Cet article date de plus de trois ans.

Vidéo "Affaires sensibles". Présidentielle 1995 : d'où viennent ces millions en grosses coupures au QG d'Edouard Balladur ?

Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Affaires sensibles. Présidentielle 1995 : d'où viennent ces millions en grosses coupures au QG d'Edouard Balladur ?
Affaires sensibles. Présidentielle 1995 : d'où viennent ces millions en grosses coupures au QG d'Edouard Balladur ? Affaires sensibles. Présidentielle 1995 : d'où viennent ces millions en grosses coupures au QG d'Edouard Balladur ?
Article rédigé par France 2
France Télévisions

23 avril 1995 : coup de théâtre. Alors qu'Edouard Balladur était donné favori, c'est Jacques Chirac qui sera au second tour de l'élection présidentielle face à Lionel Jospin. Mais derrière le duel politique fratricide à droite, entre deux "amis de trente ans", la lutte était aussi financière, donnant lieu à d'incroyables dérives... Dans cet extrait du nouveau magazine "Affaires sensibles", coproduit par France Télévisions, France Inter et l'INA d'après l'émission originale de France Inter, le mystère des montagnes de billets amassées au QG du candidat malheureux du RPR… Un document à voir sur France 2 le 20 septembre.

Pour la première fois, France Télévisions, France Inter et l’INA s’associent pour coproduire un nouveau magazine : "Affaires sensibles", l’adaptation télévisée de l’émission lancée avec succès par France Inter. Ce rendez-vous d’information se consacre dans un premier temps aux affaires d’Etat et aux grands scandales politico-financiers de la Ve République. Pour son premier numéro, "Affaires sensibles" s’intéresse à un thème d’actualité, le financement des campagnes présidentielles.

Pour ce document, le magazine s’est plongé dans les archives du Conseil constitutionnel, a exhumé factures et notes de frais biffées par les "sages", retracé le trajet des "porteurs de valises" et des mystérieux fonds qui ont permis de financer les premiers meetings géants de l’histoire de la Ve République.

Un scandale d'Etat

La campagne présidentielle de 1995 se voulait exemplaire (c'était la première fois que les comptes des candidats étaient contrôlés par le Conseil constitutionnel), mais elle s'est révélée la plus sulfureuse de toutes. Au soir de sa vie, son financement revient en boomerang sur Edouard Balladur... En janvier 2021, il comparaissait au tribunal de Paris, accusé de complicité d'abus de biens sociaux et de recel. La justice voulait comprendre d'où venaient les 13 millions de francs qui avaient été déposés en liquide sur son compte de campagne, il y a vingt-six ans. 

Revenons donc en arrière, en avril 1995, deux jours après le premier tour qui a vu sa défaite. Non seulement Edouard Balladur a perdu, mais il manque des millions pour sortir les comptes du rouge... A son QG désert, seul le bureau de la trésorerie, au 4e étage, reste allumé. A l'intérieur, trois employés s'affairent. Partout dans la pièce, des montagnes de billets. Les employés les rangent en liasses dans quatre sacs, avant de les placer dans une mallette... qui déborde vite. A tel point qu'il faut acheter une (grande) valise, a raconté Alexandre Galdin, celui qui était alors chargé d'apporter l'argent à la banque, lors d'une reconstitution en 2011 pour France 2.

 "J'ai, au sens strict, porté la valise qui a financé une partie de la campagne d'Edouard Balladur. C'était des billets usagés, que des grosses coupures :  500 francs, 200 francs"

Alexandre Galdin,  membre de l'Association de financement de la campagne d'Edouard Balladur (Aficeb) 

"Affaires sensibles"

Dans les archives du candidat Balladur, les journalistes d'"Affaires sensibles" ont retrouvé une feuille à en-tête du Crédit du Nord qui détaille le versement du 26 avril 1995. Total : 10 250 000 francs, l'équivalent de 2 millions d'euros.

Des millions tombés du ciel en grosses coupures... Mais d'où vient cet argent ? Fabrice Arfi, journaliste à Mediapart, a enquêté sur le financement de la campagne de 1995. La première piste, explique-t-il, c'est celle "des fonds secrets, qui officiellement n'existent plus. C'était de l'argent liquide mis à disposition de l'Etat et des fonctionnaires, notamment pour rémunérer, dans les cabinets de manière occulte et non déclarée au fisc, un certain nombre de serviteurs de l'Etat". 

Les fonds spéciaux de Matignon, la botte secrète d'Edouard Balladur ?

Le Premier ministre de la deuxième cohabitation n'a pas accès au trésor du RPR, détenu par Jacques Chirac, mais il dispose du coffre de Matignon. L'avantage de cet argent liquide, c'est qu'il n'est pas "traçable". Utiliser les fonds secrets pour financer une campagne est illégal, mais la pratique est néanmoins connue. Selon Gérard Longuet, alors soutien d'Edouard Balladur, "toutes les élections présidentielles ont largement été financées par les fonds secrets des gouvernements successifs". L'ancien ministre de l'Industrie (1993-1994) pense que "l'inconvénient de relancer une campagne de recherche de fonds quand on est battu aux élections [a poussé les organisateurs à préférer] la solution de facilité… C'est pas très pro !" juge-t-il...

S'agit-il des fonds secrets, ou d'une autre piste plus sulfureuse ? "Affaires sensibles" avance une autre hypothèse pour expliquer la provenance de ces 10 millions de francs... Leur origine reste indéterminée, mais la justice a estimé qu'Edouard Balladur n'en avait pas été informé, et a relaxé l'ancien Premier ministre en mars 2021.

Extrait de "Présidentielle 1995 : un scandale d’Etat", un document à voir dans "Affaires sensibles", sur France 2, le 20 septembre 2021.

> Les replays des magazines d'info de France Télévisions sont disponibles sur le site de Franceinfo et son application mobile (iOS & Android), rubrique "Magazines".

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.