SNCM : la société en faillite ?
Cette déconfiture pourrait entraîner la suppression directe ou indirecte de 4.000 postes dans le sud de la France. La SNCM, la société de transport dont la direction a été remerciée, semble au bord du démantèlement. L'actionnaire ne veut plus investir, les repreneurs se détournent. Comment en est-on arrivé là.
Leurs navires partagent les mêmes ports, desservent la même île : la Corse. Mais quand la française SNCM est en déficit chronique, sa concurrente italienne Corsica Ferries fait des bénéfices. Car les clients délaissent la compagnie nationale.
Pour trois personnes, la SNCM c'était plus de 300 E la traversée, à cause des options obligatoires, plus de 300 euros l'aller-retour. Là on est à peine au-dessus de 200 E. C'est quand même intéressant.
Ils sont loin d'être les seuls. Pourtant en 2000, entre le continent et la Corse, 82 % des clients choisissaient la SNCM, contre 12 % Corsica Ferries. En 2004, renversement: 48 % pour la compagnie italienne. Et en 2013, seuls 33 % des passagers utilisaient encore la SNCM, contre 58 % sa concurrente. En moins de 15 ans, 150 millions de pertes cumulées pour la SNCM. Comment l'armateur italien fait-il pour être moins cher, alors qu'il est bien moins subventionné que la SNCM ? Nous avons fait la traversée avec les deux compagnies. L'Italienne nous a autorisés à filmer. Pas la SNCM. Nous avons donc tourné en caméra discrète, et la direction a refusé de répondre à nos questions. Chez Corsica Ferries, les passagers peuvent dormir n'importe où pour ne pas payer une cabine ou un fauteuil. Et tout le monde est le bienvenu dans les salons.
On a choisi parce qu'ils prenaient le chien. Tout bêtement. La SNCM, ils prennent le chien mais en soute.
La vraie différence est chez le personnel. Les marins italiens font plusieurs métiers à bord.
Francesco hier était de service au bar, ce matin il fait le nettoyage.
Plus polyvalents que les salariés de la SNCM, les marins de Corsica Ferries travaillent beaucoup plus. Pour huit mois en mer, ils ont quatre mois de repos. A la SNCM, c'est six mois en mer, six mois de repos. L'armateur italien n'emploie donc que 1.000 personnes pour 12 navires, la compagnie française compte 2.000 salariés pour seulement huit navires. Pour transporter encore plus de passagers, l'italien enchaîne les rotations entre Corse et continent.
Ce bateau est arrivé il y a moins d'une heure à Bastia, il rembarque des passagers pour repartir dans quelques minutes. Mais le bateau de la SNCM arrivé quasi en même temps ne repartira pas avant ce soir, il passera la journée a quai.
Car la SNCM ne touche une subvention de l'Etat que pour un nombre précis de traversées. Celles effectuées en plus, avec des bateaux pas assez remplis, ne seraient pas rentables. Corsica Ferries bénéficie d'un énorme avantage: le pavillon international italien. Elle ne paie aucune charge sociale, et presque aucun impôt sur les bénéfices. La SNCM est sous pavillon français, régime fiscal classique, et 100 % de marins français à bord. La concurrente italienne emploie de la main d'oeuvre venue de toute l'Union européenne, souvent moins chère. Et puis il y a l'image de la SNCM. Une entreprise confrontée à des conflits sociaux. Des grèves à répétition, comme en janvier dernier, ou en 2011.
Qui est pour la reconduction de la grève.
Grève en 2009, 2004, 2000. Et en 2005, un conflit qui se termine en détournement de navire par les grévistes. Le GIGN est intervenu. Tout cela fait fuir certains passagers.
J'ai choisi Corsica Ferries car je craignais que la SNCM de fonctionne pas, comme en janvier où je suis resté coincé.
Ce risque, la CGT, 1e syndicat à la SNCM l'assume.
Quelle autre solution ont les salariés sinon utiliser la grève pour préserver leur emploi et le service public pour les usagers ? Y a pas d'autre solution et y a pas à en rougir.
Qu'est-ce qui explique selon vous la situation de la SNCM.
Le dumping social de Corsica Ferries, qui navigue sous pavillon international avec des travailleurs détachés, qui ne respecte pas la réglementation française.
Corsica Ferries assure respecter la loi française. Quel avenir pour la SNCM ? L'actionnaire majoritaire, privé, veut s'en aller. L'Etat ne peut pas tout financer seul. Et la compagnie risque de devoir rembourser 440 millions d'euros d'aides publiques que l'Union européenne juge illégales.
Aujourd'hui la situation est bloquée. Les marins de la SNCM ont accepté de travailler plus et des suppressions d'emplois, mais ils réclament l'achat de nouveaux navires plus modernes, plus économes, ce que l'actionnaire majoritaire refuse.
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