Fermeture d'un site universitaire à Marseille : "On est en train d'adapter notre mode de vie" en fonction des réseaux de drogue, alerte une association
"Ce qui me fait peur, c'est qu'on est en train de vivre en fonction de ces réseaux" de drogue, a déclaré jeudi 5 octobre sur franceinfo Amine Kessaci, fondateur de l’association marseillaise "Conscience". Le site Colbert de l'université Aix-Marseille va fermer à partir du vendredi 6 octobre et jusqu'au 13 octobre, à cause d'un trafic de drogue.
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Une "présence fixe de la police" a été décidée devant le site, après une réunion entre la préfecture des Bouches-du-Rhône, l'université, les services de police et la mairie dans l'après-midi mardi 3 octobre.
franceinfo : Que pensez-vous de cette décision du doyen de l'université ?
Amine Kessaci : Elle m'évoque beaucoup de colère. On est en train d'adapter notre mode de vie, notre quotidien en fonction de ces réseaux. C'est dramatique. Cela veut dire qu'à Marseille on ne peut plus vivre sans se demander si on va être en sécurité dans tel ou tel endroit, si on peut aller à la fac tranquillement, si on peut aller à l'hôpital tranquillement. Les habitants sont victimes et impactés par ces trafics de stupéfiants.
La préfète de police des Bouches-du-Rhône estime qu'il n'est pas utile de fermer le site de l'université et qu'il suffit de mettre des policiers devant la fac. Est-ce la solution ?
La préfète de police n'est pas consciente que les étudiants ne se sentent pas en sécurité. On demande effectivement d'avoir une présence permanente de la police de proximité. Je suis aussi convaincu que fermer la fac pendant une semaine et la rouvrir une semaine après, ça ne va pas régler le problème. Il faut que cette semaine soit bénéfique, qu'on en tire quelque chose, qu'au retour des étudiants la situation soit réglée et qu'on trouve une solution pérenne pour cette esplanade où sont installés les trafiquants.
Est-ce qu'il y a un risque qu'on s'habitue à cette pression des dealers ?
C'est ce qui me fait peur. Ce qui me fait peur, c'est qu'aujourd'hui, on est en train de vivre en fonction de ces réseaux. À Marseille, les gens ont pris l'habitude de régler leur quotidien en fonction d'eux.
"J'ai peur que des établissements se mettent à fermer, que des écoles déménagent et s'adaptent aux points de deal. Il ne faut pas tomber dedans"
Amine Kessaci, fondateur de l'association marseillaise "Conscience"à franceinfo
On a laissé les trafics prendre de l'ampleur, occuper l'espace public dans certains quartiers, et il ne faut pas qu'on laisse l'un des derniers piliers de la République qui existe dans nos quartiers fermer.
Votre frère est mort en 2020 dans un règlement de comptes lié au trafic de drogue. La situation a-t-elle changé depuis ?
La situation n'a pas changé. J'entends la préfète qui se vante de l'arrivée de 70 policiers, ce n'est clairement pas suffisant. C'est très bien, il y a des moyens qui sont en train d'arriver, il ne faut pas le nier, mais à Marseille, on part de tellement bas qu'on est juste en train de casser cette chute libre qu'on a entamé. Aujourd'hui, il est temps de faire en sorte qu'on remonte la courbe. Le déploiement de la CRS 8, c'est plus de la communication, Gérald Darmanin qui veut se placer sur cet échiquier. La CRS 8, je la vois quand elle vient, elle verbalise les gens pour défaut d'assurance, pneus lisses, mais elle n'est clairement pas adaptée et elle a peur de rentrer dans nos quartiers. Elle ne fait pas un travail de prévention et ne vient jamais avant pour essayer d'éviter ces homicides.
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Un Conseil national de la refondation a lieu ce jeudi. Il fait suite aux émeutes de fin octobre. En attendez-vous quelque chose ?
J'attends des résultats du référé-liberté qu'on a déposé, on a assigné l'État en justice. J'ai envie de dire à Emmanuel Macron : regardez, on s'est agité pendant un an, regardez aujourd'hui le résultat. Écoutez-nous, regardez-nous, regardez comment on est en train de vivre, regardez le nombre de meurtres qu'il y a eu cette année. Aujourd'hui, il faut trouver une solution pour Marseille.
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