sentiment d'avoir fait quelque chose d'extraordinaire ?
Valérie Martin : Mon équipe et moi, on a fait quelque chose d'extraordinaire dans la mesure où aujourd'hui, on ne pourrait absolument plus le refaire. L'année dernière, c'était le bon moment. Quand j'ai annoncé cette décision à mes équipes et aux familles, ils étaient très surpris. En fait, ils ne la comprenaient pas. Ma décision a été très brutale, je l'ai prise en quasiment 30 secondes en constatant que les gestes barrières n'étaient pas respectés. On était un peu avant l'annonce du confinement national. J'ai autorisé les proches à rester encore une demi-heure pour dire au revoir, en sachant que je ne savais pas quand les portes allaient rouvrir. Pendant les premiers jours du confinement, j'ai eu très peur parce que je ne savais pas si les résidents, le personnel ou moi-même avions été contaminés par le coronavirus. En fait, j'ai eu très peur pendant les 47 jours. Pour le personnel et moi-même, le plus difficile a été l'éloignement avec notre propre famille. Ensuite, il a fallu garder toujours le moral, toujours le dynamisme pour être auprès des résidents, qui eux aussi étaient séparés de leurs proches.
Comment ont réagi les familles ?
Au début, on passait beaucoup de temps au téléphone. Et puis ensuite j'ai ouvert la page Facebook où je racontais le quotidien. Ce lien a été vraiment très important, il y avait beaucoup de photos, de témoignages. Progressivement on a gagné la confiance des familles. Au final, je garde beaucoup de nostalgie de cette période. Avec ces 47 jours, j'ai appris à connaître mes limites. J'ai aussi appris que la relation avec les personnes âgées était une richesse insoupçonnée et je regrette de ne plus avoir ce temps à leur dédier puisque je suis retournée dans mon bureau. Certaines résidentes me parlent toujours de ces moments. Elles me disent que c'était mieux avant. On chantait dans les couloirs, on faisait toujours un peu d'animation, on était vraiment là pour eux.
Vous racontez que certains membres du personnel n'osaient pas dire qu'ils travaillaient dans un Ehpad, qu'ils en avaient honte. Pourquoi ?
Parce que l'image de la maison de retraite est une image qui ne donne pas envie d'y travailler. Ce n'est pas un contexte très glamour. Et pourtant, c’est riche de joie et de plaisirs.
"Il ne faut pas avoir honte de se donner à fond avec ces personnes âgées qui sont des trésors de vie. Au contraire."
Valérie Martin, directrice d'EHPADà franceinfo
À un moment, l'équipe confinée était uniquement féminine. J'espère que la crise a un peu changé le regard que l'on a sur leur métier. Elles sont vraiment méritantes. Je commence à avoir des hommes dans mon établissement et vraiment ça fait du bien parce que ça permet d'avoir une autre relation. Aujourd'hui, ça ne servirait plus à rien de refaire la même chose qu'au printemps dernier. On a la vaccination, des protocoles, des équipements suffisant. Mais j'envisage de proposer à mon personnel de vivre un week-end à la maison de retraite, pour celles et ceux qui le désirent. C'est quelque chose qui me travaille un petit peu, ça peut être sympa.
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