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Deux agents immobiliers jugés pour discrimination : "Il y a eu des refus de renvoyer cette affaire devant le tribunal", dénonce SOS Racisme

Treize ans après les faits, deux co-gérants d'une agence immobilière comparaissent devant le tribunal correctionnel d'Evry pour discrimination raciale. Le président de SOS Racisme Dominique Sopo évoque sur franceinfo "un certain malaise à sévir par rapport aux discriminations racistes".

Article rédigé par franceinfo
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Dominique Sopo, le président de SOS Racisme, le 21 juin 2009, à Paris. (NATHANAEL CHARBONNIER / FRANCE-INFO)

"Il y a eu des refus de renvoyer cette affaire devant le tribunal à plusieurs reprises, SOS Racisme a dû faire appel de ces décisions", déplore mercredi 6 février Dominique Sopo, président de l'association SOS Racisme, alors que 13 ans après les faits deux co-gérants d'une agence immobilière de Palaiseau comparaissent aujourd'hui devant le tribunal correctionnel d'Evry pour discrimination raciale, des faits filmés en caméra cachée en 2006 par une employée de l'agence. 

franceinfo : Les faits se sont produits en 2006. Pourquoi la justice a mis autant de temps ?

Dominique Sopo : Il y a eu des refus de renvoyer cette affaire devant le tribunal à plusieurs reprises, l'association SOS Racisme a dû à plusieurs reprises faire appel de ces décisions qui voulaient faire en sorte que ça n'arrive jamais devant un tribunal. Il faut bien comprendre que ce n'est pas l'association qui a directement le pouvoir d'emmener les personnes devant le tribunal, et qu'il a fallu surmonter des obstacles. C'est quelque chose malheureusement d'assez typique dans la question des discriminations racistes, dans la mesure où les preuves qui sont avancées vont souvent être rejetées comme étant non concluantes, ce à quoi on a eu droit dans cette affaire d'ailleurs. Ce qui pour moi montre de façon plus générale un certain malaise à sévir par rapport aux discriminations racistes, qui ne sont peut-être pas vues comme suffisamment graves, dans des formes de non-dits, pour que cela vaille la peine d'amener des gens devant un tribunal pour qu'elles aient à répondre d'actes, qui pourtant sont des actes extrêmement lourds sur la vie quotidienne des gens en matière d'égalité, de capacité à pouvoir vivre normalement dans la société française.

Ce sont les propriétaires qui ne voulaient pas de "noirs, d'arabes et d'asiatiques" ou ce sont les agences qui ont fait du zèle ?

On verra comment se défendent les personnes devant le tribunal, puisque pendant l'instruction, on a plutôt eu droit à une forme de déni de l'existence des discriminations. En tout cas, deux logiques peuvent expliquer que les agences immobilières refusent des personnes d'origine maghrébines, africaines, asiatiques etc. Ce sont des préjugés qui consistent à penser que, de toute façon, ces catégories de population vont poser des problèmes aux propriétaires, et que donc il faut les écarter pour que l'agence ne soit pas retoquée dans le futur par des propriétaires, et n'ait pas une mauvaise presse auprès d'eux. Ou alors, le fait que toute une série d'agences se rendent complices des directives discriminatoires qui sont demandées par les clients, ce qui est évidemment un délit parce qu'on ne peut pas se faire le relais d'un ordre illégal.

Il est difficile encore aujourd'hui de louer un bien quand on est noir, maghrébin ou asiatique, même si on remplit les conditions ?

Oui, il y a une plus grande difficulté. Nous avons fait toute une série de "testings" récemment, qui seront rendus publics au mois d'avril. Et si on regarde les dernières études scientifiques qui ont été faites sur le sujet, par exemple en matière de logement, en Ile-de-France sur une étude de 2016, un candidat maghrébin avait 30% de chances en moins de pouvoir visiter un logement par rapport à un profil de "référence" comme on dit, des Français de lointaine ascendance. Ce n'est pas tellement un fichage qui est fait, c'est le constat que des personnes ont tel profil, et qu'on ne leur proposera pas tous les biens qui sont mis à la location. Et le phénomène un peu nouveau aujourd'hui, c'est la multiplication des plateformes de mise en relation directe, où là il y a encore beaucoup moins de contrôles que dans les agences immobilières : il faudra aussi s'y pencher.

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