Décollage reporté du drone Ingenuity sur Mars: "On ne tentera rien" avant d'avoir "cerné" le problème, selon un ingénieur français
Le vol sur Mars de ce petit hélicoptère, prévu ce dimanche, a été reporté après un essai non satisfaisant.
La planète Mars "est littéralement en train de nous apprendre ce qu'il faut faire pour voler chez elle", a expliqué ce lundi sur franceinfo Jeff Delaune, ingénieur-chercheur, le seul membre français de l’équipe Ingenuity. Le vol de ce petit hélicoptère, prévu ce dimanche 11 avril, a été reporté après un essai non satisfaisant : "il y a un des sous-systèmes qui n'a pas répondu à temps", précise Jeff Delaune. "C'est la première fois qu'on va essayer de faire voler un drone sur une autre planète, on ne va avoir qu'une seule chance donc on a mis plein de marges pour s'assurer", détaille l'ingénieur français, qui n'est pas sûr qu'un nouvel essai intervienne d'ici mercredi, comme le souhaite la Nasa.
franceinfo : Pouvez-vous nous résumer le rôle que cet engin Ingenuity doit jouer sur Mars ?
Jeff Delaune : Ingenuity, c'est un démonstrateur technologique. C'est la première fois qu'on va essayer de faire voler un drone sur une autre planète, et donc là sur Mars. Avant de lui donner sa propre mission, on va d'abord faire un essai comme on l'avait fait avec Sojourner, le premier rover, dans les années 1990. On fait souvent la comparaison avec le premier vol des frères Wright sur Terre, au début des années 1900. C'est exactement ça que veut faire Ingenuity sur Mars. C'est le premier vol motorisé et aéroporté sur une autre planète.
On parle d'un petit hélicoptère, mais cela ressemble plutôt à un drone, vu les dimensions ?
Les pales font à peu près 1,20 m de diamètre, par contre le fuselage, qui est juste en dessous, fait la taille d'une boite de mouchoirs. Tout est surdimensionné parce que l'atmosphère de Mars est très, très ténue, il faut que les pales soient très grandes pour générer assez de force et le faire décoller.
Quel est le problème que vous avez eu lors du test d'Ingenuity ?
Vendredi, c'est la première fois qu'on a essayé de faire tourner les pales à la même vitesse que ce qui aura lieu pendant le vol. Au moment de transitionner le logiciel de bord vers le mode requis, Ingenuity demande à tous les sous-systèmes de donner une réponse que tout va bien dans le temps imparti. Là il y a un des sous-systèmes qui n'a pas répondu à temps. La chose principale à retenir, c'est qu'Ingenuity a pu envoyer toutes ses données sur Terre et ces données indiquent que tous ces sous-systèmes vont bien. Il faut comprendre que ce sont des systèmes conçus pour ne pas prendre de risques. Et là, c'est la première fois qu'on fait un vol qui n'est pas dans les conditions idéales du laboratoire, donc on avait pas mal de marge.
"Là Mars est en train de nous dire qu'elle est un petit peu différente de ce qu'on avait en laboratoire."
Jeff Delaunefranceinfo
Mars est littéralement en train de nous apprendre ce qu'il faut faire pour voler chez elle. On a eu les messages, on tente de comprendre et de faire en sorte que ce premier vol ait bientôt lieu. On ne va avoir qu'une seule chance, donc on a mis plein de marges pour s'assurer.
Vous êtes confiant pour un nouvel essai ? La Nasa a fixé l'objectif de refaire un essai dans 48 heures.
L'objectif, c'est au mieux mercredi. On va vraiment attendre de comprendre et d'être relativement certain qu'on ait cerné le bon problème et ne rien tenter avant ça.
Ingenuity doit donc permettre de montrer qu'on peut voler dans l'atmosphère de Mars, l'objectif à terme est-il de précéder l'exploration de cette planète par l'Homme ?
Ça pourrait précéder l'Homme, ça pourrait aussi être des missions scientifiques indépendantes. Jusqu'à maintenant on avait des rovers qui avançaient relativement peu vite, les hélicoptères pourraient potentiellement avancer à 100 km/h en l'air et franchir plus de 10 kilomètres par jour. 10 kilomètres, c'est ce que le rover précédent, Curiosity, a parcouru en deux ans. Donc, c'est une façon différente d'explorer Mars, qui peut être complémentaire des rovers et qui pourrait aussi être complémentaire des astronautes, si par exemple on voudrait reconnaître l'endroit où vont aller les futurs hommes et femmes sur Mars avant de les y envoyer.
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