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De Guantanamo à Vénissieux : un combat contre le djihadisme

Il y a quelques jours, Mourad Benchellali, ex-prisonnier français de Guantanamo, s’est rendu sous les ors de la République. Les sénateurs l’ont auditionné, dans le cadre de la commission d’enquête sur les djihadistes. Ce week-end, c’est dans son quartier populaire des Minguettes, à Vénissieux, qu'il a choisi de parler à des jeunes qu’il veut dissuader de partir combattre en Syrie ou en Irak.
Article rédigé par Sophie Parmentier
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
  (Mourad Benchellali, ex-prisonnier de Guantanamo, dans la cité des Minguettes à Vénissieux où il a grandi © RF/Sophie Parmentier)

"Djihadisme : fantasmes et réalité. Café-débat avec la présence de Mourad Benchellali, ex-prisonnier de Guantanamo". La petite affichette grise et blanche est collée en divers endroits, sur les vitres du Café de la Paix, dans le centre-ville de Vénissieux, éclairé par les guirlandes de Noël. Ce café est l’un des préférés des jeunes de la cité des Minguettes, où Mourad Benchellali a grandi, dans la tour numéro 25, du boulevard Lénine. Il avait 19 ans quand il a quitté cette forêt de tours, qu’il voyait comme un "ghetto", direction, l’Afghanistan. C’était en juin 2001.

Après Guantanamo, retour à Vénissieux

Samedi soir, pour la première fois depuis son retour de Guantanamo, Mourad Benchellali a raconté publiquement son parcours, dans son propre quartier. Un témoignage qu’il veut surtout adresser aux jeunes, pour les dissuader de partir combattre sur une terre de djihad, en Syrie ou en Irak. "On ne part pas pour une raison, on part pour plein de raisons, un contexte familial, un contexte psychologique, ou peut-être pour fuir une routine. Alors, moi je pars pour l’Afghanistan pourquoi ? Parce que à ce moment précis de ma vie, j’ai un grand frère qui me le propose. Pourquoi l’Afghanistan ? Parce que il y a une part d’ombre, à l’époque, c’est ça qui rend la chose excitante. C’est comme la Syrie aujourd’hui. Mais c’est se mettre en danger. Après le piège se referme. C’est une erreur. Si c’était à refaire, je ne le referais pas".

  (Mourad Benchellali avait rendez-vous au Café de Paix, à Vénissieux, pour un débat sur le djihadisme © RF/Sophie Parmentier)

Assis à côté de Mourad Benchellali, Mokrane Kessi, acquiesce. Cet ancien élu de Vénissieux est un enfant de la marche des Beurs, qu’il a initiée dans les années 80. C’est dans ces années-là qu’il s’est lancé dans le militantisme politique, pour échapper au mal-être de sa cité des Minguettes. Et il veut dire aujourd’hui aux jeunes candidats au djihad : "Ce n’est pas notre combat d’aller en Syrie ; le combat se trouve ici en France ".

"Il n’y a aucune gloire sur place, il y a juste la faim, la peur, les blessures, le handicap et les exactions qui finissent pas troubler la conscience"

 Au fond de la salle, un homme coiffé d’une casquette demande le micro pour poser une question : "Comment je pourrais être utile à ton travail ? ". L’homme se présente comme un ancien djihadiste parti en Bosnie puis en Afghanistan dans les années 90, condamné à de la prison à son retour en France. Il veut aujourd’hui s’engager aux côtés de Mourad Benchellali pour lutter contre ces multiples départs sur une terre de djihad. Lui aussi veut dire aux jeunes : "N’y allez pas, il n’y a aucune gloire sur place, il n’y a rien de glorieux, il y a juste la faim, la peur, les blessures, le handicap et les exactions qui finissent pas troubler la conscience. Mais on devrait organiser ce genre de débats, dans des collèges, dans des lycées, car c’est vraiment le public qui est ciblé par les recruteurs du djihad ", dit-il. Les jeunes, qui étaient les grands absents de ce café-débat. Ils n’étaient qu’un ou deux, se disant non concernés par le djihad. L’un d’eux analyse : "Les jeunes n’ont pas voulu venir, à cause des caméras de télé ".

Le reportage de Sophie Parmentier
 

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