Joséphine Baker : "C'est un personnage qui a toujours fasciné les personnages les plus importants du siècle", selon Bertrand Dicale
La chanteuse franco-américaine entrera au Panthéon le 30 novembre prochain. "Une immense artiste, un immense symbole humanitaire" pour le journaliste de franceinfo et spécialiste de la chanson Bertrand Dicale.
"Il y a dix symboles" dans la panthéonisation de Joséphine Baker, estime dimanche 22 août le journaliste de franceinfo et spécialiste de la chanson, Bertrand Dicale. "Elle est noire, c'est une artiste populaire, une résistante, une espionne, une combattante des droits civiques aux États-Unis avec Martin Luther King, une étrangère qui a choisi de devenir Française…", énumère-t-il. "C'est un personnage qui a toujours fasciné les personnages les plus importants du siècle. Elle a traversé le siècle avec le siècle qui la contemple."
franceinfo : En quoi cette panthéonisation est un symbole fort ?
Bertrand Dicale : Il y a dix symboles en même temps en Joséphine Baker. Elle est noire, c'est une artiste populaire, une résistante, une combattante des droits civiques aux États-Unis avec Martin Luther King, une étrangère qui a choisi de devenir Française, entre autres à cause de ce qui lui était arrivé aux États-Unis… C'est un personnage extraordinairement symbolique ! Comme pour plusieurs panthéonisations, on se demande pourquoi ça n'est pas arrivé plus tôt tellement elle coche de cases, tellement elle est une immense artiste, un immense symbole humanitaire, outre le fait magnifique que c'est la première femme noire à entrer au Panthéon.
Quelle est son histoire ?
Son histoire est celle des noirs pauvres aux États-Unis. Elle se marie pour la première fois à 13 ans. C'est une histoire terrible de misère et de violences conjugales. Son mariage se finit quand elle assomme son mari en lui cassant une bouteille sur la tête. Elle se remarie une deuxième fois avec un monsieur Baker qui lui a donné son nom. Joséphine McDonald est devenue Joséphine Baker à 15 ans quand elle épouse un garçon d'hôtel qu'elle a rencontré pendant une tournée d'une compagnie de music-hall.
"Toute sa vie elle s'est battue, et toute sa vie elle a été reconnue."
Bertrand Dicaleà franceinfo
Elle a d'ailleurs côtoyé de grands noms…
Oui, Le Corbusier est tombé amoureux d'elle, Colette aussi. Elle a rencontré Frida Kahlo et tout le show business mondial. Quand elle a des problèmes financiers avec le château des Milandes dans lequel elle hébergeait ses douze enfants adoptifs de toutes les couleurs du monde, Brigitte Bardot et la princesse Grace vont l'aider... C'est un personnage qui a toujours fasciné les personnages les plus importants du siècle. Quand elle est arrivée à Paris avec la Revue Nègre en 1925, tout le monde était fasciné, le public populaire du poulailler, les gens qui voient les petits films d'actualité cinématographique partout en France, et en même temps tous les grands artistes, les Cocteau, les Picasso… C'est ce qui est le plus fascinant. Elle a traversé le siècle avec le siècle qui la contemple.
Elle a aussi été espionne pour lutter contre le nazisme ?
C'est ça qui est le plus fou ! Une femme, noire, avec un accent américain à couper au couteau, qui réussit à être une espionne. Et elle n'est pas juste un petit agent de renseignement. Si on voit le détail de ce qu'elle a fait, c'est une vraie espionne qui prend des risques absolument incroyable. Elle aurait pu être fusillée et peut-être même pire encore si elle avait été prise par la police allemande, alors qu'elle était éminemment suspecte. Donc, c'est un personnage qui a aussi ce courage physique. Cette espèce d'insolence absolument fascinante à dire qu'elle lutte, qu'elle combat. C'est sans doute l'espionne la moins discrète de la France libre pendant l'occupation à Paris, mais c'est une de celles qui a les meilleurs résultats puisqu'elle y va avec un culot monstre et elle obtient des informations absolument incroyables qu'elle fait passer à la France libre à Londres.
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